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NOTES HISTORIQUES SUR RIAILLÉ

de l'abbé Joseph TROCHU

I - ORIGINE DE RIAILLÉ

(La Benâte)

Depuis longtemps, sans doute, il y a eu des hommes à Riaillé et aux alentours. Les premiers, ceux des temps dits préhistoriques, n'ont pratiquement pas laissé de traces. Leurs cabanes faites de roseaux et de torchis, coiffées de chaumes rudimentaires ont disparu ne laissant aucune fondation. Ici ou là pourtant, ils avaient dressé de grosses pierres pour faire des menhirs, des dolmens, des cromlechs, qui furent sans doute des monuments funéraires ou de culte religieux primitif. Ces pierres ont disparu mises en morceaux pour empierrer les chemins la plupart du temps.

Aux temps très éloignés, nos ancêtres vivaient surtout de chasse et de pêche, un peu plus tard on fit de l'élevage. Il n'était pas nécessaire aux familles de se disperser dans la campagne. Il valait mieux rester ensemble par groupes de familles pour s'entraider et se soutenir dans toutes les entreprises, pour se défendre contre les bêtes méchantes et même contre des ennemis humains car déjà on se faisait la guerre. Certains rassemblements sont devenus nos villages. Plus tard, dés l'époque gauloise et surtout à l'époque gallo-romaine, lorsque l'on se mit à défricher et à cultiver certains coins de terre, on commença à disperser les habitations d'où naquirent les hameaux.

A défaut de preuves, sur les origines lointaines de Riaillé, on ne peut faire que des suppositions. La région était surtout couverte de forêts, de broussailles, de landes et de marais avec par-ci, par là, quelques lieux habités. Riaillé a sans doute été l'un de ces lieux habités par des gaulois ou même par une peuplade plus ancienne.

Il est difficile de donner une signification exacte au mot de Riaillé. On sait que dans toutes les vieilles langues indo-européennes le petit mot de ri ou ru avec des dérivations telles que rio, riou, rieu signifie ruisseau, petite rivière. Si on y ajoute l'un ou l'autre de noms d'origine gauloise, on peut avoir soit :

Bien entendu, il peut y avoir un autre sens inconnu mais ce n'est certainement pas celui de Riante Vallée que l'on voudrait donner actuellement.

[Note de Noël Bouvet :

- Voir :  http://www.sainthilairedeloulay.com/diagnostic.htm

Il existe un ruisseau près de Montaigu appelé Riaillé, ce qui conforterait l'avis de l'abbé Trochu.

- D'après le dictionnaire étymologique http://www.lexilogos.com/etymologie.htm,  hallier ou halier  aurait eu différentes significations en vieux français : - endroit où l'on remise les charrues, - femme des halles au langage cru, - gardien des halles, - filet de chasse, - broussailles, - marchand qui vend aux halles  et enfin - crétin  !°]

 Le nom de Riaillé se trouve mentionné pour la première fois sur un manuscrit datant de l'an 1132 et faisant partie des archives de l'abbaye de Saint-Florent près de Saumur, qui était elle-même héritière de l'abbaye beaucoup plus ancienne de Saint-Florent-le-Vieil fondée dés la fin du IV° siècle. En 1132 Riaillé s'écrivait Riailleum et plus tard Rialeyum ou Rianleyum sur un autre document de Saint-Florent du XIV° siècle.

Toujours en 1132, un autre manuscrit de Saint-Florent de Saumur citait le nom du prieuré de la Poitevinière en Riaillé. On y signalait l'existence d'une église (Ecclesia de Pictavineria), ce qui fait penser à certains auteurs qu'il y avait une paroisse à la Poitevinière. Ce n'est pas probable, mais il y avait un prieuré et une chapelle. La Poitevinière tire son nom, soit d'une famille, soit d'un groupe de familles venues du Poitou et amenées là par le baron d'Ancenis propriétaire du lieu pour y exploiter le minerai de fer que l'on trouvait dans la forêt voisine lui appartenant.

Un troisième document de la même époque, daté de 1150 et provenant des Archives du comté de Nantes, situe en Riaillé une demeure seigneuriale appelée Banasta, aujourd'hui la Benâte (banasta signifie corbeille ou panier d'osier). Cette Benâte avait rang de châtellenie d'ancienneté et son domaine ajouté à la prévôté d'Ancenis et aux châtellenies de Varades, Belligné, Teillé, Le Cellier, Oudon et d'autres lieux, composait dés le début du X° siècle la baronnie d'Ancenis détachée à cette époque du domaine propre du comte de Nantes.

 

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Pont Gallo-romain de la Benâte (démoli en 1950) Le moulin de la Benâte début 20° s

 

Le mot de châtellenie, dérivant de château, suppose l'existence très ancienne d'un lieu fortifié à la Benâte, d'abord une motte, c'est à dire une butte de terre et de pierres surmontée d'une palissade et entourée d'une douve, plus tard un château en pierres. Cette fortification avait été établie dans le but d'assurer ou d'interdire, suivant les cas, le passage de la rivière. Dés l'époque gauloise il y avait là un gué puis, plus tard, un pont construit sur la petite voie romaine qui remontait d'Ancenis vers le nord.

C'est près de ce lieu fortifié et dans sa dépendance que se trouvait le village de Riaillé. Le chef local résidait à la Benâte et son autorité s'étendait sur toute l'étendue de ce territoire qui devint la Paroisse de Riaillé.

La forêt d'Ancenis s'appelait aussi la forêt de la Benâte. Elle s'étendait anciennement au nord jusqu'à une double rangée de retranchements qui séparaient les deux tribus gauloises des Nannètes (capitale Nantes) et des Rhédones (capitale Rennes). Au sud elle atteignait toute la ligne de l'Erdre et la dépassait en larges morceaux de bois et forêts qui allaient jusqu'à la Loire. Si l'on consulte le premier cadastre, relevé entre 1830 et 1840, on trouve dans l'arrondissement d'Ancenis de nombreux hameaux, villages, champs, prairies, chemins, etc. qui portent des noms de bois et taillis. Toutes ces indications portent à croire à l'existence ancienne d'une forêt presque continue d'Ancenis à Riaillé et au-delà. On sait, par exemple, que la commune de Belligné ne fut déboisée qu'au XVII° siècle et qu'auparavant elle était à plus des deux tiers couverte de forêts.

Revenons à la châtellenie de la Benâte. Les seigneurs de ce lieu, pendant des siècles, n'ont pas laissé leur nom. Vers le milieu du XII° siècle, la Benâte faisait partie du fief Guiheneuc, parce qu'il dépendait du baron d'Ancenis nommé Guiheneuc ou plutôt Guihenoc. (Maillard page 521) Le 17 mai 1680, le duc de Charost rendit compte des biens de sa baronnie au roi Louis XIV, pour Riaillé, il écrit : "Riaillé, la Benaste ou fief Guiheneuc". Les barons d'Ancenis en étaient les suzerains, c'est à dire les hauts seigneurs, mais dés le X° siècle ils avaient afféagé la Benâte. Ils en avaient fait un fief c'est à dire un domaine attribué à un Seigneur de moindre importance, moyennant certaines redevances en nature ou en argent, moyennant surtout le devoir d'assistance du vassal envers son suzerain. Cette assistance comportait le devoir d'escorte dans les grandes circonstances et celui d'aide militaire en temps de guerre. Et les guerres étaient nombreuses de province à province et même de seigneur à seigneur.

En l'année 1141, le chef local jouissant de la seigneurie de la Benâte s'appelait Jarnigon ou Jarnigou. C'est au hasard d'un manuscrit de la baronnie d'Ancenis échappé à la destruction que l'on connaît son nom.

Vers 1135 ou 1145, on trouve la signature de Mathieu de Riaillé au bas d'une donation faite au prieuré de la Poitevinière.

En août 1259 (Dom Maurice Preuves Vol 1, page 975), Maurice de la Benâte était seigneur de Riaillé

En l'année 1196, le chevalier André de Varades rédigeait son testament dans l'abbaye angevine de Pontron et son premier legs, le plus important, 10 livres d'or, était destiné à la construction de la chapelle de Saint-Ouen en Riaillé, ce qui laisserait supposer que cette maison seigneuriale existait déjà et qu'il y était attaché. Sa sœur nommée Marquise avait épousé le baron Geoffroy II d'Ancenis.

Vers la même époque, le baron d'Ancenis détacha un autre fief en faveur d'un certain Jehan de la Benâte. Ce fief fut appelé de différents noms suivant les temps et les circonstances, soit :

Le lieu noble de la Benâte et le château subsistèrent cependant avec, comme domaine, le bourg de Riaillé et le territoire situé au nord et à l'est de la localité avec la Poitevinière et sa forêt qu'on appela longtemps la forêt de la Benâte jusqu'à ce que les barons suzerains en fassent leur domaine propre et qu'elle devienne officiellement la forêt d'Ancenis.

Le château de la Benâte tombera peu à peu en ruines, mais jusqu'au XVIII° siècle, on y conservera au moins un local qui sera le lieu où seront signés les actes administratifs de Riaillé et où les sergents inféodés de la baronnie recevront le produit, en argent et en nature, de tout ce qui était du au Seigneur suzerain. Car si les barons d'Ancenis avaient cédé leur fief à des vassaux, ils n'en gardaient pas moins le droit du propriétaire primitif, marqué par des aveux de reconnaissance féodale périodiquement renouvelés, et même le droit de reprise à l'occasion. Les seigneurs vassaux, en témoignage de dépendance féodale devaient porter à leur suzerain un ou plusieurs objets bien déterminés :

Les titulaires des seigneuries vassales avaient le droit de louer et même de vendre, à certaines conditions, les terrains, les habitations et autres situés sur leur territoire et d'en percevoir les revenus. Mais le paysan ou petit bourgeois qui cultivait la terre ou habitait la maison, en plus de la location à leur seigneur local, devaient y ajouter une redevance au seigneur suzerain d'Ancenis. C'était généralement une petite redevance plutôt symbolique de 5 sous pour le droit de coutume, 15 sous les années paires et 7 sous les années impaires pour les fermages, mais à laquelle il fallait ajouter suivant l'importance du terrain loué soit un provendier, soit deux provendiers d'avoine (un provendier = 3 boisseaux mesure d'Ancenis). Ces redevances étaient perçues chaque année à la Saint-Jean-Baptiste, d'autres l'étaient à Noël, d'autres encore à l'Angevine (le 8 septembre fête de Notre-Dame du Marilais ou Notre-Dame l'Angevine).

Ainsi la baronnie d'Ancenis pouvait rapporter au XVI° siècle, 22.000 livres et toute l'avoine pour nourrir la cavalerie du château et de ses hommes d'armes. Et on ne compte pas les nombreux à cotés.

 

II - LA BARONNIE D'ANCENIS

A la veille de la Révolution, sur le territoire de Riaillé qui comptait 4.997 ha, le baron d'Ancenis possédait 1.172 ha soit un peu moins du quart de la superficie totale. La forêt s'appelait officiellement la forêt d'Ancenis, mais elle prenait d'autres noms tels que la forêt de la Benâte, la forêt de Riaillé, certaines de ses parties avaient aussi des appellations propres comme la forêt de la Poitevinière, le Buisson-Robin.

 

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Le dernier Baron d'Ancenis

 

D'après un arpentage du 17 août 1654, la forêt de la Poitevinière mesurait 1302 journaux 73 cordes, le Buisson-Robin, quant à lui faisait 413 journaux 71 cordes (une journée ou un journal = environ 1/2 ha). La forêt, à elle seule mesurait donc 857 ha, les deux étangs de la Poitevinière (75 ha) et de la Provôtière (73) totalisaient 148 ha. Il restait donc 167 ha pour le reste comprenant les deux métairies de la Ferrière, quelques pièces de terres dispersées et les villages de la Poitevinière et de la Provôtière avec leurs maisons et jardins.

Il ne sera peut être pas indifférent aux habitants de Riaillé de connaître la simple énumération de ces grands seigneurs que furent les barons d'Ancenis depuis l'apparition du premier vers l'an mil jusqu'à l'abolition des privilèges dans la nuit du 4 août 1789.

- Alfred Ier d'Ancenis Premier baron installé par le comte de Nantes Judicaël, il fut le chef d'une famille qui de père en fils se prolongea jusqu'au milieu de XIV° siècle.

- Alfred II d'Ancenis Existait en 1050 et 1057

- Guihenoc I° d'Ancenis Vivait à la fin du XI° siècle

- Maurice d'Ancenis Vers l'an 1100

- Guihéneuc II d'Ancenis 1127 - 1132

- Geoffroy I° d'Ancenis 1132 - 1140

- Guiheneuc III d'Ancenis 1177 s'en alla à Jérusalem

- Geoffroy II d'Ancenis 1202 - 1227

- Geoffroy III d'Ancenis 1238 - 1248. Il combattit à Bouvines et se croisa en 1238

- Geoffroy IV d'Ancenis 1275 - 1285

- Geoffroy V d'Ancenis 1290 - 1315

- Geoffroy VI d'Ancenis 1315 - 1351

Après la onzième génération de cette famille, la baronnie d'Ancenis tomba successivement deux fois en quenouille, c'est à dire que le dernier héritier était une fille et qu'en se mariant, elle faisait passer la seigneurie dans une autre lignée. Geoffroy VI en mourant laissait deux filles, l'aînée Jeanne I° d'Ancenis épousa le valeureux chevalier Guillaume de Rochefort fort estimé du duc de Bretagne.

Guillaume de Rochefort et Jeanne I° d'Ancenis laissèrent eux-mêmes une fille héritière. Jeanne II de Rochefort et d'Ancenis, après un mariage sans enfant avec Louis de Montfort, épousa le 13 février 1374, le puissant Seigneur Jean II de Rieux descendant des ducs de Bretagne et allié aux plus hautes familles du duché.

- Jean II de Rieux 1374 - 1417

- Jean III de Rieux 1417 - 1431

- François de Rieux 1431 - 1458

- Jean IV de Rieux 1458 - 1518 qui fut le gouverneur d'Anne de Bretagne

- Claude I° de Rieux 1518 - 1532

- Claude II de Rieux 1537 - 1548

Louise de Rieux sœur et héritière du précédent épousa en 1550 un cadet de la famille de Lorraine, René, marquis puis duc d'Elbeuf qui mourut en 1566 suivi de sa femme en 1569

- Charles d'Elbeuf 1569 - 1598 vendit sa baronnie à son cousin.

- Philippe de Lorraine duc de Mercoeur [Il fut le beau-frère du roi Henri III assassiné en 1589, sa sœur Louise de Lorraine l'avait épousé en 1575] qui se servit du château d'Ancenis contre les protestants en tant que chef de la ligue catholique. La veuve de Mercoeur, Marie de Luxembourg, garda Ancenis et légua ses biens à sa fille Françoise de Mercoeur qui avait épousé César duc de Vendôme, fils bâtard de Henri IV et de Gabrielle d'Estrées.

- César duc de Vendôme Couvert de dettes ce dernier échangea Ancenis avec Monseigneur de Boislève, évêque d'Avranches le 18 mai 1657. Celui-ci l'échangea à son tour avec Arnaud Béthune marquis de Charost

- Armand de Béthune duc de Charost avait épousé, le 22 février 1657, Marie Fouquet fille du fameux surintendant arrêté et envoyé en prison en 1661. Armand mourut en 1681

- Armand II de Bethune 1680 - 1709

- Paul-François de Béthune 1709 - 1737

- François de Béthune 1737 - 1737

- Armand-Joseph de Béthune duc de Charost 1739 - 1800

Le duc de Charost, marié une première fois, avait perdu tous ses enfants. Il épousa en seconde noce la fille aînée de la duchesse de Tourzel, dernière gouvernante des enfants du roi Louis XVI. Emprisonné pendant la terreur, il fut libéré après thermidor et mourut le 27 octobre 1800 en laissant tous ses biens à sa jeune femme Henriette Adélaïde de Tourzel. Celle-ci mourut en 1837 laissant comme héritier, le fils de son frère, Olivier duc de Tourzel. Ce dernier mourut sans enfant en 1845, laissant comme héritiers les enfants de sa sœur Emilie de Tourzel qui avait épousé Emeric Laurent de Durfort-Civrac duc de Lorges.

Le duc de Lorges, né en 1800, marié à Emilie de Tourzel née en 1806, fille de Charles de Tourzel et de Augustine de Pons, décédée le 22 avril 1844, fut pair de France. Il démissionna en 1830.  [Voir la généalogie de la famille  de Durfort  sur le site : http://www.angelfire.com/realm/gotha/gotha/durfort.html ] 

Leurs trois enfants recueillirent la succession de leur oncle duc de Tourzel :

M. Louis Anne Paul de Durfort-Civrac comte de Lorges

M. Marie Louis Augustin de Durfort-Civrac

Mlle Marie Hélène Louise de Durfort-Civrac

Les ducs de Lorges vendirent le château d'Ancenis aux religieuses de Chavagnes pour en faire un pensionnat de jeunes filles.

Remarque : Le 23 mars 1797, vers la fin de la Révolution française, le citoyen René Laheu fondé de pouvoir du duc de Charost, propriétaire, avait vendu ce qui restait de la Benâte au citoyen René Hardou, meunier demeurant à Saint-Michel-du-Bois, près de Pouancé et à Julienne Morillon son épouse c'est à dire :

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