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(Les Maîtres de Forges)
Ils étaient les exploitants des forges et passaient souvent des contrats très détaillés avec les propriétaires. Ces Maîtres des Forges furent assez nombreux, ils se succédèrent à des intervalles assez irréguliers. Nous en connaissons un certain nombre :
1600. 25 décembre, bail pour 9 ans accordé par le duc de Mercoeur au Noble Homme Jacques Belot et sa femme Catherine Guillet. Le bail concerne le moulin à blé et les forges de la Poitevinière ainsi que leurs dépendances et le pré au baron. Le propriétaire fournit 25 arpents de bois de haute futaie, mais sans pouvoir toucher au breuil Saint-Laurent et deux autres breuils [taillis] réservé pour l'ornement de la forêt. Défense de chasser, de pêcher sauf pour usage personnel. Entretien et réparations aux forges, maisons, ponts et chaussées à la charge du locataire, Prix du bail : 1.100 écus soleil, soit 3.300 livres en deux termes.
1611. Jacques Belot meurt. Succèdent Monthulé et Pierre Paris, fils et neveu de la veuve Belot.
1614. 8 février, bail pour 7 ans par la veuve du duc de Mercoeur à Messire Lancelot Duchenay, sieur de la Tanne, demeurant à la paroisse Saint-Aubin en Pouancé. Prix : 1.200 livres tournois pour moulins et forges, plus 2.400 livres pour avoir 4.000 cordes de bois
1626. 13 mai, bail à Pierre Paris de la Poitevinière, pour 2.200 livres par le duc César de Vendôme
1652. 12 mai. VENTE par le duc de Vendôme ruiné à Messire René de Mézangé seigneur du Bois de Riaillé et demeurant à la Minaudière, époux de Jeanne Bidé. Vente à réméré (possibilité de racheter) pendant 2 ans pour 45.000 livres. Il s'agit d'anciens moulins à blé, forges, étangs, maisons, forêts, landes, terres vagues et l'Enclose. Il peut chasser, ainsi que les ouvriers des forges, les sangliers, les chevreuils et lièvres
1652. 4 septembre. Le marquis de Chastel, qui a acheté la baronnie d'Ancenis, rachète le tout à René de Mézangé pour 46.790 livres et 7 sols
1700. N.H. René Dusaule
1710 1714, 1717. N.H. Arnaud Jules Barbier
1736. 4 mai, bail à Michel Ollivier, négociant et Jean-Baptiste Baralery d'Angers par N.H. François Lambert de la Grée en Auverné, procureur fiscal du baron Paul François Béthune duc de Charost. (Associés à ce bail, Mézangé, de la Hardière et de Malleville) Forges plus la Vallée, le Tertre, coupe de la moitié de la Forêt. Prix: 8.250 livres
1747. 15 février, bail renouvelé aux mêmes par Armand de Béthune duc de Charost
1755. 30 mars, bail pour 9 ans par le duc Armand de Béthune de Charost à M. Gabriel Jacques Briquet sieur de la Grave, bourgeois de la ville de Mézière-en-Brenne (Indre) et demoiselle Marie Françoise Giraud son épouse. Prix : 8.500 livres
1764. 17 juin, bail par le duc Armand de Charost à M. Michel Dubois, Maître de Forges à Laval, cautionné par M. Julien Clerc de Flecheray, Maître de Forges et M. Olivier Dubois, Maître de Forges. Forges, fonderie, Le Tertre, la moitié de la Forêt. Prix : 8.000 livres
1767. 20 mars, renouvellement du bail au même. Il y a des réparations à la Vallée. Prendre pour cela 10 hêtres, 10 chênes et 6 perches à soufflets.
1773. 2 janvier, prolongation
1777. 14 avril, prolongation mais à 13.000 livres
1789. 2 mai, prolongation mais à 15.000 livres. Le duc de Charost se réserve dans la banche [la coupe] de Saint-Laurent 14 journaux, 7 cordes pour laisser croître en pleine futaie.
1796. Le 23 février, les associés Dubois, Leclerc et Cie, domiciliés à Laval, Maîtres de Forges, envoyaient au duc de Charost propriétaire, un rapport catastrophique sur le fonctionnement des établissements. Ils déclaraient ne plus pouvoir payer le fermage pour plusieurs bonnes raisons.
1800. Il faut croire que le Directeur des Forges, M. François Meslin, s'était arrangé pour remettre tout en état, puisque après une enquête minutieuse faite en 1800 par M. Laheu des Ayrauds homme d'affaires de la duchesse de Charost, les forges fonctionnaient bien à cette époque et rapportaient notamment plus que les revenus déclarés par la société d'exploitation.
1803. Le 1er juillet, bail par Madame Henriette de Tourzel, la duchesse de Charost, à M. François Meslin, qui de Directeur des Forges devenait Maître de Forges : forges, fermes du Tertre et de la Ferrière. Prix : 16.000 Francs
1812, 28 février, bail de la duchesse de Charost à M. François Meslin et M. Allotte, le prix est de : 23.000 F. Au cours de cette même année, M. Meslin quittait Riaillé pour affermer les forges de Pouancé.
1821. Le 24 janvier, M. Allotte cède le bail à M. François Xavier Demangeat, fils de M. Jean-Joseph Demangeat, Directeur des forges de la Hunaudière à Sion-les-Mines. Ainsi entra à Riaillé la famille Demangeat. Elle joua par la suite un rôle important à Riaillé. La sœur de François, Sophie, épousa son cousin germain François Maire, directeur des forges de Moisdon. Les deux établissements furent reliés par une route, dite route de la Forge, qui partait de la Forge neuve de Moisdon, passait par la Palissonnière, la Coudrecière, la forêt et rejoignait la Provôtière en contournant l'étang par l'ouest. En 1830, François Xavier Demangeat fut nommé maire de Riaillé par les autorités philippistes, il démissionna en 1832 mais resta adjoint pendant 17 ans.
1840. Bail du duc de Tourzel à M. François Demangeat et Proydas de la Lande, le duc se réserve la chasse et plusieurs maisons d'ouvriers avec leurs jardins. Prix : 23.000 F. En 1845, le duc de Tourzel mourut laissant ses biens en héritage aux trois enfants de sa sœur récemment décédée. Cette dame avait épousé Emeric Durfort-Civrac de Lorges duc de Lorge.
1862. Le 18 août, bail à MM. Robert et Adolphe Demangeat,. La Vallée devient moulin à eau. Prix : 16.000 F. Le traité de commerce conclut par Napoléon III avec l'Angleterre porta un coup fatal aux forges de petites et moyennes importance de la région. Elles ne purent lutter contre les aciers anglais de meilleure qualité, commercialisés à meilleurs prix que les leurs.
1875.Les Forges de Riaillé fermèrent définitivement. Le dernier Directeur fut M. Chauvel.
(La famille Demangeat)
Elle était venue d'Alsace de la localité appelée Le Bonhomme, près du col de ce nom dans le Haut-Rhin. L'ancêtre Georges Jean Demangeat eut 15 enfants, dont 9 survécurent aux maladies infantiles. Les 5 garçons prénommés Sébastien, Robert, Adolphe, Jean-Joseph et Louis furent étudiants au collège Louis-le-Grand à Paris. Leur protecteur était le duc d'Orléans , futur Philippe-Egalité. A l'exemple et sous l'influence de ce personnage, ils se firent remarquer parmi les membres des clubs agitateurs des débuts de la Révolution.
Il faut croire que l'un ou l'autre de ces frères avait des aptitudes dans le métier de forgeron car on fit appel à lui pour prendre la direction de l'importante forge d'Indret à la fin de l'année 1795. Le 22 octobre 1793, Carrier qui régnait en maître sur Nantes et sa région, limogea l'industriel François Ignace de Wendel originaire d'Hayange en Moselle. Ce Maître de Forges dirigeait la fonderie de canons d'Indret depuis 1780 et c'est lui qui fonda la mine du Creusot en vue de fournir du fer à celle d'Indret. En 1795, Indret était en partie désertée par ses ouvriers, Demangeat fut appelé sur la proposition du conventionnel Renbeil, député de Colmar et quelque peu apparenté avec la famille du candidat. Celui-ci ne fit guère mieux que son prédécesseur. En 18 mois, il dépensa 350.000 francs or et ne put livrer un seul canon !
Par la suite, les choses s'arrangèrent et la famille Demangeat prit racine dans la région nantaise. Une trentaine d'années plus tard les frères Demangeat et leurs enfants se trouvaient en bonnes places, l'un dans la haute magistrature de Nantes, les autres surtout dans l'industrie du fer, à Indret, à la Hunaudière en Sion-les-Mines, à Moisdon-la-Rivière (là c'était un gendre Maire), à Riaillé et dans d'autres lieux. L'un des deux Louis Demangeat devint même Inspecteur des forges du département. L'empereur Napoléon les avait en haute estime, il faut dire qu'il avait un grand besoin de canons et d'armes diverses pour mener à bien toutes ses guerres !
Jean LEMAITRE (1787-1873)
[Le plus ancien portrait connu de Riailléen est celui de Jean LEMAITRE. Originaire du Grand-Auverné, il avait épousé, à Moisdon-la-Rivière, Marie-Agnès DEMANGEAT fille de feu Jean-Joseph DEMANGEAT, ancien Maître des Forges à la Hunaudière. Il était le beau-frère de Xavier MAIRE Maître des Forges à la Forge Neuve de Moisdon et de François-Xavier DEMANGEAT Maître des Forges à Riaillé.
Lors de son mariage, il était Commis (Comptable) à la Poitevinière et à la naissance de sa fille Commis à la Provostière. En fin de vie, il habitait l'Enclose. Il mourut à 86 ans.
Sa fille unique Marie-Agnès, épousa Hyppolite TESTARD, notaire à Riaillé-Pannecé et maire de cette dernière commune. Elle eut onze enfants !
D'après la mémoire familiale, chaque fois que Jean LEMAITRE apprenait que sa fille était à nouveau enceinte, il jetait sa casquette à terre, la piétinait, jurait "Sa-cri-tie ! Sa-cri-tie !" puis sautait sur son cheval pour effectuer une chevauchée qui lui permettait de retrouver son calme.]
(Rapports sur les Forges)
1756, M. Briquet de la Grave
La maison des Maîtres de Forges de la Provostière
1765, M. Michel Dubois
[L'unité ne pouvait être que la Lieue Marine, qui mesure 5.556 m, comme chacun le sait, ou presque !]
1800, Enquête établie sur les Forges de Riaillé
Sur demande de M. Laheu des Airauds, homme d'affaires de la duchesse de Charost, l'enquêteur fut Victorien Vignal, garde chef des eaux et forêts du domaine. Directeur des forges de la Provôtière et de la Vallée, M. François Meslin, déclare une production de 1.000.000 livres par an (soit 500 tonnes) et une estimation du bénéfice
Recettes générales
- Fer marchand à 3 sols 6 deniers la livre 140.000 livres tournois
- Fer de loupe à 4 sols 6 deniers la livre 45.000
- TOTAL 185.000
Dépenses générales
- Salaires, achats 130.670
- Loyer 15.000
- TOTAL 145.670
Bénéfice 39.330 livres tournois
DÉTAILS DE L'ENQUETE DE M. LAHEU DES AIRAUDS :
Dépenses de fonctionnement
I - Direction
1 Directeur général 7.000 livres tournois
1 Commis comptable (trésorier) 600
2 Commis secrétaires (250x2) 500
1 Commis des bois et charbons 300
1 Commis du fourneau 300
TOTAL 8.700 livres tournois
II - Personnel qualifié
1 Maître Marteleur 1.200 livres tournois
1 Maître Fondeur 1.200
1 Maître Charpentier 1.000
4 Chefs affineurs (4x900) 3.600
8 Valets d'affineurs ou fondeurs (8x850) 6.800
2 Chauffeurs (2x1000) 2.000
4 Petits Valets (4x500) 2.000
2 Journaliers (2x220) 440
1 Maréchal 300
TOTAL 18.540 livres tournois
III - Bois et Charbons
Le propriétaire fournit gratuitement 2.000 cordes de bois à prendre dans la forêt d'Ancenis, mais il faut les faire bûcher.
7.000 cordes de bois à acheter 35.000 livres tournois
Bûchage de 9.000 cordes de bois 11.400
Recassage de 9.000 cordes de bois 1.400
Dressage des fourneaux 2.160
Cuisson du charbon (40.000 sacs de charbon à 1,5 le sac) 6.000
Transport du charbon 20.000
Transport de 100 cordes de bois à la fonderie 600
TOTAL 76.360 livres tournois
IV - Fourneau de la Poitevinière
2.400 pipes (tonneaux) de minerai à 4 livres la pipe 9.600 livres tournois
Castine (pierre à chaux) 1.500
1 Fondeur 300
2 Gardes (2x300) 600
3 Chargeurs (3x260) 782
2 Banqueux (2x300) 600
3 Laveurs de minerai (3x218) 648
Pour monter le charbon à la forge et au fourneau 450
Pour transporter les gueuses du fourneau à la forge 2.000
Pour l'ouvrier qui emplit les restes du charbon au fourneau 400
Pour les pierres d'ouvrage, l'ouvrier qui fait les restes, les 10.000
petits charrois, la réparation logement, chaussées, imprévus
Total 27.070 livres tournois
TOTAL DES DEPENSES 130.670 livres tournois
CONCLUSION DE L'ENQUETE DE M. LAHEU DES AIRAUDS
I - Le fer marchand évalué à 3 sols 6 deniers se vend actuellement 6 sols la livre
Le fer de loupe évalué à 4 sols 6 deniers se vend 8 sols
Les recettes réelles sont notablement plus élevées que celles qui paraissent sur les comptes du Directeur des Forges. Les bénéfices réels sont près du double que ceux qui sont déclarés, d'autant plus que la quantité vendue est supérieure à celle qui est déclarée.
II - Les 2.000 cordes de bois accordées gratuitement par le propriétaire dépassent pratiquement cette quantité, parce que l'exploitation de la forêt se fait par quartiers appelés "banches". S'il y a des banches qui ne produisent que 2.000 cordes ou moins, d'autres en donnent 3.000 à 4.000. Il y a plus de bois gratuit que l'on en avoue.
III - On ne parle pas des "à cotés" de la production de la fonderie. Il s'agit de ceux que l'on ignore parce qu'on les cache. Mais on peut dire qu'ils ne sont pas d'un mince profit.
IV - Le fourneau de la Poitevinière coule beaucoup d'objets et ustensiles en fonte, notamment :
Un bon nombre de "saumons" ou masses de fonte que l'on place comme lest au fond des navires de ligne ou des corsaires pour leur assurer une meilleure stabilité et donc une meilleure marche. Ceci est d'un grand rapport dans notre département maritime.
Il fournit aussi des boulets de tous calibres, actuellement on en demande 100.000 livres
Il produit aussi toutes sortes de coupe-feux, contre feux, marmites, chaudrons, chaudières et tous ustensiles.
V - On n'a pas compté les revenus des métairies de la Ferrière et du Tertre qui sont annexées aux forges..
VI - En plus du bois de coupe, le propriétaire donne gratuitement :
15 chênes de 72 ans et plus, 10 fonteaux (hêtre), 6 perches
De ces beaux arbres, on peut tirer de belles pièces pour la Marine, plus le bois des branches. Cela peut donner 900 livres par an.
VII - Il y a bien la vente du poisson des étangs. Mais désormais, ce n'est qu'un petit profit puisque les grands monastères de Nantes ont été supprimés, eux qui en consommaient beaucoup. Le poisson ne sert plus que pour la consommation de la maison (du maître et des employés).
VIII - Le plus précieux avantage pour la Forge de la Provôtière lui vient de l'abondance des eaux de son étang qui lui permet de travailler toute l'année alors que toutes les forges de la région sont obligées d'arrêter pendant 3 mois faute d'eau. L'étang de la Provôtière n'a manqué d'eau qu'une fois depuis 25 ans. Il avait fallu alors en acheter pour 500 livres à l'étang du Jeanneau situé plus haut que la Poitevinière. Au fourneau de la Poitevinière, on y travaille 8 à 9 mois l'année.
(Interruptions des travaux par suite de troubles)
1616. Pendant le Carême (mois de mars) le duc de Vendôme, demi-frère du roi Louis XIII, bien qu'âgé seulement de 22 ans est déjà en rébellion contre l'autorité royale en accord avec le prince de Condé, les ducs de Longueville et de Mayenne, le comte de Saint-Pol et le maréchal de Bouillon. Il vient à Ancenis à la tête de 2 régiments, au grand dommage des environs. Ces 2 régiments campèrent à Riaillé. Le premier commandé par Monsieur de la Roche-Giffart pendant 8 ou 10 jours, le second par Monsieur de Bourneuf comte de Créance, pendant 3 semaines.
Les soldats commirent toutes sortes de violences et de pillages, surtout à la Poitevinière, brutalisant les ouvriers, brûlant le charbon, enfonçant les portes des maisons et des forges, enlevant même le cuir des soufflets. Ils épuisèrent toutes les réserves de vivres et de boissons. A la Provôtière, un détachement, sous les ordres de l'enseigne Pironnay força pendant la nuit la maison des Maîtres de Forges associés, MM. De Monthulé et Pierre Paris. Tout le mobilier fut enlevé et le butin fut chargé sur les propres chevaux de la Forge qui furent emmenés. La femme de M. de Monthulé qui avait du se réfugier à Ancenis, mourut à son retour en voyant la dévastation. Les fourneaux et forges restèrent 5 mois sans pouvoir travailler faute de combustible et d'ouvriers dont un bon nombre avaient quitté le pays. Le duc de Vendôme ne fit aucune excuse et aucune réparation. Sa belle-mère, la duchesse Marie de Luxembourg, veuve du duc de Mercoeur avait gardé l'administration de la baronnie d'Ancenis. Etant propriétaire des forges, elle était elle-même victime de son gendre. Elle fit effectuer cependant une enquête sur la situation et envoya la somme de 24.000 livres aux Maîtres de Forges, en guise de réparations des dommages, somme notablement insuffisante compte tenu surtout du manque à gagner.
1794, 7 juin (19 prairial de l'an II). Les chouans dévastent à leur tour les installations de la Poitevinière.
Lettre des Maîtres de Forges associés au duc de Charost du 23 février 1796
(…) Au mois de juin 1794, le halage du fourneau, les soufflets et une partie des rouages ont été incendiés par les brigands. La forge dépourvue de fonte par rapport aux fournitures qu'elle a été forcée de faire à la République, après avoir consommé tout ce qu'il y avait de vieilles fontes, a discontinué ses travaux et elle est réduite au chômage depuis cette époque. La société n'a rien négligé pour faire rétablir des débris de l'incendie, mais au moment oùelle a cru devoir espérer lui rendre son activité, ses associés ont été menacés d'un renouvellement et d'y comprendre toutes les usines et les amas de toutes espèces. Ces dangers ont été prévus par la société, mais elle a cru, qu'il était de son honneur de faire bûcher pour remplir ses engagements. Elle l'a fait à grands frais au risque de tout perdre. Quoique les bois aient été pillés et volés, elle a actuellement dans les halles et en barges une quantité prodigieuse de charbons qui s'endommagent et que l'occasion de les brûler est peut être bien éloignée.
La position des associés n'est pas plus heureuse. Les biens des uns sont séquestrés et saisis par la Nation. Ceux des autres sont pillés et ravagés et ils ne touchent qu'une modique partie de leurs revenus qui suffit, à peine, pour leurs subsistances et celles de leurs familles. Les fers fabriqués depuis la Révolution et qu'on les a forcés de vendre ont été payés en assignats. Ils se sont épuisés à faire subsister leurs ouvriers, qui sont sans travail, et ils voient avec le plus grand chagrin qu'ils sont hors d'état de les soutenir plus longtemps. Ces malheurs ont été suivis par la mort de leur régisseur qui a augmenté leur embarras.
La détresse où ils se trouvent les mets hors d'état de vous offrir du numéraire pour le prochain fermage. La loi n'a encore rien prononcé sur le mode de paiement des baux à forges. Dés qu'il sera réglé, la société fera tout ce qui dépendra d'elle pour s'y conformer. Dans ces malheureuses circonstances, Monsieur, elle ose encore réclamer la protection que vous lui accordez depuis trente ans. Elle espère de votre bonté et de votre justice que vous aurez égard à sa position, aux pertes qu'elle souffre depuis près de deux ans et à celles qu'elle ne peut manquer d'éprouver jusqu'à la paix et la tranquillité.
Nous sommes avec respect, Monsieur, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Remarque : Lorsque fut écrite cette lettre, le duc de Chârost était libéré de prison. Pas tellement attaché à ses forges de Riaillé, il mit en vente ses 3 forges et la forêt pour la somme de 500.000 Francs. La famille Garnier de Moisdon fit des propositions mais n'accepta pas les conditions du duc de Chârost : "Il faut considérer la vétusté des bâtiments, des forges, qui sont je crois, les plus anciennes de la ci-devante Bretagne" (27 octobre 1798).
VII - SITUATION SOCIALE DU XV° AU XVIII° SIÉCLES
(Propriétaires et Paysans - Seigneurs et vassaux)
Au XV° siècle, il n'y a plus de serfs et de vilains, mais il y a toujours ceux qui possèdent la terre et ceux qui ne la possèdent pas. Le mot de seigneur a perdu beaucoup de son sens primitif. Il s'emploie encore mais dans le sens de propriétaire et une seigneurie est le plus souvent un domaine possédé aussi bien par un bourgeois, un paysan enrichi que par un descendant de vieille noblesse.
Pour étudier les relations entre propriétaires ruraux et paysans, nous prendrons deux documents extraits des archives de la seigneurie de la Meilleraie de Riaillé. Les archives de Chevasné, de Saint-Ouen ou de la Cour du Bois peuvent fournir des renseignements assez nombreux sur les XVII° et XVIII° siècles mais seule la Meilleraie nous permet de remonter jusqu'au XV° siècle.
Le premier document date de 1474, le second de 1769. Trois siècles ont passé entre les deux ; on peut essayer de les comparer et de constater combien l'évolution fut lente dans les relations sociales.
Ces deux documents sont des "aveux" des seigneurs de la Meilleraie à leur suzerain le baron d'Ancenis. Dans la société ancienne, un aveu était une déclaration écrite, faite périodiquement par un vassal à son suzerain au sujet de l'état de sa propriété et de ses revenus. Cette déclaration était accompagnée d'une redevance en argent et en nature et de l'offrande d'un objet représentant un hommage à son supérieur. Pour Riaillé, l'objet en question était un gant droit, fait de peau de cerf, en usage pour la chasse au faucon.
1474. Le 30décembre : C'était au temps de Louis XI, une vingtaine d'années après la fin de la guerre de cent ans (terminée en 1453). La Bretagne était encore un pays indépendant gouverné par le duc François II, père de la duchesse Anne. Les propriétaires de la Meilleraie étaient Jean Lenfant et son épouse Jeanne Machuel.
La totalité de leur domaine comptait environ 910 journaux (405 ha). Le propriétaire se réservait l'exploitation de 300 journaux (150 ha). Le reste environ 550 journaux (275 ha), renfermait des landes, des taillis et aussi des terres cultivées par diverses familles.
[L'abbé Joseph Trochu utilise le mot "journal" ou "journaux", en fait dans notre région au début du XX° siècle, c'était plutôt les mots "journée" ou "journées" qui étaient employés. Une journée, comme un journal correspond environ à un 1/2 ha. Pour mesurer les surfaces, on utilisait également et, même le plus souvent, le terme de "boissée", une boissée correspond à environ 1/8 d'ha.]
Certaines de ces petites exploitations étaient qualifiées de fiefs : le fief Hardy, le fief Michel, le fief Blandin, le fief David, le fief Bellejambe, le fief Papin, le fief Briand, le fief Huet, le fief Picqué, le fief Gibouin et plusieurs autres. Le fief était généralement une terre attribuée à une famille et transmissible à ses descendants. Il gardait le nom du premier à qui il avait été accordé même si, dans la suite des temps, des mariages l'avaient fait passer à d'autres noms.
A coté de ces fiefs, il y avait des petites terres, des "tenures" exploitées par des "estagiers" ayant une situation moins assurée. On y trouve les Le Breton, les Manœuvriers, les Nouages, les Potier, les Tihour, etc. Les Gibouin ont donné la Gibonnière, Les Thihour la Touinière. Tous ces gens logeaient dans des chaumières plus ou moins bien aménagées, suivant les goûts et les ressources des occupants.
Fiefs et tenures payaient au propriétaire des redevances soit en argent soit en nature. Les redevances en argent pouvaient être réparties de façon fort inégale, entre 7 échéances : Pâques, la Madeleine, la Saint-Jean-Baptiste, La mi-Août, l'Angevine (8 septembre), la Toussaint et Noël.
Le plus imposé payait environ 57 sous par an entre cinq ou six termes, le moins imposé donnait 4 ou 5 sous. Remarquons qu'à cette époque toute monnaie s'évaluait par rapport à l'or.
Mais ce n'était pas tout. Il y avait aussi les redevances en nature. Faute de pouvoir en faire le détail disons que le propriétaire de la Meilleraie en tirait chaque année :
21 provendières d'avoine menue (21x8=168 boisseaux)
9 trousseaux de foin et 17 chapons, 14 oies, 12 gélines (poules)
Travaux des champs (Encyclopédie Diderot-D'Alembert 1751-1772)
Il y avait encore les Corvées qu'on appelait les "buins". Chacun en prenait sa part, suivant son rang et ses possibilités. Il y avait une hiérarchie dans le monde de la culture. Il ne fallait pas confondre le laboureur à bœufs et le laboureur à bras, même si on labourait avec des vaches, on était un laboureur à bras. Le propriétaire faisait faire son foin et sa provision de bois pour l'hiver par les corvées. Les laboureurs à bras fauchaient et faisaient le foin. Ils coupaient le bois. Les laboureurs à bœufs faisaient tous les transports. Pendant les corvées, le propriétaire fournissait à chacun un demi pain par jour.
Une corvée moins intéressante était celle du tirage des "frambois". On ne pavait pas encore les étables et les écuries ou une bonne partie du fumier restait sur place recevant une litière renouvelée chaque jour. Si bien qu'au bout d'un certain temps le fond de l'écurie ou de l'étable était couverte d'une forte épaisseur de fumier, tassé et fermenté. Tirer les frambois ou "framboyer", c'était curer à fond le local. Ce n'était pas sans dégager beaucoup d'odeurs qui embaumait le voisinage et tout d'abord les "framboyeurs".
Il y avait tout de même une sorte de corvée qui pouvait procurer quelques distractions, c'était la "huée". Quand le propriétaire voulait chasser le gros gibier avec ses amis dans ses bois, il convoquait ses paysans. Ceux-ci encerclaient le bois ou le taillis et s'avançaient ensemble en poussant des cris et en frappant les buissons avec leurs bâtons de façon à pousser le gibier dans une direction voulue, là où les invités l'attendaient avec des filets pour le capturer ou des épieux pour le tuer.
La chasse aux lapins se faisait dans les garennes seigneuriales. Les gens d'expérience connaissaient bien les terriers. On enfumait une extrémité et on attendait les lapins à l'autre bout avec des sacs où venaient s'engouffrer les bêtes affolées. Gros ou petit gibier, les paysans en avaient leur part et c'était l'occasion de fêtes et de bombances.
Venons en à une coutume très ancienne. Le jour de Pâques, après la messe du matin ou la Grand-Messe, le tenant du fief Hardy, qui avait le premier rang, devait en son nom et au nom de tous autres vassaux, présenter au seigneur de la Meilleray ou à son procureur, une poignée de "tenaizie" (tanaisie), cette plante odoriférante et médicinale dont on faisait un grand usage. Cette poignée de tenaizie devait être présentée à l'entrée du cimetière qui entourait l'église et l'homme qui la présentait devait avoir un pied dans le cimetière et l'autre dehors. Il faisait cette offrande pour les vivants mais sans oublier les morts dont on tenait les biens de la terre.
Il faut d'ailleurs remarquer que nos ancêtres vivaient avec le souvenir très vivant de leurs défunts presque en leur compagnie et c'est pour cela que les cimetières entouraient les églises même dans les villes.
L'offrande de la tanaisie était un geste d'hommage, mais pourquoi cette plante plus qu'une autre ? Il y avait sûrement une raison mais laquelle ? Il est vrai que la tanaisie était qualifiée d'Herbe Sainte, sans doute à cause des propriétés salutaires qu'on lui attribuait.
En compensation de leurs redevances, les paysans dépendant de la Meilleraie avaient quelques avantages. Ils pouvaient utiliser le moulin de la seigneurie pour faire moudre leur blé (seigle surtout) mais il fallait, toutefois, payer le meunier en lui laissant des moutures. Ils pouvaient emmener leurs bestiaux paître dans tous les communs du domaine. Ils avaient le droit quand le propriétaire avait fait sa provision de couper le bois qu'il leur fallait pour se chauffer. Ils avaient aussi le droit de "porchage" qui variait avec les propriétaires. Les porcs pouvaient être emmenés jusqu'à un nombre de 25 ou plus dans les bois pour manger des glands des champs à l'automne, c'était la "glandée". Il est vrai que le propriétaire avait le droit de choisir un porc par 25 et de percevoir en plus 12 deniers par troupeau.
1769. Le 29 mars, nous sautons près de 3 siècles de vie à Riaillé exactement 294 ans et 3 mois. A la tête de la seigneurie de la Meilleraie se sont succédés une quinzaine de titulaires par la voie des mariages, des héritages, des échanges ou des acquisitions. Il est en possession de Messire Henry Simon, écuyer, seigneur de Vouvantes, de la Meilleraie, de la Selle, de la Bouxière, de la Bernardais et d'autres lieux. Ce personnage dont la mère était une Guiheneuc ne résidait pas toujours à Riaillé mais à Saint-Julien-de-Vouvantes, dans sa maison d'Ancenis et aussi à Nantes, rue et paroisse de Notre-Dame, non loin de la Cathédrale. Cependant comme il aimait la chasse, il faisait d'assez longs séjours à la Meilleraie à cause de ses bois et taillis et du voisinage de la grande forêt du baron d'Ancenis, son suzerain bienveillant, le duc de Chârost.
Il faut d'abord remarquer que les maîtres de la Meilleraie ont véritablement agrandi et embelli leur manoir seigneurial. Le document de 1474, sans donner de détails, parlait d'un hébergement c'est à dire d'un logement de passage, autrement dit une résidence secondaire avec deux chambres basses, deux chambres hautes, le tout couvert d'ardoises, quelques dépendances, un jardin, l'ensemble clôturé d'un mur ou d'une haie.
En 1769, on ne parle plus d'hébergement mais de la Maison Seigneuriale de la Meilleraie. Autour d'une cour close de murs sont construits des bâtiments qui se font face. D'un coté, c'est une grande maison, avec six chambres basses et six chambres hautes et un grand grenier au-dessus. Une chapelle y est jointe et une tour servant de pigeonnier. De l'autre coté se trouve un autre bâtiment avec deux pièces en bas et deux pièces en haut. Le bas servant de boulangerie avec four et le haut réservé à des chambres de domestiques. Les dépendances comprennent l'écurie, l'étable, deux "ménageries" (basses-cours), une grange importante et un pressoir. Tous ces bâtiments sont en bonnes pierres et couverts d'ardoises. Aux extrémités de la cour s'ouvrent deux portes cochères avec un avant cour pour chaque porte. Devant la maison se trouve un jardin. L'ensemble des bâtiments, du jardin et du parc est borné de toutes parts et mesure 10 "boisselées" (1 ha 25 ares).
En 1769, le domaine de la Meilleraie renferme toujours les mêmes fiefs qui se sont agrandis et organisés. Ils se sont groupés davantage dans les villages de la Meilleraie, la Gibonnière, la Torchère, la Garenne, la Touinière et autres. Par contre la Minaudière a été acquise par une femme appartenant à la famille des Mézangé. Pour cette année, nous n'avons pas le détail comme en 1474 des revenus par fief. Le propriétaire n'a déclaré que le total de l'argent reçu :
29 livres et 5 sous
18 provendières d'avoine menue (144 boisseaux mesure d'Ancenis)
7 trousseaux de foin
12 chapons, 13 oies, 14 poules
Tout cela est perçu le jour de l'Angevine. Toutefois le jour de Pâques, le seigneur de la Meilleraie reçoit spécialement une poule, six poulets, une treizaine d'œufs et la fameuse poignée de tanaisie qui a traversé les siècles.
Pour les redevances en nature, un accord a été établi, on peut les acquitter en argent suivant un barème fixé : le chapon est estimé 8 sous, le poulet 5 sous, une oie 8 sous, un poussin 1 sou, la douzaine d'œufs 2 sous, le trousseau de foin 7 sous et 6 deniers. L'avoine ne pouvait être rachetée car le seigneur de la Meilleraie devait en donner une notable partie à son suzerain le baron d'Ancenis.
La poignée de tanaisie n'était pas rachetable, il fallut la Révolution de 1789 pour abolir cette vieille tradition féodale.
(Cadre de vie de la campagne de Riaillé aux XVII° et XVIII° siècles)
Si l'un de nos ancêtres de Riaillé, des siècles passés, revenait dans notre campagne actuelle, il n'en croirait pas ses yeux tellement les choses ont changé. Certes il reconnaîtrait encore à peu près le paysage, car il y a toujours la rivière de l'Erdre, les coteaux de Saint-Ouen et de Saint-Louis, le Haut-Rocher et la forêt avec ses étangs. Mais, s'il s'avisait d'entrer dans une de nos maisons ou de jeter un coup d'œil sur les dépendances de l'une de nos exploitations agricoles, alors ce serait de la stupéfaction.
Essayons de comprendre par nous-mêmes. Pour cela, il suffit de jeter un œil sur l'un ou l'autre des inventaires conservés dans les archives de notaires datés du XVIII° siècle :
1) - Intérieure d'une maison de campagne, non bourgeoise
C'est pratiquement le même chez le cultivateur ou l'artisan moyen. Le meuble principal est incontestablement le lit conjugal, souvent en bon chêne qui, avec sa paillasse, sa couette, sa "balline" (traversin), sa couverture et ses deux draps peut être estimé de 30 à 45 livres tournois. Il y a parfois d'autres lits de moindre valeur, mais le plus souvent les enfants couchent sur des couchettes. On ne trouve généralement ni armoire, ni buffet, ni bahut chez les paysans, mais on range les habits et le linge dans des coffres placés devant les lits et couchettes
Dans certaines maisons, il y a une table massive et des bancs de chaque coté, on n'a pas de chaises mais des escabeaux à 3 pieds. Là où il n'y a pas de table, on mange assis sur les coffres, l'écuelle entre les genoux. Pour boire, il y a le pichet pour tous. Dans un coin, la "maie" en chêne sert à pétrir la pâte pour le pain et dans laquelle on range la vaisselle et les restes de nourriture. Les ustensiles de cuisine se réduisent chez beaucoup à la marmite, la poêle à frire, le chaudron et quelques autres objets en fonte, en airain ou en terre cuite. On sait très bien se servir des cuillers et fourchettes en bois dur, mais déjà sont apparus quelques-uns uns de ces objets en étain ou en métal étamé. C'est le maître de maison, qui de son grand couteau coupe et donne à chacun son morceau de pain, du pain de seigle, car peu nombreux sont ceux qui profitent du pain blanc de froment, si ce n'est aux grandes fêtes en guise de gâteau. La plupart des légumes étaient connus, mais la pomme de terre importée par Parmentier ne vint guère sur les tables de nos pères qu'à la fin du XVIII° siècle. On faisait grand usage de galettes de blé noir ou de bouillies diverses. Quant à la viande, elle était plus rare ! Les viandes de bœuf et de veau ne venaient sur la table qu'aux grandes occasions, mais le cochon soigneusement engraissé, fournissait le lard salé consommé assez largement. Il y avait aussi les volailles, les lapins domestiques. En principe, le gibier était réservé aux propriétaires, mais il faut avouer que les habitants de Riaillé savaient se débrouiller pour en profiter.
Mais revenons à notre maison paysanne en nous excusant d'avoir oublié beaucoup de détails. A coté de la pièce principale, qui le plus souvent servait de cuisine, de chambre à coucher et de salle de séjour, ainsi que d'atelier pour les travaux divers fait à la veillée ou lors de mauvais temps, s'ouvrait le cellier. On y trouvait les barriques de cidre, de vin et quelques autres fûts vides, mais guère de bouteilles de verre. Les fûts de terre ne manquaient pas. Dans le grenier était montée la récolte de seigle de l'année ou du moins ce dont on avait besoin pour la nourriture de la famille et aussi pour faire les semailles. Il y avait aussi les boisseaux de légumes secs et puis les paquets de lin, de filasse et de laine pour permettre aux femmes et jeunes filles de filer à la veillée et pendant leur temps libre.
Dehors et tout près, communiquant parfois avec la maison d'habitation se trouvait l'étable et ses habitants à quatre pattes. Les cultivateurs les plus aisés avaient deux bœufs de travail qui n'encombraient pas trop l'étable parce qu'ils passaient leur temps libre dehors, même la nuit. Ils avaient parfois deux jeunes bœufs au dressage. Le nombre de vaches ne dépassaient que rarement le nombre de quatre. Une paire de bœufs valait entre 120 et 200 livres tournois. Une vache se vendait de 20 à 35 livres. On élevait des brebis en nombre proportionné aux besoins de chacun, chaque brebis ne valait guère plus de 3 livres. Le cochon engraissé pouvait être cédé pour 25 livres. Un tout petit cochon de lait pouvait être acheté pour 5 à 10 sous.
Passons maintenant sous l'appentis ou le hangar couvert de paille ou le cultivateur abrite ses outils de travail. La pièce principale est la charrette (charte ou tombereau) plus grande et plus massive si elle est traînée par des bœufs, plus légère si on y attelle des vaches. A coté est rangé la charrue avec son soc en fer. Les inventaires ne signalent, ni le rouleau, ni la herse, car ces outils sont fabriqués sur place. Le rouleau est un tronc d'arbre et la herse une claie de grosses épines que l'on charge de grosses pierres selon les circonstances. Autrement il y a tous les outils pour cultiver à bras : faux, faucilles, pelles, pioches, tranches, haches, serpes, fourches à fumier et à foin, celles-ci souvent en bois.
2) - Les artisans
Les artisans possédaient les outils de leurs métiers, mais beaucoup d'entre eux avaient un petit lopin de terre qu'ils possédaient ou qu'ils louaient. Cela leur permettait d'avoir une vache, des chères et des brebis, un porc à l'engrais, quelques volailles et des légumes et d'ajouter quelque chose à leurs maigres revenus.
Les petits artisans n'étaient pas tellement nombreux à Riaillé :
Les maçons étaient souvent en chômage, surtout en hiver et ils devaient aller chercher du travail assez loin ou avoir un second métier.
Les ouvriers en bois formaient une corporation plus importante, mais chez eux, il n'y avait pas toujours de distinction très nette entre le charpentier, le charron ou le menuisier. Le même pouvait tailler à la hache les grosses poutres des maisons, assembler les portes et les fenêtres, monter une charrette et bien d'autres choses. Certains de ces artisans étaient à l'occasion des artistes et sculptaient au marteau et au maillet de belles portes d'armoires pour les gens riches.
Les sabotiers ne manquaient jamais de travail, car on portait des sabots en toutes saisons à 12 sous la paire.
Les cordonniers faisaient sur mesure les souliers, mais on ne les portait que dans les grandes circonstances et les petites gens n'en connaissaient pas l'usage. On recourait aussi au cordonnier pour tous les objets en cuir.
Les bourreliers qui fabriquaient et réparaient les pièces de harnais, comportant ou non de la bourre, pour les animaux de traits et fabriquaient accessoirement, des articles de cuir comme des courroies, sacs, etc.
Les ouvriers en fer de nos campagnes étaient à la fois maréchaux-ferrants pour les chevaux des bourgeois et taillandiers. Ils remettaient en état les socs des charrues et tous les outils tranchants ou piquants. Il y avait même des cloutiers car tous les clous, gros ou petits, étaient faits à la main.
Le métier de boulanger n'enrichissait guère son homme, car la plupart des gens fabriquaient leurs pains. Seuls les pauvres gens, qui n'avaient pas les moyens d'acheter de la farine et de chauffer le four, prenaient leur pain chez le boulanger et le payaient quand ils pouvaient. Le boulanger marquait le pain pris sur une "coche". C'était une branche de noisetier coupé longitudinalement, l'un des morceaux était gardé par le boulanger, l'autre par le client. A chaque pain acheté, les deux morceaux étaient réunis et cochés par le couteau du boulanger. Les pauvres de Riaillé profitaient de l'abbaye de la Melleray qui chaque semaine faisait une "donnée de pain".
Les bouchers et charcutiers n'existaient pas dans nos campagnes. On ne mangeait presque jamais de viande de boucherie. On abattait les veaux non viables et les grandes bêtes accidentées. Chacun se dévouait alors pour acheter sa part de viande afin de dédommager en partie le cultivateur en peine. La solidarité tenait lieu d'assurance.
Les meuniers contrôlaient le commerce des céréales et de la farine. En général, les moulins (à vent ou à eau) appartenaient au propriétaire du domaine. Ils étaient loués aux meuniers qui s'en tiraient toujours sur les moutures. Ils avaient la réputation de n'avoir pas de scrupules ce qui n'était pas vrai pour tous.
Les tisserands fabriquaient surtout de gros draps de lin tandis que les sergers faisaient de l'étoffe en laine. Ils étaient concurrencés par des voituriers qui venaient de l'Anjou, de Combrée et des environs où étaient établis depuis la guerre de Cent Ans de nombreux petits ateliers de tissage qui faisaient de la toile plus fine. Ces voituriers amenaient les toiles et repartaient avec du lin et de la filasse.
Pratiquement dans toutes les familles, des plus aisées aux plus pauvres, les femmes et les jeunes filles étaient capables de filer la laine et la filasse. Elles se montraient fières de dire qu'elles avaient filé les draps de leur ménage. Elles faisaient aussi les gros raccommodages, mais elles laissaient à de plus qualifiées le soin de faire les rapiéçages plus délicats.
Couturières et tailleuses, jeunes et vieilles, ne manquaient pas d'ouvrage, travaillant chez elles ou s'en allant à domicile par tous les temps, dévouées, peu payées, elles colportaient aussi les nouvelles du pays. Elles étaient capables de retourner et de rajeunir les vêtements que l'on usait jusqu'à la corde et même de tailler et d'ajuster les habits neufs. Citons aussi les lingères aux doigts délicats qui repassaient les bonnets et les coiffes ainsi que les dentelles des femmes plus aisées. A titre d'indication, en 1787, un habit pour une mariée se vendait 50 livres tournois.
Il ne faudrait pas oublier, un petit commerce à Riaillé qui comme partout ailleurs faisait d'assez bonnes affaires, celui de débit de boissons ou débiteur de boissons. On y vendait surtout du vin et du cidre. On cultivait la vigne sur les coteaux et le vin que l'on récoltait était tout à fait convenable. Tout n'était pas consommé sur place, il en était expédié à Nantes. La bouteille de verre était un luxe, puisqu'elle valait 50 livres, autant qu'une robe de mariée. Seuls en possédaient les gens aisés et guère plus d'une douzaine d'après les inventaires. On les débouchait, avec solennité, dans les grandes circonstances. Le cidre se vendait au pichet ou à la bolée. Il n'y avait pas de verre à boire.
Au XVIII° siècle, il n'y avait qu'un seul marchand dans le bourg de Riaillé, il comptait parmi les notables. Il faisait, à la fois épicerie, mercerie, quincaillerie, c'était un petit bazar. On achetait aussi beaucoup aux colporteurs et aux boutiques des foires.
(Vivait-on heureux à Riaillé ?)
Certains écrivains ont parlé de la douceur de vivre au XVIII° siècle, c'était un peu vrai pour la faible partie de la population vivant dans l'aisance et l'insouciance du lendemain. On y dansait beaucoup dans cette société, mais sans savoir que c'était sur un volcan qui allait se réveiller à la fin du siècle sous la Révolution ! Dans nos campagnes les uns étaient assez heureux, les autres moins. La vie est un mélange de bonheur et de misère. Il est vrai que leur bonheur était plus simple que le nôtre, parce qu'il se contentait de moins. Quand on avait la santé et de quoi vivre normalement pour l'époque on ne cherchait pas plus loin !
De tout temps il y a eu de la misère dans notre région, misères occasionnées par les épidémies, la famine due aux mauvaises récoltes et la guerre civile.
1637. De juin à la fin d'octobre, dans notre paroisse, il y eut une centaine de morts due à une maladie qualifiée de peste faute de savoir l'identifier. Elle reprit deux ans plus tard dans les deux mois de septembre et d'octobre, il y eut environ 80 victimes.
1691. La récolte fut médiocre, mauvaise en 1692, catastrophique en 1693. 70 personnes moururent de faim en 1693, 100 morts pour la même raison en 1694 et 87 en 1695
1722-1723. Les récoltes furent mauvaises par suite de la sécheresse. Il n'y eut pas de pommes donc pas de cidre, ce qui obligea les habitants à boire de l'eau devenue rare et contaminée. La conséquence fut 200 morts par la dysenterie.
1741-1742. Une enquête officielle accuse 80.000 morts de faim en Bretagne, 110 à 120 morts par paroisse, surtout des femmes.
1759. Une épidémie de typhus qui partie du port de Brest s'étend à toute la Bretagne, 180 morts en moyenne par paroisse
En général, le mois de septembre battait les records des nombreuses épidémies de dysenterie, à cause de la rareté de l'eau potable.
1770. Ce fut une grande misère. A cause des pluies trop abondantes, les blés "furent tellement gâtés que les chiens, les pourceaux et les volailles n'en voulaient pas" écrivit sur ses registres paroissiaux le curé de la Meilleraye. Le pain de seigle était la base de la nourriture, or il était venu aux épis du seigle de grands ergots noirs. Cela donnait une farine noire et le pain qu'on en faisait était infect. Il fallait vraiment avoir faim pour en manger et beaucoup en furent malades. C'était le "mal des ardents" qui provoquait des troubles nerveux importants et provoquait une sorte de gangrène aux extrémités. L'issue était fatale.
Le Parlement de Bretagne accorda une aide financière importante et l'Intendant de cette province fit venir de l'étranger du blé et une grande quantité de riz pour en faire une distribution aux pauvres. Les bourgeois négociants de Nantes furent très généreux en la circonstance. Les années qui suivirent furent médiocres si bien que vers 1785-1787 le prix du pain avait pratiquement doublé.
Statistiques sur la mortalité infantile : Il y a quelques années seulement un chercheur nantais, M. Jean-Luc Tulot a fait paraître une étude sur la paroisse voisine de Joué-sur-Erdre. Il donne des renseignements précis sur l'état sanitaire de cette paroisse au XVIII° siècle et ces détails sont valables certainement pour Riaillé qui avait sensiblement la même population et le même genre de vie.
Sur 1.000 naissances :
237 meurent avant un an
127 meurent avant 1 à 4 ans
106 meurent avant 4 à 10 ans
35 meurent avant 10 à 14 ans
A 14 ans, il ne reste plus que 495, c'est à dire pas la moitié ! Combien arrivaient de survivants à 60 ans ?
Le même auteur donne de plus amples détails pour les enfants mourant durant la première année :
25 meurent à moins d' un jour
46 meurent de 1 à 6 jrs
38 meurent de 7 à 13 jrs
19 meurent de 14 à 20 jrs
17 meurent de 21 à 30 jrs
27 meurent de 1 à 2 mois
13 meurent de 2 à 3 mois
10 meurent de 3 à 4 mois
7 meurent de 4 à 5 mois
4 meurent de 5 à 6 mois
6 meurent de 6 à 7 mois
5 meurent de 7 à 8 mois
2 meurent de 8 à 9 mois
3 meurent de 9 à 10 mois
4 meurent de 10 à 11 mois
3 meurent de 11 à 12 mois
La mortalité des jumeaux atteint 65 % contre 25 % pour les naissances simples. La mortalité des femmes en couches s'élève à 16 %. La première naissance est la plus dangereuse pour les femmes de plus de 30 ans. La 4ème et la 5ème sont également dangereuses à n'importe quel âge.
Heureusement, depuis ce temps l'hygiène et la science médicale ont fait des progrès. Malheureusement, la vie moderne présente bien d'autres dangers !
(Quelques familles de notables)
Dans nos campagnes il y avait autrefois la petite société de ceux, appelés de par leur situation ou leurs fonctions, les notables de la paroisse. Cette petite bourgeoisie jouait un rôle important dans la vie locale. Ayant de l'instruction, une certaine éducation, de l'aisance et pas mal d'ambition, elle avait plus d'influence pratique que la noblesse sur la population du lieu. Elle en était plus proche et faisait l'opinion.
Ces notables comprenaient les divers fonctionnaires des quatre juridictions seigneuriales de Riaillé. Chaque juridiction avait son administration et son petit tribunal composé du "sénéchal" (le juge), le "procureur fiscal" (le défenseur des droits seigneuriaux), un greffier, un notaire, un huissier. Les charges de sénéchal et de procureur ne pouvaient se cumuler dans la même juridiction, celles de greffier, notaire et huissier n'avaient pas la même obligation. Comme les juridictions seigneuriales de nos campagnes étaient de peu d'importance et ne pouvaient faire vivre ses propres fonctionnaires, il était très courant que ces derniers cumulaient les mêmes charges dans les juridictions voisines.
En général, ce petit monde vivait assez bien et pouvait acheter un petit domaine. Il serait trop long d'énumérer tous ces notables dont on retrouve les traces dans les registres d'état civil de Riaillé surtout au XVII° et XVIII° siècles. La plupart faisaient précéder leur nom de "Maître" ou simplement "h.h." (honorable homme) et le faisait suivre du nom de leur propriété, par exemple : Maître Jean Dupuis, sieur du Fretay. Certains d'entre eux ayant acquis une terre qualifiée de noble s'intitulaient "N.H." (noble homme), ainsi pour exemple : N. H. Michel Patier, sieur de la Gérardière.
La plupart du temps, ces petits fonctionnaires n'avaient qu'une maison assez ordinaire, parfois basse, parfois à étage avec un escalier le plus souvent extérieur. Elle était couverte d'ardoises ce qui indiquait un degré de supériorité sur les demeures à toitures de chaume.
La liste des personnes qui suivent ne peut être qu'incomplète :
Famille Buin (Bouin). Dés 1645, Maître Michel Buin était notaire, il eut comme successeur Laurent Buin, puis Henry Buin époux de Françoise Elisabeth Daviau (ancêtre de la famille Guitard). En 1759, maître Louis Buin était greffier du Bois, de la Piardière et de la Meilleraie. Il est à remarquer qu'ils moururent tous jeunes avant 35 ans. En 1761, un Henry Buin était Maître chirurgien.
Famille Chollet. C'est de Chalonnes en Anjou que vint à Riaillé, maître René Chollet pour épouser Louise Derval en janvier 1726. Il s'y fixa pour devenir greffier du Bois et de Chevasné. Son petit-fils, le N.H. René Chollet épouse le 3 janvier 1763, demoiselle Jeanne Françoise Goullier de Boiscochin, fille d'un procureur et notaire de Châteaubriant et nièce du recteur de Riaillé. Greffier de la seigneurie de Riaillé, il habitait la Cour du Bois où il était encore en 1789. Il était également greffier de plusieurs autres seigneuries.
Famille Dubreil. Dés 1709, le N.H. Jean Dubreil sieur de l'Isle-en-Joué, était sénéchal de la Piardière et du Bois. Son second fils, maître Jean Dubreil était procureur fiscal du Bois et devint plus tard sieur des Landelles. Son 3ème fils, maître Jean Joseph Dubreil, avocat, était sénéchal de Riaillé vers 1760. En 1780 son petit-fils, maître Jean-Baptiste Dubreil était procureur fiscal du Bois, de la Meilleraie et de plusieurs autres juridictions.
[D'après François Orhon, 96 ans, Maison de Retraite de Riaillé : au début du XX° siècle, un Dubreil des Landelles était encore propriétaire d'une des deux maisons nobles du Haut-Rocher, celle que l'on appelait jadis : Le Buron des Haies.]
Famille Huet. En 1702, maître Jean Huet était procureur et notaire de la Meilleraie. Il habitait la Gérardière (Jardière) où lui succédèrent ses fils et petits-fils, Mathurin et Jean Huet notaires de la Meilleraie jusqu'au moins 1782.
Famille Huguenin. Vers 1742, apparaît le N.H. Charles Huguenin. Son fils Jean-Baptiste se maria deux fois. De son premier mariage, il eut un fils Jean-Baptiste qui fut greffier du Bois et de la Meilleraie et mourut en 1779 à l'âge de 37 ans. De son second mariage avec Elisabeth Lemarié de Saint-Sulpice-des-Landes, il eut un autre fils Jean Prudent en 1776 qui fut capitaine dans la chouannerie locale pendant la Révolution. Il devint maire de Riaillé de 1825 à 1829 et mourut dans sa maison de l'Enclose à l'âge de 53 ans.
Famille Le Bec. Notaires de la baronnie d'Ancenis, ils résidèrent à la Benâte entre 1700 et 1758.
Famille Le Gallec. Plusieurs familles de petite noblesse séjournèrent à Riaillé surtout au XVIII° siècle. Parmi elles, celle de l'écuyer René Le Gallec et de dame Marie Pélagie Lepelletier, ils vinrent habiter l'une des maisons nobles du Haut-Rocher. Le ménage y eut 7 enfants. Cette famille semble avoir été très appréciée car soit le père, soit la mère, soit l'un des enfants furent parrains ou marraines de nombreux enfants Riailléens.
[D'après François Orhon, 96 ans, Maison de Retraite de Riaillé : au début du XX° siècle, un Lepelletier ou Pelletier était propriétaire d'une des deux maisons nobles du Haut-Rocher, celle que l'on appelait jadis : La Georgetterie.]
Famille Ponthière (Pontière). En 1775, maître François Hyacinthe Ponthière était notaire et procureur de plusieurs juridictions. Il habitait la Vallière en Riaillé.
Famille Poullain. En 1726, on trouvait à Riaillé maître Jean Poullain, en 1755 son fils Jacques Poullain notaire et procureur habitait la Houssais. Son petit-fils Jacques entra dans la Marine Royale, il était capitaine de vaisseau en 1782 mais il mourut le 20 août 1782 à Riaillé à 32 ans. Un autre Jacques Poullain était maître chirurgien dés 1756, il eut une fille en 1761, Anne Françoise qui épousa le 18 juin 1787, maître Abraham Lemarié, sieur de la Marzelle en Saint-Sulpice-des-Landes, qui s'établit comme avoué à Nantes. Il vint se fixer à Riaillé en 1793, prit le commandement de la Garde Nationale et fut mortellement blessé par les chouans le 7 juin 1794.
Famille Rouvrage. En 1671, maître Jean Rouvrage, sieur de la Harlière en Pannecé avait les fonctions de procureur fiscal du Bois et de Chevasné. Son fils maître Pierre Rouvrage de la Harlière fut sénéchal de la Meilleraie.
Parmi les familles déjà citées, nous avons remarqué des chirurgiens et des médecins. D'autres noms peuvent s'y ajouter comme maître Pierre Megelie, chirurgien et apothicaire en 1711, maître Julien Renaud chirurgien vers 1719, maître René Pattier, maître Victor Besnard, officier de santé, assassiné par les chouans le 7 juin 1794.
Parmi les notables de Riaillé, il faut encore noter les familles des dirigeants de la forge de la Provôtière et de la fonderie de la Poitevinière.
Les Maîtres de Forges qui avaient affermé les établissements étaient généralement des grands bourgeois étrangers au pays. Ils ne faisaient qu'y passer pour contrôler les comptes et l'exploitation. Leurs principaux employés étaient les Directeurs des Forges, souvent étrangers eux aussi, ils vivaient cependant à Riaillé. Bien rémunérés, ils faisaient figure de notables portant les titres de maître et même de Noble Homme. Ils avaient d'ailleurs le privilège, accordé par le roi, de porter l'épée au coté, comme les nobles. Parmi beaucoup d'autres on peut citer les noms de Maître François Forest en 1705, le Noble Homme François Lenvière en 1737, le Noble Homme François Operen en 1750, Maître Armand Garnier en 1789, etc.
Il y avait aussi les commis principaux des Forges, les maîtres fondeurs (Le plus connu est Gilles Trébuchet arrière grand-père de Sophie Trébuchet mère de Victor Hugo, voir les Cousins de Victor sur le site des Cousins de la Marquise), marteleurs, affineurs, cloutiers, charpentiers, etc. Quelques artisans et marchands bien établis portaient également les titres de maîtres tailleurs, sergers, taillandiers. Plusieurs de ces gens faisaient partis du conseil d'administration de la paroisse, appelé le Général de Paroisse (ou encore le Conseil de Fabrique). Outre le Recteur et les représentants des Seigneuries, siégeaient les Marguilliers, ils étaient recrutés par cooptation parmi les notables de la paroisse et les cultivateurs aisés.
En somme pour émerger un tant soit peu dans la société, il était nécessaire d'avoir un nombre suffisant d'écus d'or ou d'argent, sonnant et trébuchant en poche. Un honorable homme, dans le langage de ce temps, ne tenait pas nécessairement pas son titre de sa probité mais surtout de la considération qu'inspirait sa situation financière.
Avons-nous, de nos jours, tellement changé dans cette manière de voir ? L'argent garde toujours sa puissance de fascination !