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(La Meilleraie (ou Melleraye))

Au Moyen-Age, la maladie de la lèpre était relativement fréquente en France et réputée très contagieuse. Comme nos ancêtres en avaient horreur, ils avaient pris des mesures très sévères pour éloigner ce genre de malades de tout lieu habité. Les lépreux étaient relégués dans des groupes de cabanes construites pour eux seuls dans des endroits écartés. On les ravitaillait régulièrement en les maintenant à distance. Quand un groupe de cabanes était en mauvais état on en construisait un autre et on mettait le feu dans celui qui était évacué !

C'est ce qui explique qu'a été appelé "Meleray, Meilleraie, Melleray, Meilleraye" cette bande de terrains comprenant le bourg de la Meilleraye, l'abbaye de Melleray et le village de la Meilleraie de Riaillé. Dans le haut Moyen-Age, il y avait là toute une série de clairières protégées du vent du nord par la forêt, situées sur une légère pente orientée vers le soleil et donc choisies pour y abriter les cabanes de ces pauvres lépreux.

Il y eut en France jusqu'à 2.000 de ces maladreries. Les lépreux étaient appelés des ladres, mais dans la langue bretonne on employait souvent le mot "melre", qui signifie "affliction, misère", pour désigner la lèpre. La terminaison "aie, aye" donnant le sens d'habitation, le mot "melraie, meleraye" signifiait "l'habitation de l'affliction ou des affligés".

Cependant, lorsqu'en 1132, deux moines venant de l'abbaye de Pontron en Anjou (entre le Loroux-Béconnais et la Cornuaille) s'adressèrent au curé d'Auverné nommé Rivalon pour les guider dans la recherche d'un lieu isolé pour y installer une fondation nouvelle, celui-ci les conduisit au "Vieux Melleray". Donc il n'y avait plus de lépreux, mais le lieu était resté désert.

A quelle époque remonte le domaine seigneurial de la Meilleraie ? Il est bien difficile de le savoir ! Aucun document ne permet d'affirmer que la seigneurie de la Meilleraie de Riaillé remonte à l'époque de la fondation de l'abbaye. Mais elle relevait directement de la Baronnie d'Ancenis.

Le premier document citant la Meilleraie est daté du 27 juin 1484. Cette année là, était mort Jehan du Port, de son vivant Seigneur de la Meilleraie. Il tenait ce domaine, non pas de sa famille, mais de celle de sa femme Dame Isabeau du Val, morte depuis dix ans déjà. L'héritage passa à Dame Jehanne Maczuel qui avait épousé Messire Jehan Lenfant qui en son nom et celui de son épouse rendit aussitôt hommage à la baronne d'Ancenis, Dame Jehanne de Rohan, veuve de François de Rieux. Ce document nous renseigne sur le domaine de la Melleraye car il en fait l'inventaire et le débornement.

Le débornement (ou la désignation des limites) donne des indications assez précises. Le domaine s'étendait entre l'étang de la Provôtière et la forêt, le ruisseau descendant du dit étang à la planche de la Morelle, les terres et communs de la Tisonnière, les terres aux abbés et couvent de Meilleray et la forêt de la Poitevinière et le ruisseau descendant de ce lieu à l'étang de la Provôtière. Les maisons et cours du domaine, logements, jardins, viviers, garennes, terres labourables, prés, vignes, bois anciens et de revenus contenait 360 journaux. Le reste de la propriété en communs et landes comptait 550 journaux. Le tout renfermait 910 journaux.

Ce même document de 1474 donne une foule de renseignements sur les "estagers" (étagers), c'est à dire les fermiers ou locataires résidant sur le domaine, les noms des familles, les noms des villages, les conditions des fermages, sommes à payer, redevances à fournir à telle ou telle échéance. Il y en a pour 5 à 6 grandes pages !

 

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 Château de la Meilleraie (début 20° s) Abbaye de la Melleray (début du 20° s)

 

[Des précisions sur le texte ci-dessous ont été apportées par Madame Anne Legrais.]

1480. Le trésorier du duc François II de Bretagne, Pierre Landays, serait venu se réfugier quelque temps à la Meilleraie lors de ses démêlés avec la noblesse bretonne et il y aurait dissimulé une partie de sa fortune. Ce n'est probablement qu'une légende.

1520. Sans savoir sa relation avec le ménage Lenfant-Maczuel, un document sorti des Archives d'Ancenis, place à la Meilleraie la Dame Olive Bourneuf. Messire Guillaume Moulinier lui succéda.

1549. Le Seigneur de la Meilleraie est le fils du précédent, l'écuyer Jehan Moulinier Seigneur de l'Eraudière (Pannecé ?)

1565. Jehan Moulinier a cédé le domaine par arrangement à Messire Claude Laurent seigneur de Soulange, Chalin, Ferdonnay et Guihomer.

1609. C'est le noble homme Jean Brossard qui est devenu seigneur. Il est le mari de Barbe Guiheneuc.

1620. Apparition de l'écuyer Jean Guiheneuc, seigneur de Vouvantes (Saint-Julien-de-Vouvantes), la Selle, la Bouexière qui réside le plus souvent avec sa femme Dame Louise de Calac . Ils se sont mariés en 1593.

1650. Jusqu'en 1665, l'héritage est recueilli par leur fils Louis de Guiheneuc marié à Jeanne de Bourgogne.

1680. Apparition de l'écuyer Gilles de Guihéneuc, seigneur de Vouvantes (Saint-Julien-de-Vouvantes) et de la Meilleraie. Il a épousé Marie Legrand et l'a laissé veuve avec plusieurs enfants mineurs. La tutelle de ses enfants est assurée par leur oncle Pierre Joseph de Guiheneuc

1704. La succession revient à l'écuyer Henri Laurent de Guihéneuc (fils de Gilles de Guihéneuc et de Marie Legrand) qui réside à la Meilleraie, mais qui est aussi seigneur de Vouvantes, la Selle, la Bouexière. Il a épousé Dame Catherine Renée de Vigré, fille de François de Vigré seigneur de la Devançaye et de Catherine Angot mariés le 22 août 1709 à  Saint-Julien-de-Vouvantes. Il meurt en 1723.

1725. La famille de Guiheneuc va disparaître et laisser la place à la famille Simon. Marguerite de Guiheneuc sœur du précédent avait épousé Messire Henry François Simon, chevalier et seigneur de la Bernardais le 13 août 1711 à Riaillé. Ils ont une fille Marguerite-Rose.

1730. Marguerite de Guihéneuc et Henri Simon, chevalier, seigneur de la Bénardais, seigneur de Vouvantes (Saint-Julien-de-Vouvantes), seigneur de Les Selles à  Saint-Julien-de-Vouvantes  (Grand et petit fiefs à Saint-Julien-de-Vouvantes), seigneur de la Bouxière et de la Meilleraie à Riaillé.

1749. Marguerite-Rose Simon de la Bernardais épouse Messire Charles Rousseau. Le couple s'installe en Anjou à Montreuil-Bellay dans la maison de la Gouletière. Marguerite-Rose y mourut le 17 septembre 1758. Messire Charles Rousseau de la Lorchère quitta l'Anjou et vint s'installer à Riaillé. En 1773, il se fait appeler seigneur de la Meilleraie, ce qui laisse supposer un accord avec son beau-frère Henri Simon seigneur de Vouvantes. Il décéde le 8 septembre 1773.

1775. Messire Henry François Rousseau de la Meilleraie épouse à Ancenis, Marie Aimée, Adélaïde Pantin de la Guère, fille de Philippe Augustin Pantin seigneur de la Guère, officier de la baronnie d'Ancenis et de dame Angélique de Boussineau. A la mort de son oncle Simon, survenue en 1780, il réunit les titres de la Meilleraie et de Vouvantes. Le ménage eut au moins 8 enfants :

1776. Henry Louis décédé le 27 décembre 1827 à 51 ans

1778. Philippe Hyacinthe décédé le 20 mars 1827 à 49 ans

1780. Marie Aimée décédée en 1790 à 10 ans

1781. Clothilde décédée le 12 août 1784 à 3 ans

1782. Renée Adélaïde décédée le 8 février 1838 à 56 ans

1785. Marie Sophie décédée 19 septembre 1793 à 8 ans

1790. Monique décès inconnu et Gabriel Ozée noyé vers 1828 en allant de Niort à Nantes par un bateau à vapeur qui sombra.

Les époux vivaient assez largement de leurs revenus. Ils avaient un hôtel particulier à Nantes et un autre à Ancenis, mais habitaient surtout le manoir de la Meilleraie. Ils y accueillaient parents, amis et voisins surtout à la période de la chasse. On voit assez souvent leurs signatures sur les registres de la paroisse à l'occasion de baptêmes, mariages et sépultures. Leur fille Marie Aimée alors âgée de 9 ans fut la marraine de la nouvelle grosse cloche de l'église de Riaillé le 30 avril 1789. La famille avait son banc seigneurial dans l'église dont ils étaient bienfaiteurs.

Les Messieurs de la Meilleraie et de Vouvantes avaient depuis longtemps une réputation de chasseurs et en particulier de chasseurs de loups qui à certaines périodes passaient d'une forêt à l'autre. A l'entrée de la Révolution Messire Rousseau de la Meilleraie ne se trouvait pas sur la liste des notabilités de Riaillé. Même après la fameuse nuit du 9 août 1789 qui abolissait les privilèges de la noblesse et les insignes de ces privilèges, il eut l'audace de réclamer l'usage de son banc à l'église. Il fit un procès à la municipalité et le gagna, le Tribunal d'Ancenis lui reconnut la propriété de ce banc, non pas certes à cause de privilège, mais comme bien familial. Le 21 février 1791, lorsque furent vendues les propriétés de l'abbaye de la Melleray, toutes proches de chez lui, il acheta deux métairies, celle de la Verrerie pour 9.300 livres et celle de l'Isle pour 11.000 livres, ce qui était un bon prix. A l'imitation de beaucoup d'autres propriétaires, il s'était fait inscrire comme cultivateur sur les listes des citoyens de Riaillé. Il était pourtant tenu à l'œil par le groupe de patriotes avancés de Riaillé qui composaient en grande partie la garde nationale de la commune. Il eut à subir de nombreux interrogatoires et de fréquentes perquisitions. La raison de tous ces ennuis était que ses deux fils avaient disparus de la circulation pour aller se joindre aux jeunes de Riaillé et des environs engagés dans la chouannerie. Pendant l'été 1795, ils faisaient partie de l'état-major de Palierne, le chef de la division royaliste de la région d'Ancenis. Ils purent s'en tirer sans dommage.

La paix civile revint au pays à la fin de 1799, mais le chef de famille de la Meilleraie n'en profita pas longtemps, car il mourut dans son manoir dés le 10 février 1800 à l'âge de 50 ans. Le 18 mars suivant, sa veuve dame Marie Adélaïde Pantin de la Guère, âgée de 48 ans, fut nommée tutrice de ses enfants encore mineurs avec comme cotuteur, son frère Bernardin Pantin de la Guère. Elle avait déjà, au moins, perdu 4 de ses 8 enfants. Une tradition locale rapporte qu'un petit garçon de Madame de la Meilleraie fut trouvé noyé dans une fosse du bois voisin, une mort qui resta mystérieuse, mais que la rumeur publique, à tort ou à raison, considérait comme un acte de vengeance.

Madame de la Meilleraie resta donc dans son manoir avec ses deux fils, Henry dit le chevalier de la Meilleraie, Philippe Hyacinthe dit le chevalier de Vouvantes et sa fille Renée. Les trois restèrent célibataires. Il ne semble pas que leur mère les ait encouragés au mariage. On peut aussi supposer que personne parmi les jeunes ne se souciait de l'avoir pour belle-mère. Elle était certes d'une noblesse de grande qualité, femme de principe et de cœur, très proche de ses fermiers et des petites gens, fort charitable et visitant les pauvres plus que les bourgeois du pays [ Dans un ouvrage de son frère, le comte Bernardin Pantin de la Guère, Voyage des 136 Nantais de Nantes à Paris..., Gallica BNF, page 149, il est écrit : Marie-Aimée Adélaïde, née le 9 mars 1753, mariée avec messire Henri-François Rousseau de l'Orchère et de la Meilleraye, et de Rose Simon de Vouvantes. (Le marquis de la Meilleraye est l'auteur d'un volumineux manuscrit qui forme une sorte de livre de raison ou de mémoires anecdotiques très intéressants et qui est conservé au château de la Meilleraye par le propriétaire actuel M. Bureau.) - C'est elle qui, pendant la Révolution, fit acheter trois fermes de la Trappe et les offrit en pur don aux religieux lors de la restauration de cette abbaye. Aussi les moines la regardaient comme une de leurs fondatrices et la traitaient-il ainsi lorsqu'elle se présentait à la porte du monastère où le père abbé venait lui offrir l'eau bénite et la servir à table lorsqu'elle consentait à y manger. (Information transmise par Mme Anne Le Grais de Saint-Julien de Vouvantes].

Ceux-ci ne lui pardonnaient pas ses originalités et se moquaient de ses manières de jouer à la grande dame du temps jadis. De fait, elle se faisait volontiers conduire majestueusement à la messe du dimanche, soit à Riaillé, soit à l'abbaye de Melleray sur un chariot ancien attelé de 2 ou 4 bœufs blancs. [Elle avait choisi le blanc comme couleur de deuil et les habitants de Riaillé l'appelait "La Dame Blanche" ! ]

Il ne semble pas que les deux fils aient été soldats, mais quand Napoléon revint de l'île d'Elbe, ils reprirent du service dans la chouannerie. Après le retour de Louis XVIII, le gouvernement garda sous les armes un certain nombre de chouans afin de former une garde territoriale pour renforcer la gendarmerie. Henry fut promu alors promu major de la légion de la gendarmerie à cheval de l'arrondissement d'Ancenis. Rendu bientôt à la vie civile, il devint conseiller municipal de Riaillé. Il était décoré de l'ordre de la Croix de Chevalier de Saint-Louis.

Grands amateurs de chasse, les deux fils eurent des problèmes avec les gardes-chasses de la duchesse de Charost (épouse de l'ancien baron d'Ancenis) à propos de droit de suite dans la forêt d'Ancenis-les-Bois qui bordait la propriété de la Meilleraie. Tout s'arrangea grâce à l'intervention du Père Abbé, de l'abbaye, auprès de la duchesse qui leur accorda le 2 janvier 1821 le droit de chasse dans la forêt d'Ancenis-les-Bois.

L'abbaye de la Melleray, vendue comme bien national en 1791, resta désaffectée pendant 26 ans. Elle fut rachetée le 8 février 1817 aux héritiers de la famille Paris de Nantes par Dom Antoine Saulnier de Beauregard qui s'y installa avec ses moines le 7 août suivant. Il put récupérer peu à peu une partie des terres de l'ancien domaine et, en particulier, les deux métairies de la Verrerie et de l'Isle que lui restitua gracieusement Madame de la Meilleraie.

Le 20 mars 1827, mourait au manoir le chevalier de Vouvantes âgé de 49 ans et son frère aîné, le chevalier de la Meilleraie, le suivit dans la mort le 22 décembre suivant à l'âge de 51 ans.

Pendant onze ans, la vieille Dame se confina dans sa maison en compagnie de sa fille Renée. Cette dernière mourut à son tour le 8 février 1838 à l'âge de 55 ans. Elle resta seule pendant quatre ans, avec sa bonne Marie Dupuis, et s'éteignit le jeudi 24 mars 1842 à l'âge de 90 ans. Suivant sa volonté, elle fut conduite à l'église et au cimetière sur le chariot traîné par quatre bœufs blancs.

En juillet 1846, ses héritiers le comte Bernardin Pantin de la Guère et le Vicomte Louis Pantin de la Guère vendirent le domaine de la Meilleraie à Monsieur Louis Bureau et à sa femme Madame Emilie Bonnier. Leurs descendants en sont toujours propriétaires.

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