qui leur ont préparé ce lieu de repos
les Pensionnaires et Bénéficiaires
de la Maison Hospitalière de Riaillé
tiennent à exprimer leurs sentiments
de
profonde gratitude.
Note
préliminaire
Il
n'est pas possible de savoir et de raconter tout ce qui a pu se passer dans
notre Maison Hospitalière de Riaillé, depuis sa naissance jusqu'à ce jour.
Cinquante
ans de vie c'est vite passé, mais il peut se dérouler tant de choses pendant
cet espace de temps.
Le
Seigneur sait tout ce qui a tissé la trame de cette vie et lui seul peut en
faire un Livre d'Or.
De
ce passé nous n'avons pu recueillir que quelques miettes restées dans la mémoire
de ceux qui en furent et en sont encore les témoins, et de quelques documents
écrits, qui sont dans le domaine public.
Afin
que ces souvenirs ne s'égarent pas, dans la poussière du temps, nous avons
essayé d'en faire une brève notice, à l'usage de ceux qui restent attachés
à l'œuvre de Victor Suteau et de ses amis.
J.
T.
________________________
Le 2 décembre de cette année 1982, la Fondation
Hospitalière de Riaillé atteindra la cinquantième année de sa vie.
Victor Suteau en fut le promoteur incontesté.
La présente notice ne prétend pas raconter en
détail les cinquante années de cette maison de bienfaisance, cette oeuvre
sociale, dans notre actuel langage, qui a nécessairement suivi l'évolution
rapide des temps et des circonstances.
Une curieuse figure et une forte personnalité
ce Victor Suteau, un homme d'une activité débordante, entreprenant, exigeant
pour lui-même, l'esprit toujours en alerte et plein de projets, ferme dans ses
convictions sociales et religieuses, tenace dans ses résolutions, bravant les
moqueries, les critiques et même les oppositions.
II était né au Bois Laurent le 29 février
1872, d'une famille paysanne qui avait eu au moins neuf enfants.
Lui-même épousa, le 18 octobre 1904,
Anne Verger de la Gréserie, qui lui fut une compagne active et dévouée.
Dans sa jeunesse, au contact du clergé local,
il avait suivi avec intérêt le programme d'action sociale du Sillon animé par
Marc Sangnier. Il en avait gardé des idées arrêtées sur le progrès social,
à réaliser dans le milieu de vie, ce qui l'avait amené à créer un syndicat
agricole à Riaillé, avec des succursales dans quelques communes voisines. Il
s'occupait aussi d'assurances.
Dès avant 1930, une idée fixe lui trottait
dans la tête, pendant qu'il parcourait, au trot dodelinant de sa petite jument
Fannette, les routes et les chemins de la commune et des environs.
Des vieux, des vieilles, des malades et
infirmes isolés, il en voyait un peu partout dans les hameaux et les maisons, où
il se rendait pour les affaires de son syndicat et de son assurance.
Certains d'entre eux lui faisaient pitié, car il
avait beaucoup de cœur, derrière une façade parfois un peu rude.
En général on gardait chez soi les anciens de
la famille, mais il y avait aussi d'autres vieux qui vivaient seuls, souffrant
en silence du froid et des privations, manquant de l'hygiène la plus élémentaire,
manquant surtout d'affection.
Et Victor ne cessait de se répéter : A ces
vieux abandonnés il faudrait des secours organisés. Il leur faudrait des «Bonnes
Sœurs » pour les visiter et les soigner et même pourquoi pas, pour les
accueillir et leur assurer une fin de vie plus douce et plus tranquille.
Il en parlait aux notabilités de Riaillé,
mais c'est tout juste si l'on ne lui riait pas au nez : « Mon pauvre Victor, à
quoi pensez-vous ? Ce n'est pas possible ici, avec l'esprit qui règne, etc.,
etc. » Partout où il passait, il ne rencontrait que sourires amusés ou avis
contraires, quand ce n'était pas opposition formelle.
Mais Victor Suteau avait de la suite dans les
idées. Repoussé bien souvent il revenait sans cesse à la charge, si bien qu'étant
lui-même conseiller municipal, il réussit à provoquer une réunion le
vendredi 2 décembre 1932. Il avait convoqué toute la municipalité, les
membres du Bureau de Bienfaisance et du secours mutuel, un certain nombre de
retraités, de propriétaires, de cultivateurs, de commerçants et d'artisans.
Et Victor plaida si bien sa cause qu'après
divers échanges d'idées, toute l'Assemblée, à l'unanimité, décida la création
urgente d'une Fondation Hospitalière. C'est ainsi que cette réunion
d'information se transforma en Assemblée Constitutive d'une Société Hospitalière.
Sur-le-champ fut désigné un Conseil d'Administration de treize membres, chargé
de faire le nécessaire pour exécuter tout ce qu'il fallait pour réaliser ce
qui avait été décidé.
Naturellement le Président élu était Victor
Suteau. Il s'adjoignit aussitôt un secrétaire, M. Afchain et un trésorier, le
notaire Maître Arthur Tilleau.
On laissa passer le temps de la Mission
Paroissiale, qui se déroula du 4 au 25 décembre, mais dès le 15 janvier
suivant, le conseil réuni commença les démarches qui ne traînèrent pas. La
Préfecture consultée donna un modèle de statuts d'une association de
bienfaisance. Victor Suteau les étudia avec ses collaborateurs. Le projet des
statuts signé par Victor Suteau le 15 février fut approuvé le 2 3 suivant par
l'Assemblée Générale des membres actifs.
Ces statuts furent imprimés et distribués en tracts
dans les jours suivants. Dans 1a même Assemblée fut présentée et approuvée
le Règlement particulier fixant les modalités d'admission des personnes
hospitalisées, ainsi que le Règlement intérieur de la maison.
De plus, le 1er mars 1933 était distribué un
autre tract faisant appel à la générosité publique. Une souscription était
ouverte. Les cotisations des membres actifs fixées à 100 F et les dons des
bienfaiteurs devaient être remis au trésorier, Maître Arthur Tilleau,
notaire. La liste des souscripteurs serait affichée à la mairie et un Livre
d'Or ouvert pour recevoir les noms des donateurs.
Première
installation
Le 24 février 1934, Victor Suteau signait un
bail avec un certain M. Michel Sicard, habitant à Nantes, au 15 du quai
Dugay-Trouin. Il s'agissait de louer la maison située actuellement au n° 205
de la rue du Calvaire et habitée alors par la demoiselle Anne-Marie Gaud, une
lingère de 79 ans.
Entre temps, avec l'appui de l'abbé Lescaudron,
curé de Riaillé, il avait obtenu de la Supérieure Générale des Sœurs de
l'Immaculée Conception de la Haie-Mahéas, en Saint-Etienne-de-Montluc, la
promesse de l'arrivée prochaine de deux religieuses garde-malades et donnant
des soins à domicile.
Les deux Sœurs arrivèrent et furent installées
chez Anne-Marie Gaud. Très vite on y amena des pensionnaires. Dans la maison
elle-même on aménagea la cuisine, la salle à manger, la salle du dispensaire
et le dortoir des Sœurs. Dans la cour, la pièce qui servait de lingerie à
Anne-Marie Gaud fut occupée par les femmes, tandis qu'une petite maison dans le
jardin servit de logement pour les hommes.
Les anciens ont retenu quelques noms parmi les
premiers vieillards admis. Ce fut d'abord un Renou de la Tisonnière, les deux
frères Cadiot, du bourg, le père Château, de la Houssaye, et d'autres.
Anne-Marie Gaud resta chez elle et y mourut le 2 3 février 1938.
L'installation était encore bien précaire. Il
fallut tout le dévouement de Soeur Saint Clément, de Soeur Virginie et
d'autres qui se succédèrent, comme Soeur Madeleine, Soeur Eugène, Soeur
Lutgarde, pour faire de cette installation provisoire un lieu accueillant.
Elles s'en allaient, dans le bourg et les
villages le plus souvent à pied, par tous les temps, revenant à la maison
trempées et leur longue robe toute crottée par la boue des chemins. Pour le dévouement,
la Société leur donnait 4,75 francs par jour, mais le Seigneur leur donnait
bien davantage.
Les Sœurs au ruban bleu devinrent rapidement
populaires à Riaillé et aux environs.
Le lundi 1er avril 1937, une convention était
établie entre la Supérieure Générale de la Haie Mahéas et Victor Suteau.
Cette convention, mise à l'essai pour trois ans, était renouvelable à partir
du 1er avril 1940.
L'année suivante, le 15 février 1938, Monseigneur
Villepelet, évêque de Nantes et supérieur de la Congrégation d'obédience
diocésaine, approuvait cette convention et érigeait, par ordonnance spéciale,
la petite communauté des Sœurs hospitalières de Riaillé en Maison religieuse
régulièrement constituée, ce qui lui permit de s'agrandir quelque peu dans la
suite.
La Grande Maison
Victor Suteau ayant l'assurance de garder les Sœurs
hospitalières ne voulait pas en rester là. Il envisageait de construire une
grande maison.
I1 se démenait dans tous les sens, allant de
l'un à l'autre, bravant toutes les fatigues, faisant appel à toutes ses
relations dans le monde du commerce, de l'industrie, de la politique.
La Providence ne l'abandonna pas.
Il lui fallait un terrain. Une bonne personne,
Madame Veuve Denéchau lui offrit une bonne parcelle, regardant au midi, au
croisement du chemin des Rochettes et de la route de Joué-sur-Erdre, en face de
l'ancienne auberge de l'écu, aujourd'hui disparue. Dans la suite, le domaine
devait s'agrandir par des dons, des échanges, et diverses transactions, dont
nous ne suivons pas les péripéties compliquées.
Et tout d'abord, pour implanter la Grande
Maison, il fallait préparer le terrain. Victor Suteau fit appel aux bonnes
volontés et l'on vit affluer les travailleurs bénévoles, avec pelles, pioches
et autres instruments propres à défricher, à niveler, à creuser les
fondations et les sous-sols.
Tous les matériaux devant être fournis par
l'Association, Victor Suteau parcourut la campagne pour réclamer les pierres
des maisons plus ou moins en ruines. On en tira aussi de diverses carrières,
mais la plupart des beaux morceaux vinrent de trois moulins à vent, qui avaient
perdu leurs ailes. C'est ainsi qu'on a pu dire que dans la Maison Hospitalière
il y a trois moulins : celui du haut du bourg appartenant à la famille Denion,
celui de la Buchetière, appelé aussi la Cossarde, à la famille Juvin, et le
moulin des Drouillets, datant du Moyen Age et qui fut offert par la famille
Coquereau.
La forêt d'Ancenis fournit la plus grande
partie du bois de chêne, pour la charpente, et du bois du châtaignier pour les
parquets, grâce à la générosité du Comte Pierre de Durfort, qui donnera
aussi le sable tiré de sa carrière de la Ferrière et beaucoup d'autres
choses.
Pendant ce temps là, en différents endroits,
on coulait des parpaings, faits à la main.
Et c'est là aussi que Fannette, la petite
jument de Victor, dut jouer des pattes pour mener son maître, présent sur tous
les chantiers. Il fallait relancer les travailleurs, pour démolir, pour trier
les belles pierres et les charger sur toute une procession de charrettes à bœufs
et à chevaux, tout cela gratuitement bien entendu.
I1 nous faut évoquer ici une figure plus effacée
mais attachante, celle de la compagne dévouée de Victor, Anne-Marie Suteau, née
Verger. Tant que dura le concours bénévole des travailleurs, elle assura le
repas du midi à tous ces hommes dont l'appétit était aiguisé par l'ambiance
d'une joyeuse compagnie. Elle grognait un peu parfois, mais elle ne laissait à
personne l'usage des fourneaux et personne n'eut à s'en plaindre.
Dans son enthousiasme généreux Victor Suteau
s'était engagé, sous sa responsabilité personnelle, à mener à bien la
construction et l'installation complète de la Maison Hospitalière. Avec
sagesse ses amis du Conseil d'Administration n'acceptèrent pas l'engagement
total du Président. Dans leur réunion du 15 septembre 1938 ils lui exprimèrent
leur crainte que sa générosité ne soit au-dessus de ses possibilités réelles.
C'était une garantie pour Victor et sa famille, pour les entrepreneurs et pour
l'avenir même de la Fondation.
En même temps, les conseillers demandaient que
soit établi clairement le coût total de la construction et de l'équipement de
la maison.
Victor Suteau rassura ses amis, dont il ne
partageait pas les hésitations. II avait la foi qui transporte les montagnes ou
du moins, les aborde avec sérénité.
Le 15 novembre, il signait une convention avec
les entrepreneurs de maçonnerie Clément Tillaut et Armand Colas. A cette époque
de l'année les préparatifs de la construction étaient assez avancés pour que
l'on pût envisager la pose de la première pierre. Une sorte de petite carrière
avait été creusée pour faire les sous-sols et les caves. Pour cela il fallut
enlever 1 500 mètres cubes de terre et de pierraille.
La première pierre
Victor Suteau avait multiplié les invitations pour
la cérémonie fixée au dimanche 27 novembre de cette année 1938. Ce fut un
jour de soleil, qui succédait à plusieurs journées de pluie. Plus de cinq
cents personnes, au sortir des Vêpres paroissiales, se pressaient sur le
terrain, parmi et sur les tas de pierres, de sable et matériaux divers, dans
les allées piétinées et boueuses du chantier. On y voyait le député,
marquis de la Ferronnays, le sénateur François Saint-Maur, le conseiller général
Le Gualès de Mézaubran, le Maire de Lajartre et son conseil et beaucoup
d'autres personnalités. Victor Suteau descendit au fond du trou, guidant l'abbé
Lescaudron, curé, et son vicaire Guillet. Après la bénédiction rituelle de
la belle pierre, l'abbé Lescaudron prit le marteau enrubanné de tricolore et
frappa le premier coup, et Victor Suteau en fit autant avec un large sourire. Et
ensuite il y eut toute une procession à descendre, plus ou moins adroitement,
la pente un peu raide et glissante. Défilèrent ainsi les autorités, puis les
donateurs, parmi lesquels Madame Denéchau (*), l'ex-propriétaire du terrain. L'un
des plus remarqués fut le père Château, âgé de 90 ans, le doyen d'âge de
Riaillé. Deux Sœurs l'avaient amené de la maison provisoire et l'avaient
confié au bras solide du Docteur Guitard, qui l'aida à descendre, pour frapper
aussi sur la pierre.
Alors vinrent les discours. Victor Suteau, dans
un langage bien à lui, voulut remercier toutes les générosités et tous les dévouements
qui ont permis cette entreprise et qui la continueront. Et d'un ton ferme il
assura : « Je continuerai ma tâche. Celui-ci me donnera son blé et celui-là
son argent. Riaillé aura son hôpital et bien des misères seront secourues ».
Le sénateur lui donna la réplique, dans un
langage plus académique, et la cérémonie se termina avec le verre de l'amitié
et dans le bruit des conversations animées.
Et pendant ce temps-là, la procession continuait
vers la première pierre, chacun des assistants venant donner son coup de
marteau avec gravité, même les petits enfants. I1 en fut ainsi jusqu'au crépuscule.
La première pierre posée, les maçons
s'empressèrent et les murs se mirent à monter, puisqu'en juin 1939, ils étaient
à hauteur du 1er étage. Victor Suteau avait dit : « On plantera le bouquet
traditionnel sur la charpente de la maison vers la fin de 1939. »
Ceci, le fondateur de la maison ne le vit pas
sur cette terre.
L'hiver 1938-1939 n'avait pas ralenti son
activité. Au mois de mai, il prit froid et dut se mettre au lit avec une pleurésie.
Son robuste tempérament, affaibli par trop de fatigues, résista quelque temps,
mais, le jeudi 15 juin 1939, on le conduisit au cimetière, âgé de 67 ans.
Inutile de dire combien il laissa de vide à
Riaillé et de regrets, surtout parmi les pauvres.
Bientôt les choses se gâtèrent avec
l'Allemagne et le 3 septembre 1939, c'était la guerre et le départ des hommes
et jeunes gens.
Pour la Maison Hospitalière, ce fut, non pas
un coup d'arrêt, mis une mise en sommeil. En mai et juin 1940, c'était
l'invasion, avec le lamentable défilé des réfugiés sur les routes.
A Riaillé, si Victor Suteau avait disparu, son
souvenir restait vivant et son esprit animait le conseil d'administration, qui
s'empressa de donner la présidence à la veuve du fondateur.
Anne Suteau accepta cette fonction, à
condition d'être aidée dans la pratique des affaires financières. Son bras
droit fut le Docteur Guitard, qui dès 1935 avait laissé la vice-présidence
pour assurer la charge de trésorier. Il faut reconnaître qu'il tint les
cordons de la bourse avec autant de fidélité que de fermeté.
Ainsi secondée, Anne Suteau resta présidente
jusqu'en 1944. A cette époque, le Docteur Guitard, démissionnaire le 7 février
1943 pour raison de santé et décédé le 21 avril 1944, avait été remplacé
au Conseil par le Docteur Gilard. A celui-ci Anne Suteau laissa la présidence,
les administrateurs acceptèrent le changement, à condition que la veuve du
fondateur restât, sa vie durant, présidente d'honneur, avec le droit de
prendre part à toutes les réunions du Conseil, ce qu'elle fit fidèlement
jusqu'au mardi 17 mars 1963, époque où elle dut entrer comme infirme dans la
Maison Hospitalière.
Mais revenons en arrière jusqu'en 1941.
Hospice en construction vers 1942 | Hospice en construction vers 1942 |
(Vue de l'avant - E. Dutertre enfant) | (Vue de l'arrière) |
La vie reprend dans le chantier
Le calme relatif étant revenu, malgré la présence
des occupants, les ouvriers de Riaillé se remirent au travail, si bien qu'au début
d'octobre 1942, la maison avait sa couverture, avec ses portes et ses fenêtres.
Le sous-sol semblait presque en état, ainsi que le rez-de-chaussée.
Le Conseil d'Administration était d'avis
d'attendre encore un peu avant l'installation, mais dans la maison provisoire du
haut du bourg on commençait à s'énerver, car on s'y trouvait trop à l'étroit
et les demandes d'admission se multipliaient. Soeur Lutgarde pressa le mouvement
et vint s'installer avec tous ses pensionnaires dans la maison neuve.
L'expérience devait prouver que c'était un
peu prématuré. On faisait la cuisine dans le sous-sol, mais pour monter au rez
de chaussée il n'y avait qu'une simple échelle de bois. Les vieillards répartis
en dortoirs et en chambres dans ce rez-de-chaussée, grelottèrent de froid
pendant tout l'hiver malgré la multiplication des couvertures, des édredons,
des bouillottes et des chaufferettes, le tout apporté par les généreux
bienfaiteurs. Et, avec cela, tout le jour le bruit des marteaux et des scies,
car plus haut on continuait à aménager les étages supérieurs.
A la fin du printemps 1943, le ler étage était
suffisamment utilisable pour pouvoir y aménager la première chapelle de la
maison, occupant toute l'extrémité ouest de cet étage.
La maison commençait à prendre de l'ampleur,
quand, après les deux bombardements des jeudis 16 et 2 3 septembre 1943, affluèrent
les malheureux réfugiés de Nantes. Alors on se serra pour en accueillir le
plus possible, de ces pauvres gens, dont plusieurs avaient tout perdu.
En 1944, le Docteur Gilard devenait président.
A cette époque, la maison était achevée, du
moins dans son gros oeuvre. On continuait cependant à parfaire l'équipement et
à lui donner toutes les utilités et les commodités prévues pour ce temps là
aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur.
Pour mettre plus en valeur la façade
remarquable de la maison on entreprit d'aménager un parc au devant, en y
plantant des arbres et des arbustes, à y tracer des allées et des parterres,
avec un fond de pelouse. Un beau portail y fut placé, qui dans la suite, devra
disparaître lorsqu'on élargit le carrefour.
En 1948, le dimanche 26 mai, jour de la
communion solennelle, après les Vêpres, la paroisse de Riaillé vint en
procession à la Maison Hospitalière, pour la bénédiction de deux statues
offertes par des bienfaiteurs : la statue de la Sainte Vierge, placée au
portail d'entrée, celle de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus placée sur la
façade même de la maison, d'où elle a disparu depuis.
En 1953, le Docteur Gilard fit ériger un
important calvaire à l'extrémité ouest du parc. La bénédiction, faite par
M. le Curé Lescaudron eut lieu le dimanche des Rameaux, après le chemin de
Croix fait à l'église. Cette plantation de Croix inaugurait la semaine sainte.
L'année suivante, en 1954, le Docteur Gilard
quittait Riaillé, et Julien Branchereau devint le Président de la Fondation
Hospitalière. C'était un cultivateur et son grand souci fut de procurer à
l'Oeuvre un domaine agricole capable d'aider la maison à vivre. Il se démena
si bien que, bientôt, par voie d'échanges, de dons nouveaux, d'achats à
viager, il réussit à grouper autour et près de la maison, environ neuf
hectares de terre, permettant de nourrir quatre ou cinq vaches et un cheval,
bref une petite ferme dirigée par un employé, aidé par plusieurs vieillards
encore en assez bonne forme. L'exploitation de cette terre eut son importance,
avec un appoint non négligeable en ce temps pour la vie de la communauté.
Les bâtiments d'exploitation, étables et granges,
poulailler etc. vinrent s'ajouter pour les besoins de la cause.
Au nombre des artisans de cette époque on a
gardé le souvenir de Nicolas Briand.
Extension vers l'Ouest
En 1956, Sœur Lutgarde était rappelée à la
Maison Mère et Sœur Thérèse la remplaçait. Les demandes d'entrées se
faisaient de plus en plus nombreuses, pour le motif que la maison était renommée
pour son accueil et que le prix de la pension était avantageux.
Pour ces raisons, Julien Branchereau et son
conseil, au cours de l'année 1963, décidèrent de procéder à un
agrandissement vers l'ouest. Les architectes Sortais et Desmars proposèrent un
plan d'un style nouveau. En divers endroits on construisait des Maisons
Hospitalières, dans lesquelles on remplaçait les escaliers par des rampes, les
plans inclinés étant supposés plus accessibles aux personnes âgées. Il faut
dire que les architectes s'en donnèrent un peu à cœur joie dans ce nouveau
style, avec la multiplication des fenêtres ouvrant de haut en bas sur la façade
sud alors qu'au nord on éclaira les rampes par trente-sept petites fenêtres
superposées en quinconces sur trois rangs.
Le projet comprenait aussi la construction et
l'aménagement d'une chapelle plus grande et de style jeune. Une aumônerie y était
adjointe. Le plan étant admis et l'adjudication faite, le premier coup de
pioche fut donné le mardi saint le' avril 1965. Les travaux furent menés
rapidement, de telle sorte que l'inauguration put être fixée au jeudi ler décembre
1966. Deux vicaires généraux étaient invités à la cérémonie, assistés du
curé de Riaillé, l'abbé Dollet. Le chanoine Thibaud procéda à la bénédiction
de la chapelle et le chanoine Blot bénit les nouveaux locaux. Ce fut ensuite la
visite détaillée de toute la maison, ancienne et nouvelle.
M. Achard, sous-préfet d'Ancenis et M. Moutel, maire
de cette ville, étaient entourés de nombreuses personnalités, le conseiller général
M. Le Gualès de Mézaubran, M. et Mme de Durfort, les architectes, les représentants
de beaucoup d'administrations, les municipalités de Riaillé et des environs.
Le compte-rendu du journal en donnait une liste de plus de quarante lignes.
Il y eut naturellement des discours. Le président
Julien Branchereau, plus doué pour l'action que pour la parole, avait laissé
l'honneur de parler à M. Jean Ferré, le maire de Riaillé, qui dit notamment
« Le président Branchereau et son Conseil d'Administration ont désiré que
l'historique de cette maison soit présenté par le maire de Riaillé, rappelant
ainsi que cette oeuvre est le résultat de la volonté farouche de l'un de ses
anciens conseillers municipaux, enfant de Riaillé, Victor Suteau. »
M. Ferré fit ensuite l'éloge du fondateur et
de tous ceux qui l'ont aidé, notamment les religieuses de la maison. Il
remercia le Conseil Général, la Caisse d'Épargne d'Ancenis de leur généreux
concours, salua les personnalités présentes, en faisant remarquer qu'il
parlait au nom du Conseil d'Administration de la Fondation Hospitalière « dite
à partir de ce jour Maison de Retraite Victor Suteau. »
Pendant que se déroulait la cérémonie, Anne
Suteau, la veuve bien méritante du fondateur, égrenait son chapelet, sur le
lit du 1 er étage, où elle gisait depuis plusieurs années. Il était bien
juste qu'elle soit mise à l'honneur. M. Ferré fit son éloge dans son
discours. Les vicaires généraux et quelques personnalités vinrent lui présenter
leurs hommages et l'on apporta près de son lit le grand portrait de son mari
pour les photographier tous les deux ensemble.
Le sous-préfet répondit au discours du maire,
félicita tout le monde et promit de donner son avis favorable à un nouveau
projet d'agrandissement en perspective.
De fait, on envisageait la construction, dans
l'enclos, de plusieurs pavillons destinés à recevoir des ménages de retraités
encore valides et désirant vivre un peu à l'écart, tout en profitant des
avantagés d'une communauté proche.
Extension vers l'Est
A la fin de 1966, Soeur Thérèse, arrivée au
bout de son double mandat de supérieure locale, fut appelée à d'autres
fonctions, mais elle revint à Riaillé le 23 novembre 1971, après avoir été
remplacée par Soeur Michel et Soeur Renée.
Le président Julien Branchereau était mort le
29 avril précédent et avait été remplacé par le maire, M. Jean Ferré.
Au cours de 1972, un deuxième agrandissement
fut mis à l'étude, non pas sous forme de pavillons, mais d'une aile nouvelle,
ajoutée au côté est du vieux bâtiment. Le financement en était assuré par
des emprunts, par la vente d'une bonne partie des terres de la ferme, mais aussi
par un apport substantiel venu de Pannecé.
Le mardi 2 janvier 1973, au cours d'une journée
ensoleillée succédant à une forte gelée blanche, fut placée la palissade
limitant le chantier et, dans les jours suivants on commença à creuser les
fondations et la grande excavation du sous-sol. Cette fois on ne fit pas appel
aux bras d'ouvriers bénévoles, car en moins de quarante ans on était passé
de l'ère de la pioche à mains à celle de la pelleteuse, du bulldozer, de la bétonneuse
et tout le reste.
Tout le sous-sol fut réservé à une grande
salle, destinée aux fêtes et réunions diverses, ouverte même aux groupements
paroissiaux, puis devenue salle à manger. Au-dessus, le rez-de-chaussée et
deux étages furent agencés suivant les exigences du progrès. En plus des
sanitaires, on put envisager d'accueillir au moins vingt personnes de plus, soit
quatorze en chambres individuelles et six en chambres à deux lits, chaque
chambre comprenant une porte-fenêtre à deux battants, un grand placard et,
chose insolite en ce lieu, un cabinet avec toutes les commodités de la
toilette.
Les demandes d'admissions étant nombreuses ;
on commença à loger les nouveaux venus au fur et à mesure qu'une chambre était
prête, tout en continuant à aménager les autres, ce qui ne tarda pas, car dès
la fin de 1974 toutes ces chambres étaient pratiquement en service.
Pour ce dernier bâtiment on se contenta d'une
cérémonie d'inauguration sans grand éclat, le jeudi 24 avril 1975, dans la
soirée.
M. Jean Ferré, maire et président de
l'Association, présenta les nouveaux locaux à M. Ferrua, sous-préfet
d'Ancenis, M. Le Gualès de Mézaubran,
conseiller général, les maires de Pannecé et des environs, les membres du
Conseil d'Administration et des municipalités présentes et d'autres
personnalités.
Les Sœurs, le personnel et les pensionnaires,
au nombre d'environ quatre-vingts, étaient rassemblés dans la grande salle,
pour y entendre les discours et y partager la collation offerte aux invités.
Et la vie continua dans la maison agrandie et
embellie.
Bientôt après, pour sacrifier au progrès,
les animaux de la ferme disparaissaient, faute de champs pour les nourrir. Le
petit chemin tranquille, montant vers la Butte des Haies, était devenu une
large route de dérivation. Au-delà de cette route, les terrains jadis exploités
par la Fondation Hospitalière, avaient été cédés, afin d'y implanter un
important lotissement, avec une Poste moderne et un centre de triage.
Et puis, le 3 septembre 1980, au grand regret
de beaucoup, les Sœurs de l'Immaculée Conception, installées à Riaillé
depuis plus de 45 ans, étaient rappelées à leur Maison Mère de la Haie-Mahéas.
Toutes les six avaient atteint l'âge de la
retraite et, faute de recrutement, la Supérieure Générale ne pouvait les
remplacer.
Ce jour-là, une page s'est tournée dans
l'histoire de la Maison Hospitalière de Riaillé, mais l'essentiel c'est
qu'elle vive et continue à vivre longtemps, tout en suivant l'évolution des
temps, mais en gardant fidèlement ses traditions de charité fraternelle, de
bon accueil et de dévouement.
Notes complémentaires
I. Membres de l'Association Hospitalière de
Riaillé
Liste établie à la date du 15 février 1936. Il
s'agit des personnes qui se sont fait inscrire, en versant la cotisation de cent
francs.
Conseil d'Administration
Président :
M. Victor Suteau
Vices-Présidents
M. le Docteur Pierre Guitard
M. Pierre Gautier
Trésorier :
M. Arthur Tilleau, notaire
Secrétaire :
M. Charles Afchain
Administrateurs :
MM. Gaston de Lajartre, maire,
Léon Moreau, Marcel Nicolas,
Julien Delanoue et Louis Braud
Présidents d'honneur : M.
le Comte Pierre de Durfort
M. le curé Donatien Lescaudron
M. le Docteur Louis Bureau
II. Membres actifs
Chefs de famille, veuves, célibataires : hommes et
femmes.
Aubin - Aubin - Auffray - Auneau.
Belay - Belouin - Boucherie - Boucherie -
Boiseau Bourcier - Boursier - Bouvet - Branchereau Julien Branchereau - Brand
Eugène - Braud Jean - Brault Brégeau - Briand Julien - Briand Nicolas - Bureau
Maurice.
Chapeau - Chauvel - Cornuaille - Coué - Cruaud.
Dauffy - Delanoue - Delanoue - Dehasse -
Delaunay - Veuve Denecheau - Denion - Denion - Derouin Derouin - Dequippe Louis
- Dequippe Constant Dequippe Armand - Doucet - Douet - Douet - Dupas - Dupas -
Dupuis - de Durfort Armand - Dubois Dutertre Eugène - Dutertre Maxime.
Emeriau François - Emeriau Pierre - Estière.
Ferré - Fougère - Fromentin.
Ganache - Garnier - Gautier - Gaudin - Grandière
Guet - Guitard - Guyot.
Hallet - Hamon - Houssoir - Hugé - Hupin.
Jeanneau - Jeanneau - Jubineau.
De Lajartre - Leduc - Legros - Leray - Leroux.
Marchand - Martin - Mélusseau - Minaud -
Monnier Eugène - Monnier Félix - Morice - Muloise.
Nouais.
Papion - Perray - Pineau - Pinson - Piron -
Priou.
Rabineau - Retière - Richard - Riclet - Riteau
Robert - Suteau - Suteau.
Terrien - Testard Hippolyte - Testard Charles -
Thiévin - Thivolier - Tillaut - Tillaut - Trochu - Trovoux.
Verger Alfred - Verger Maurice - Verger Michel
- Voisin Eugène - Voisin Jean - Voisin Marie - Voile.
Remarque
Un nombre considérable de personnes n'ayant pas les
moyens de donner la somme de 100 F (importante en ce temps pour les bourses
modestes) ont apporté leurs cotisations, chacune suivant ses moyens. Nous
ignorons leurs noms, de même que les noms de tous ceux qui ont contribué par
leur travail gratuit ou des dons en nature, à la réalisation de cette ceuvre.
Qu'elles soient remerciées et sachent que
leurs noms sont inscrits dans les cieux.
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(Précisions de Noël Bouvet :
1) - Ci-dessus la carte postale montant le premier établissement : petite maison basse et blanche, à droite, entre le débit de boissons et la boulangerie.
2) - (*) Il fut demandé en 1938 à Madame Denéchau, la donatrice du terrain, de poser la première pierre de la Maison Hospitalière, le terrain glissant l'empêcha de descendre et c'est sa petite fille Mademoiselle Denéchau qui la scella. Elle était alors âgée de 23 ans.
3) - Depuis une cinquantaine d'années la langue française a absorbé un grand nombre d'euphémismes. Nous ne disons plus aveugle mais non-voyant, sourd mais mal-entendant. Il en a été de même pour la Maison de Retraite de Riaillé appelée jusque vers les 1950 : Hospice, puis au fur et à mesure de la variation de notre langage Maison Hospitalière..., Maison de Retraite... et… Résidence des 3 moulins de nos jours !
Vous trouverez ci-dessous un article de journal, écrit avant sa mise en service en 1943. L'auteur y suggère que l'établissement porte le nom de son dévoué promoteur. Ce devait être aussi le voeu de toutes les personnes qui avaient financé sa construction par leurs dons ou participé bénévolement aux travaux !...]
Mme Suteau vers 1942