Le Bassin supérieur de l'Erdre

 de Joué-sur-Erdre à Saint-Mars-la-Jaille

 

Tous les Nantais connaissent l'Erdre de Nantes à Sucé et même à Nort-sur-Erdre, mais en amont, le cours supérieur est beaucoup moins fréquenté, car il est plus fermé, moins facile d'accès, donc moins connu, et les charmes n'en ont guère été dévoilés, précisés, ni mis en relief; ils sont cependant remarquables sur les deux rives.

C'est une zone sensible, de très haute qualité, avec rideau forestier de Vioreau, d'Ancenis, La Meilleraie et Saint-Mars, abritant des vents du nord, trois beaux étangs. C'est un vaste cadre tout préparé pour des compétitions nautiques, des séjours de repos et de plaisance. Avec quelques aménagements, peu d'autres vallées peuvent offrir autant de confort et d'attraits aux promeneurs et touristes.

Tous ceux qui ont remonté l'Erdre doucement, de Joué à Riaillé, par une rive ou par l'autre ont été séduits et ravis.

En amont de Riaillé et de Bonnoeuvre, on aboutit, après avoir traversé d'agréables paysages et ombrages, au beau site et à la perspective large et harmonieuse du château de Saint-Mars-la-Jaille et de son vaste parc, ouvert au public chaque dimanche après-midi.

Le foyer central artistique de toute cette zone, qui rassemble en peu d'espace tout ce qu'il est possible de voir et de ressentir, nous a semblé être : l'étang, l'île, le monastère de l'Abbaye de Melleray.

De la route, le choc spirituel est inévitable, surtout au printemps ou à l'automne, alors que les frondaisons aux multiples couleurs ne cachent pas trop la chapelle et le splendide logis du style des hôtels de file Feydeau à Nantes, alors que de gracieux cygnes viennent gentiment vous saluer en toute confiance.

Tous les chasseurs d'images seront comblés devant de telles visions. Un peu plus au septentrion la vallée du Don parallèle à celle de l'Erdre, est également remarquable, et elle atteint son plein épanouissement à La Forge neuve en Moisdon-la-Rivière, rendez-vous de plus en plus fréquenté.

Le Ministère de la Construction, dont le siège départemental est au château de Carcouet, recherchant les zones artistiques dignes d'être préservées et aménagées, s'est tout de suite arrêté au Cours Supérieur de l'Erdre, et à la Vallée du Don. Il décrit cette dernière de la façon suivante :

<< Cet ensemble est un peu sauvage, la forêt y est prépondérante, le Don coule au bas de coteaux souvent escarpés. Les sites de La Chapelle-Lieu-Saint, et surtout de l'Étang de la Vallée, l'un élevé et l'autre profond et secret, invitent au silence et à la méditation.

De nombreux sentiers traversent les bois, longent les lignes de crêtes, ou serpentent au fond de la vallée. Ce sont autant de promenades à travers un cadre champêtre ou sylvestre, répétant toujours l'opposition du lieu haut et de la retraite profonde >>.

Tout ceci, qui est vrai pour le Don l'est également pour l'Erdre; entre Joué et Saint-Mars, c'est un véritable enchantement, et l'on ne saurait s'étonner que des châteaux et logis se soient établis tantôt sur les cimes, tantôt dans les bois au bord de l'eau. Citons :

Lucinière, qui surplombe l'Erdre, avec sa vieille avenue à double rangée de chênes, 

La Chauveliére, que l'on aperçoit après Joué, à l'angle de la route qui conduit à Riaillé; sa belle futaie orne cet angle, et les grilles successives de l'entrée retiennent le regard.

Plus loin sur la gauche, au bord nord de l'étang de La Provotière, les deux logis des Bureau ont un charme romantique prenant. Les ruines de La Piardière, la Cour du Bois et Saint-Ouen méritent une halte. Le château de La Guibourgère avec sa longue avenue, fait revivre le XVII°.

Et l'on arrive au domaine des La Ferronnays en Saint-Mars, un véritable petit Versailles aux belles proportions.

Le premier et le dernier de ces ensembles sont en parfait état, mais il serait dommage de voir La Chauvelière et La Guibourgère péricliter, car ils enrichissent le paysage et font partie du trésor national touristique.

Déjà La Piardière, La Cour du Bois, La Benâte et Saint-Ouen disparaissent et l'on ne parlera bientôt plus que du souterrain qui les relie ! 

Industrie :

Toute cette région fut jadis manufacturière, à cause des filons de minerai de fer, de houille (Languin et Mouzeil) et de castine (Copchoux).

La présence d'épaisses forêts et d'abondantes nappes d'eau, permettait l'exploitation. Il y eut des hauts-fourneaux à La Jahotière, à La Vallée, La Provotière et à La Poitevinière. On retrouve beaucoup de plaques foyères fondues en cette région. Nous avons, heureusement, la description de celui de La Provotière : « 7 m. 20 de haut. 2 m. 60 de diamètre intérieur. Le creuset a 1 m. 40 de haut sur 0 m. 55 de large.

« Les soufflets du fourneau mesurent 5 m. 20 de long non compris les buses et 1 m. 60 de large; leur foulée est d'environ 125 kilos; on peut aisément accélérer leur vitesse et la porter à 10 coups par minute.

La castine, espèce de pierre calcaire qu'on emploie pour la fusion du minerai, se tire à Copchoux, elle se mêle au minerai de fer dans une proportion de 3,50 % et le charbon de bois dans une proportion décuple.

Pour charger un fourneau de 404 livres de minerai, on y joint 15 livres de castine et 150 de charbon de bois. Le creuset précité pourrait contenir 1468 livres de matières, mais il faudrait douze heures en tournée de chauffage; on ne le charge que pour obtenir 980 livres de fonte, et la fusion s'opère en neuf heures. Le sillon dans lequel coule la fonte est long de 5 m. et profond de 0 m. 16. La gueuse ou lingot met 7 heures à se refroidir.  On broie les scories et on les repasse au fourneau et l'on obtient encore une fonte de bonne qualité, les débris sont les sorgnes.  

Quant à la forge, elle se compose de deux feux d'affinerie et d'une chaufferie. L'affinerie à La Provotière, est un carré de 0 m. 80 sur 0 m. 30. Le marteau pèse 580 livres et frappe 100 à 120 coups par minute.

La valeur des forges dépend de la quantité d'eau et de bois dont elles peuvent disposer. La Provotière est bien partagée. Les ouvriers payés à la ,journée, gagnent en 1800, entre 0 fr 7 et 1 fr 25 par jour. Les spécialistes avaient des traitements à part ». (D'après Huet de Coëtlizan, an XII).

Les produits de ces forges, étaient centralisés au port de Nort surtout, qui connaissait de ce fait une belle activité. César Maupassant et Jarry, négociants, étaient très considérés, et ils furent élus députés à l'Assemblée Constituante.

La présence de nombreux ouvriers à Riaillé, .loué et Nort, contribua à la formation d'un milieu libéral, évolué, où l'instruction était appréciée.

Par contre un esprit légitimiste dominait à Saint-Mars et chez les paysans; c'est ainsi que dans les rapports des juges de paix et du sous-préfet d'Ancenis au Préfet, on peut lire encore sous Napoléon III : << L'Orléanisme a très peu de partisans. Les Légitimistes en union avec le clergé, forment une nette majorité. Peu d'enthousiasme pour le régime impérialiste, et pas du tout pour le socialisme. >>

L'Instruction :

Durant des siècles, la masse du peuple n'a été instruite que par l'image. C'est sur le porche des églises que l'on sculpta les scènes de la Bible. Puis on multiplia les fresques sur les parois et les voûtes (comme à La Barre-David en Saint-Sulpice) et enfin les vitraux devinrent de belles images coloriées comme celles des manuscrits, obtenant un légitime et vif succès. Des colporteurs propagèrent les gravures et de multiples tapisseries fixèrent les grands faits historiques.

Sur les registres d'état civil de paroisse, les signatures sont rares, sauf à Riaillé et à Joué où les ouvriers spécialistes tenaient à faire instruire leurs enfants. Dans l'ensemble, les témoins déclarent ne savoir signer.

On relève peu à peu au cours du xrx° siècle, la présence de quelques maîtres d'école. Mais ce n'est guère qu'à dater de 1880, lorsque la fréquentation devient gratuite et obligatoire et les méthodes changées, que de nets progrès sont enregistrés. La présence de deux écoles en chaque commune fut une heureuse innovation.

De 1880 à 1914, on ne compte souvent en chaque commune que deux ou trois maîtres qui se succèdent, chacun s'attache à son poste, à son rôle et à la population. Chaque école a sa bibliothèque, et les résultats au Certificat d'études sont recherchés, c'est une vraie fête au village.

Le bon livre de lecture du « Tour de France » était en usage partout et créait une belle unité de sentiments et de connaissances; il en allait de même pour l'Histoire Lavisse rendant sensible pour tous, les grandes pages de la vie nationale. Parmi les pionniers du savoir on nous a cité : Cadoret à Mouzeil, Devannes à Trans, Michel Cormier aux Langueurs, Monnier et Rabu à Teillé, Gautier à Riaillé, Douillard à Bonnoeuvre... Sous l'égide d'un corps inspectoral qui bouleversa les anciennes méthodes, il y eut un utile et nécessaire éveil rural.

L'Agriculture :

Le régime de la grosse propriété dominait nettement. Les deux tiers des terres étaient possédés par les Cornulier, de Charbonneau, Robineau de La Rochequairie, de Goyon, du Bouexïc, de la Guibourgère, Ferron de La Ferronnays, et par le clergé séculier ou régulier.

Les biens nationaux ont quelque peu amenuisé les grands domaines, mais c'est surtout au cours du XIX°, par les partages, et par l'ascension lente, patiente et laborieuse des paysans, que l'émiettement s'est accentué.

La lecture des inventaires, dans les chaumières, prouve que le paysan avait peu de meubles, peu de linge, et l'on sait d'autre part qu'il se nourrissait fort mal. Les curés réclament souvent près des nobles, des oboles, afin de pouvoir soulager ceux qui sont dans la misère. La mendicité était fréquente. La blouse cachait très souvent de misérables vêtements, et le dimanche c'était la « peau de bique », et pour les paysannes le fichu, la coëffe.

Il reste encore des chaumières humides, mal aérées et mal éclairées, avec des places en terre battue, qui nous reportent à de longs siècles de routine, d'ignorance et de superstitions, alors que le « sorcier > régnait.

On peut suivre sous Louis-Philippe et sous Napoléon III, le rôle bienfaisant des premiers comices agricoles, et celui des apôtres du progrès : Jules Rieffel, Saulnier de Beauregard, Neveu-Derotrie, Testard, Mériais, Lemarié, pour ne citer que quelques noms. Des landes furent défrichées, des prairies artificielles créées, et l'on propagea de nouvelles races d'animaux. Puis ce fut l'emploi des engrais, celui de machines plus perfectionnées, et en tout cela l'instruction, à l'aide des cours du .jour et du soir, joua un rôle considérable, inoubliable. Le savoir provoqua un réveil qui fit sortir d'une torpeur trop nettement fataliste. << Le paysan n'a pas besoin d'être instruit >>, répétait-on !

Aujourd'hui, l'élevage fait la richesse principale du bassin de l'Erdre et du synclinal des trois étangs voisins.

Le ramassage du lait et des produits divers est rapide et bien organisé. La Coopérative d'Ancenis contribue à l'essor général. La mécano-culture s'est développée en particulier à SaintMars-la-Jaille et autour, puis le remembrement commence et s'étend.

Les achats de matériel sont facilités par des organisations syndicales et par l'appui des caisses de crédit agricole, largement soutenues par l'Etat. Le côté social a été compris par toutes les classes et par toutes les Autorités, et d'utiles réformes ont lieu sans cesse.

Les communications sont telles que Nantes, Châteaubriant, Ancenis... sont à la porte de tous les villages. Le paysan d'antan aurait peine à reconnaître son frère d'aujourd'hui.

Tourisme :

C'est entre le Pays Castelbriantais et le Val de Loire que nous désirons conduire nos lecteurs. Les routes ne sont ,jamais encombrées ce qui est un énorme avantage.

De Nantes, gagner Carquefou et dépasser cette bourgade en direction nord. On peut filer à droite vers Ligné, Teillé, Pannecé et Saint-Mars, ou bien continuer vers Petit-Mars, Nort et Joué. C'est l'espace entre Saint-Mars-la-Jaille et Joué que nous décrirons et détaillerons en prenant pour centre de ralliement Riaillé.

Très souvent les routes serpentent tout le long du Donneau ou de l'Erdre. Les forêts et étangs unissent leurs attraits en un bassin bien abrité, où l'on retrouve le calme et l'air pur.

Des haltes, des pique-niques sont possibles au bord des étangs de Copchoux avant d'arriver à Teillé, - en forêt de Saint-Mars au-dessus de Bonnceuvre, et enfin et surtout autour des nappes d'eau publiques de La Provotière et de Vioreau, qui font partie du domaine national.

Pour garder à cette région boisée et miroitante son caractère naturel poétique, la protection des forêts est d'un impératif absolu, ainsi que la protection du gibier d'eau et de terre. L'Etat a déjà fait le nécessaire et il a classé l'essentiel. Le Ministère de la Construction supervise les lotissements et les constructions afin de sauver l'harmonie du paysage et des villages. Il ne permet plus les constructions dans les sites remarquables qui devraient être occupés par des tables d'orientation ou des pelouses bien entretenues avec des bancs. A l'exemple de Saint-Mars dont le jardin public est un modèle du genre, toutes les municipalités devraient intensifier le goût des parterres et des fleurs. Teillé a son jardinet avec son bassin, le tout bien dessiné, bien conçu. Pannecé achève le sien.

Beaucoup de Nantais et de nombreux Parisiens connaissent Vioreau, la Provotière, et la Poitevinière à cause des courses de hors-bord, mais ils aimeront aussi tous les environs et ils étendront leurs investigations, lorsqu'ils seront mieux renseignés.

La Forêt de Saint-Mars a la juste réputation d'être la plus belle du rideau évoqué, et d'être la mieux entretenue. En dehors des jours de chasse à courre, les propriétaires se sont toujours montrés hospitaliers envers les promeneurs; ils procurent ainsi au public des heures délicieuses sous les voûtes épaisses et fraîches, et il est ,juste en retour d'observer les strictes règles de propreté et de respecter l'intégrité des lieux, momentanément occupés. Une sorte d'éducation a été déjà réalisée à cet effet, mais elle mérite d'être complétée.

Il était fatal qu'autour d'un si bel ovale rempli de beautés naturelles, la partie artistique se développât; elle est chargée d'une poésie intense aux deux extrémités. On en est pénétré dès que l'on franchit la très belle grille en fer forgé armoriée et dorée qui s'ouvre le dimanche pour accueillir les promeneurs dans le très beau parc de la famille de Cossé- Brissac.

Pour l'extrémité ouest, c'est à Notre-Dame-des-Langueurs que le choc spirituel est le plus vif : La petite église est d'une richesse poétique considérable; l'impression d'ensemble tient ai vitrail du choeur, aux autels latéraux aux trois anciennes statues moyenâgeuses, à la balustrade au grand lustre, le tout très bien harmonisé.

Mais, en plus, il existe beaucoup d'autres monuments, paysages et sites, que nous présenterons au visiteur, sans compter que peu de région sont aussi riches en très belles légendes.

Bien sûr, la quenouille et le rouet sont abandonnés, et les longues veillées avec le village assemblé, sont remplacées par d'autres réunions mais enfin le culte du passé n'est pas encore mort.

Il y aurait un beau recueil à constituer, avec les récits, les ballades, les épopées, les chant populaires des grands-parents, de cette originale vallée de l'Erdre, où les fées, les nains, les sorciers et les saints, restent des agents surnaturels très vivants qui se retirent dans les forêts, le; roseaux et les sanctuaires.

A. GERNOUX.

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Mars et le souvenir des Romains

Il semble que les populations de l'âge de la pierre aient recherché de, préférence pour séjourner les forêts et les rivières poissonneuses. Avec la vaste Forêt de Mars, faisant suite à celle de Petit-Mars, ils rencontraient sur les bords de l'Erdre un site attrayant. Aussi n'est-il pas étonnant qu'au début de ce siècle un professeur de Riaillé, M. Ménoret ait glané en vingt ans au cours de ses promenades sur la seule commune de Bonnoeuvre vingt haches en pierre polie et une très belle hache en bronze plate d'un modèle assez rare.

Epoque gallo-romaine. L'occupation :

L'occupation romaine a dans la région laissé quelques traces. La tradition d'abord, rapporte avec insistance qu'à Saint-Mars-la-Jaille s'élevait jadis un temple dédié au dieu Mars. Où était ce temple ? Nul ne le sait; peut-être tout simplement sur l'emplacement occupé ensuite par l'église.

Les découvertes archéologiques ensuite sont venues confirmer l'existence d'une agglomération très importante à Pannecé. La villa primitive était ailleurs à un kilomètre à l'est du bourg actuel, à la Bourdinière.

En ce lieu se croisaient deux voies antiques, l'une orientée est-ouest, allant de Nort-sur-Erdre à Candé, l'autre nord-sud, de Béré à Ancenis. Cette dernière franchissait sur un gué la rivière du Donneau.

Or en 1860, en défrichant sur le bord de cette rivière le champ de Saint-Saulny, et en abattant les haies intermédiaires, on trouva à soixante centimètres de profondeur un mur romain de belle apparence. Cette découverte fit alors un certain bruit, et le sous-préfet d'Ancenis se déplaça pour se rendre compte et fit un rapport. Mais le mur fut tout de même détruit. On trouva, dit le rapport, de nombreux fragments de briques, de poteries décorées et des pièces de monnaie au cours de ces travaux. A cette occasion bien des « Anciens » se rappelèrent avoir eux-mêmes détruit des murs semblables dans les champs voisins, sans y avoir attaché d'importance.

Mais voilà que deux ans plus tard on entreprend des travaux sur le cours même de la rivière du Donneau, à l'emplacement de l'ancien gué. On déplaça alors un entassement de grosses pierres maintenues par des poutres verticales en chêne réalisant un radier comparable à celui qui existait à Ancenis pour franchir la Loire. On trouva dans le gué en effectuant ces travaux une quantité innombrable de pièces de monnaies Romaines en bronze et en argent, quatre-vingts kilogrammes disent les témoins. Le chiffre peut sembler un peu fantaisiste, mais lorsque dix ans plus tard Léon Maitre vient sur place faire une enquête, tous ces kilos se sont évaporés et il ne peut retrouver que quelque unes de ces pièces. Que sont devenues les autres Personne n'en sait rien. Données, vendues ou perdues elles ont échappé à toute possibilité d'étude.

Les choses se passeraient-elles autrement de notre temps? On peut tout de même l'espérer. Tout dernièrement en Bretagne, grès de Guingamp deux cruches contenant un trésor de six milles pièces d'argent ont été découvertes à un mètre de profondeur par un bulldozer. Le journaliste local en a parlé le lendemain et deux jours après le Directeur des Antiquités historiques de Rennes était sur place et en présence des autorités locales et du préfet, obtenait contre reçu la remise du trésor. De cette façon les pièce vont être étudiées, classées, et seront ensuite rendues au propriétaire avec toutes indications sur leur valeur. Ensuite libre à lui de les garder ou de les disperser, cela n'a plus d'importance pour l'histoire. A la Bourdinière on n'était pas en présence d'un trésor caché volontairement, mais de pièces de monnaies jetées dans la rivière.  Par qui et pourquoi ? De même qu'à l'heure actuelle encore les visiteurs de Rome passant devant la fontaine de Trévise jettent une piécette dans l'eau, gage d'un retour à Rome, de même le voyageur Gallo-Romain traversant un gué jetait une offrande aux divinités de l'eau pour se concilier leur faveur. Et le voyageur, suivant son lieu d'origine, offrait une pièce des Namnètes ou des Bituriges. De telles offrandes accumulées pendant des siècles, si elles avaient pu être étudiées lors de leur découverte auraient donné des renseignements précieux sur les courants commerciaux de l'antiquité.

A proximité immédiate du gué, toujours à la même époque, des travaux ont mis en évidence des scories et des restes de fours, en particulier à la Cité et aux Châteliers. La présence de minerai de fer et de bois de chauffage en abondance avait permis à l'époque romaine, et sans doute auparavant à l'époque gauloise, d'extraire et de traiter le fer dans des établissements défendus par des retranchements contre les pillards éventuels.

D'autres vestiges de construction antique ont été découverts il y a une vingtaine d'années au sud de Riaillé, près de l'antique château de la Benâte aujourd'hui disparu. Les douves de ce château alimentées par l'Erdre avaient servi à l'établissement d'un barrage pour alimenter un moulin à eau. Le trop-plein s'écoulait sous un vieux pont qui tombait en ruine. On a voulu le reconstruire en augmentant sa portée. Pour cela il fallait démolir une des hases de l'ancien pont. Or elles étaient faites d'un mortier si dur que le pic ne parvenait pas à l'entamer. La destruction en aurait été trop onéreuse : on l'a conservé pour établir le nouveau pont dans les mêmes dimensions sur cette base solide. Les spécialistes qui ont dirigé ce travail ont été unanimes pour reconnaître la solidité et le soin du travail romain.

Epoque mérovingienne :

Viennent les invasions des barbares, la première au III° siècle brûlant tout sur son passage. Les établissements romains sont brûlés et les habitants survivants se réfugient dans la forêt. L'histoire locale est muette sur ces temps troublés, l'abandon n'est pas total cependant, car on a retrouvé à la Bourdinière quelques sépultures du VI° siècle, le long du mur romain déjà décrit. Ces tombes étaient formées de briques posées sur champ, recouvertes d'une dalle d'ardoise. Dans deux d'entre elles, près du squelette, étaient déposés quelques objets : un fer de lance, une boucle de ceinturon, une petite statuette en bronze représentant une chèvre. Ces objets ont été déposés au musée archéologique.

C'est dans ces temps troublés que la religion chrétienne pénètre peu à peu dans la région et à l'aube de la féodalité le culte de Saint-Médard encore appelé Saint-Mars aura chassé de la forêt et de son temple l'antique dieu Mars.

Moyen-Age :

Puis le calme se rétablit, une nouvelle agglomération se forme à la place de l'ancienne, qualifiée même de Ville de la Bourdinière. L'église mère dédiée à Saint Pierre, est bâtie au centre de la ville et deux autres chapelles, dédiées l'une à Saint Martin, l'autre à Saint Jacques avec leurs cimetières, existent dans la banlieue. Cette ville dépend de la baronnie d'Ancenis, et le bourg actuel de Pannecé en fait partie.

Les Temps modernes :

Au début du XVII° siècle, l'église de la Bourdinière étant devenue trop petite, il est question de la reconstruire. Mais la population de Pannecé est devenue plus importante que celle de la ville-mère, et deux clans s'affrontent pour savoir sur quel lieu établir cette nouvelle construction. Les Pannecéens étant les plus nombreux trouvent normal d'avoir cette nouvelle église près de leurs maisons, et l'on commence à apporter des pierres sur le lieu choisi. Mais il se produit alors un phénomène bizarre, car les pierres déposées dans la ,journée à Pannecé sont retrouvées le lendemain matin à la Bourdinière. C'est un signe de la volonté du Ciel, disaient les gens de la Bourdinière, il faut que la nouvelle église soit bâtie chez nous ! Mais la nuit suivante quelques Pannecéens moins crédules décident de monter une garde discrète et constatent que les pierres ne déménagent pas toutes seules. Les transporteurs découverts renoncèrent à faire obstruction, mais conservèrent néanmoins leur église.

Et en 1648, l'église de Pannecé devient édifice paroissial, celle de la Bourdinière n'ayant plus le titre que de chapelle finira par disparaître.

Nous avons recherché les traces des trois chapelles disparues. A la Bourdinière, on montre l'emplacement d'un édifice qui devait être de modeste dimension, et un bénitier en granit qui en provient. Des travaux récents pour élargir la route d'accès au moulin ont confirmé l'existence du cimetière.

A Saint-Jacques, près du vieux moulin qui tombe en ruines, peut-être a-t-elle disparu dans l'excavation de la vaste carrière dont l'exploitation a cessé maintenant. De la chapelle Saint Martin nous n'avons pas pu retrouver même l'emplacement approximatif. Ainsi disparaissent les traces du passé.

Docteur Yves MERLANT

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Vioreau au coeur de la Forêt légendaire

 

Vioreau, deux syllabes qui sonnent très agréablement et semblent faites pour la poésie et l'enchantement. Ce tout, riche et complexe, se matérialise en une zone sensible située à mi-chemin entre Nantes et Châteaubriant.

C'est un asile de repos et de détente qui prend de plus en plus d'importance et de rayonnement.

On sait, que cette région nord du département, est heureusement restée très boisée, et qu'au centre de ces forêts d'Ancenis-Vioreau, de Pavée, Domnesche et Juigné, il subsiste de belles nappes d'eau claires et ombragées, formant les étangs de La Poitevinière, de La Forge neuve, de La Boissière (au bord duquel hélas, les nazis fusillèrent sauvagement les patriotes de Choisel et de Bout-de-Forêt), de Chahun, de la Hunaudière, et donc de Vioreau

Ce réservoir d'eau est situé entre l'Erdre et le Don, entre Joué et la Meilleraye, entre Abbaretz et Riaillé, il s'agit d'une dépression naturelle parallèle à l'Erdre et qui comprend l'étang de la Poitevinière, jadis utilisé pour des forges à fer, celui de La Provotière orné d'un castel et les deux étangs de Vioreau : le vieux et le nouveau.

Quel en est l'historique ?

Napoléon Ier qui ne craignait pas les projets audacieux, et qui disposait de la main-d'oeuvre de prisonniers espagnols, décida, après consultation des ingénieurs locaux, Rapatel, Séheult, Cottin de Melleville, Demolon..., de créer un canal qui relierait Nantes à Brest et permettrait ainsi les communications maritimes, malgré le blocus anglais.

C'était une décision gigantesque pour l'époque qui donna beaucoup d'animation à la ville de Nort, déjà port intérieur actif de toute la région sylvestre et ferrugineuse castelbriantaise.

Il fallait assurer aux écluses du canal, une quantité d'eau régulière et abondante, d'où la création du réservoir de Vioreau, centralisant l'eau des étangs précités, avec un barrage puissant près des hôtels où se groupent les touristes. Le vieil étang de Vioreau au bord d'un antique château en ruines, appelé Castel de Viorel, fut naturellement mis en communication avec le vaste déversoir, et c'est le vieux centre féodal qui a donné son nom au grand réservoir actuel du canal. Avec le temps, le tout s'est harmonisé, et la forêt a étendu ses ailes maternelles et tutélaires sur ses deux fils qui ont toujours eu la bénédiction de l'abbaye de Melleray, toute proche.

On pourrait ajouter à ce rappel mystique, le souvenir, des séjours que labelle Françoise de Foix, maîtresse de François 1er, de 1515 à 1525, aurait fait, au temps de son délaissement et de son abandon momentané, alors qu'elle se plaisait à s'isoler au manoir de Vioreau auprès duquel une meute était entretenue et que de temps à autre, elle se distrayait en faisant des randonnées à cheval, accompagnée de ses fidèles lévriers, don du roi-chevalier, pour sa < Mie », qu'il revit d'ailleurs en 1532, lors de l'Union de la Bretagne à la France.

La légende dit que son mari jaloux, Jean de Laval, à la suite d'une course effrénée, par temps chaud, l'avait étendue évanouie, sur une table de marbre pour qu'elle prît froid et ne se réveillât plus !  En réalité, elle n'est morte qu'en 1537, et dans son beau château renaissance de Châteaubriant, en sa chambre dorée aux boiseries finement sculptées, où la même légende dit que le mari cruel l'aurait fait saigner aux quatre membres.

Le certain, c'est que toute cette zone giboyeuse, a toujours eu une grande renommée, un grand attrait pour les chasses à courre. La pêche, elle même a fait la joie des privilégiés.

Ce qui est certain et très positif aussi, c'est que l'Etang de Vioreau de 4 kms de long sur 500 m de large, avec sa forêt épaisse et profonde, qui tel un diadème, couronne majestueusement sa rive nord, forme un tout qui charme l'oeil à maints endroits, car on peut en faire le tour grâce à un sentier pédestre ravissant. On s'arrêtera spécialement au Grand Barrage, et près du vieil étang de Vioreau, où les tours d'horizon sont magnifiques.

Les points sensibles :

Si l'on arrive par Joué, à Vioreau, on repère aussitôt les cafés et hôtels du Barrage, et l'on admire les deux points de vue entre L e chêne de la Haie, et la Romeraye. La promenade à pied est agréable vers la Romeraye, la Haudinière et la Ronderais où l'on rejoint la route de Châteaubriant à la queue de l'étang, coin favori pour les pêcheurs.

De l'autre côté, on descend vers la Démenure et l'on traverse sur un pont l'autre extrémité de l'étang. Le tour d'horizon est remarquable sur le lac, et il varie suivant la luminosité solaire.

Continuer vers le Vieux Viorel, franchir le pont en direction du Haut-Vioreau et de la Forêt.

Dépasser la maison du garde, M. Branchereai avec chenil pour chevreuils et renards. Suivre une route, qui permet de rejoindre le Réservoir à la Boustière.

S'aventurer ensuite, à pied, dans la Foré même, vers les villages de la Bolinière et de la Haie-Porchet, et l'on arrive à nouveau sur la route de Châteaubriant, après avoir erré agréablement dans des sous-bois épais. Sans cesse des autos s'arrêtent de chaque côte de la grand'route en cet espace idéal. Peu de passants restent insensibles aux appels divers, des fleurs, des, oiseaux, des sylphes, des sirènes et des fées qu: hantent ces hauts lieux.

Si, partant de Châteaubriant on gagne Moisdon et la Meilleraye, on suivra la route d'Abbaretz Passez devant l'avenue du Pavillon des Hersart de la Villemarqué, et ne pas continuer jusqu'au « Châtaignier des Nonneries », mais tourner à gauche en longeant la forêt, jusqu'au village de Gléminière, et l'on se retrouve bientôt devant le Vieil Etang de Vioreau, avec haltes faciles et agréables dans les bois qui bordent la route, tout ce cadre est varié à souhait.

Signalons autour de cette zone sensible de Vioreau :

Le châtaignier des Nonneries, qui date avec tous ses marcotages, du temps du bon roi Henri IV.

Le village de la Gléminière, où naquit Sébastien Boulay-Paty, un des apôtres sociaux du Nouveau Régime. Une plaque devrait marquer la maison natale de celui qui fut député pendant la Révolution et resta ami de La Fayette jusqu'à sa mort au début du règne de Louis-Philippe, ce fut un ardent « Patriote ».

Le bourg accueillant de la Meilleraye, et la halte mystique, à l'abbaye de Melleray dont l'île au milieu de l'étang, est un symbole, ainsi que le beau logis de style Louis XVI dû à l'architecte Portail; c'est une merveille dans le genre des « Folies ».

Le château de La Chavueliére, dont dépendait Vioreau. Puis aussi celui de Lucinière avec sa très belle avenue à double rangée d'arbres.

Peu d'espaces offrent autant d'agréments si bien groupés.

A. GERNOUX

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JOUÉ-SUR-ERDRE et NOTRE-DAME-DES-LANGUEURS

 

Peu de communes exercent autant d'attraits sur le promeneur; il est vrai que l'étang de Vioreau y contribue énormément.

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RIAILLÉ et ses environs

Le bourg de Joué est à mi-route entre Nantes et Châteaubriant, il s'étale de chaque côté de la grande artère et les maisons ont des jardins bien fleuris. Hôteliers, débitants, commerçants sont accueillants et savent retenir le passant. Le  vieux bourg  est au-dessous de l'église, au bord de l'Erdre dont un barrage forme cascade, il serait possible entre les deux vieux ponts d'établir un joli jardin public. Remarquer l'Hôtel des trois rois, puis le logis Hogrel-Colas bâti sitôt après la Révolution. Le moulin dit de la < Minoterie » servait précédemment pour une tannerie dont les propriétaires Charles Le Roux de Nantes, Guibourd et Thélot sont des noms connus.

La commune qui vivait jadis de l'industrie du fer comme Riaillé, avec son haut-fourneau de La Vallée, s'est orientée par la suite vers l'élevage en de gras pâturages.

Le château de Vioreau en Joué fut à l'époque de la chevalerie, le siège de l'une des plus vastes seigneuries du Comté nantais, s'étendant sur une vingtaine de paroisses. Par la suite elle s'aggloméra dans la baronnie de Châteaubriant.

Le vieux castel de Vioreau existait au centre de la forêt, près du vieil étang qui faisait fonctionner un moulin à blé.

Les deux. autres châtellenies de la paroisse étaient Lucinière, et La Chauvelière. La première appartient depuis trois siècles aux Cornulier, famille de marins, de généraux, d'hommes de loi et d'église, toujours représentée.

On reste émerveillé en feuilletant sa généalogie du rôle ,joué dans l'Histoire de France. Ses richesses en forêts, terres et châteaux furent considérables : Lucinière, Boismaquiau, La Rivière, Vair, Montreuil, La Caraterie, Lorière... sans compter les autres propriétés en Bretagne puis les hôtels à Nantes, Rennes et Paris.

Leurs armes : d'azur au cerf d'or, avec pour devise < raide comme, la corne > .

La seconde avec pour siège La Chauvelière est passée des Crapado aux Lohéac. L'une des belles châtelaines, du temps de Françoise de Foix, épousa le seigneur de Vioreau; cette < Viorelle » est restée dans la légende par sa beauté et par sa mort prématurée. C'est lors d'un séjour du roi François 1er qu'elle prit froid, au soir d'un bal, où elle avait tant brillé comme demoiselle d'honneur de la Comtesse de Châteaubriant.

Luciniére est depuis des siècles, caractérisée par une longue avenue ombreuse qui forme comme une immense nef avec au fond un arceau de lumière aux couleurs changeantes. Le passant peut se recueillir sous cette voûte naturelle et s'avancer vers le château qui a deux autres allées de sortie latérale.

Les < aveux » mentionnent successivement La Roche-en-Nort, Boche-Lucinière, puis Lucinière. Les vassaux de La Guinaudière, et de L'Auvinière, devaient apporter au suzerain toutes les hures de sangliers, les têtes de cerfs et de loups tués sur leur domaine très giboyeux afin d'en décorer le hall.

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Le château de Lucinière en Joué-sur-Erdre

Le château renaissance encadré de tours dévisageant le sud, fut augmenté à la fin du XVII° par un corps de logis central avec un fronton en demi-cercle regardant vers l'Erdre. Et le parc et les avenues furent tracées par Lenôtre. Les relations des Cornulier et Harrouys avec Madame de Sévigné, marquise du Buron en Vigneux, expliquent et justifient l'intérêt que Lenôtre et son ami Mansard portèrent en Pays Nantais à La Seilleraie, La Verrie et Lucinière.

Le petit-fils de ces Cornulier du grand siècle, Jean-Baptiste, 1740 à 1818, fut un ,juriste distingué, né à Lucinière.

Ses cours à Rennes plaisaient à la jeunesse étudiantine, et il compta au nombre de ses disciples enthousiastes, le futur général Moreau.

Réfugié d'abord à Joué en 1792, il gagna Jersey en 1793 où il se fit pécheur un certain temps.

Joseph Fouché du Pellerin qui avait connu la famille à Brains, proposa son aide, la châtelaine rentra pour défendre le patrimoine, mais lui ne revint qu'en 1814 avec les Bourbons. Il fut nommé maire de Nort, mais mourut dès 1818. La veuve Anne d'Olliamson reconstitua pour ses enfants le domaine en partie.

A l'entrée de l'avenue à double rangée, une croix, marque en bordure de la route, le souvenir de l'hospitalité que la famille Cornulier, offrit aux 60 moines de Melleray, lors de leur rentrée d'Angleterre en 1817. (;e fut un pique-nique gigantesque avec cercle de paysans accourus des alentours; une croix marque l'emplacement.

En 1825, à la suite d'un partage, car le droit d'aînesse n'existait plus, une branche des Cornulier versa 300.000 francs aux autres, et dans l'origine de la propriété il est indiqué qu'Anne d'Olliamson racheta en 1801 d'avec les sieurs Gruau, Olivier Tardureau. et Adrien Fabré médecin, les biens vendus nationalement (2q.129).

C'est un peu plus tard que cette branche Cornulier édifia la troisième partie du château dans le style Napoléon III, tout en respectant les douves et en s'harmonisant avec le reste. La chapelle ne fut pas touchée alors crue des dépendances prolongèrent les deux ailes. Tel quel l'ensemble est superbe. (Dessin de A. Guillon).

Les intérieurs ont gardé des voûtes en caissons, des boiseries Louis XV, et de beaux portraits de famille ornent les murs.

A la fin du XIX° siècle, Marie-Thérèse Cornulier (1865-1903) épousa le comte Le Gualès de Mézaubran d'une famille d'armateurs de Saint-Brieuc, dont les armes sont « de gueules au croissant d'argent accompagné de 6 coquilles de même 3 et 3 », avec pour devise : « A la faveur des astres » . Et c'est ainsi que par mariage Lucinière a pu depuis trois siècles transmettre une. belle tradition familiale dont nous avons pu capter quelques ondes.

La Chauvelière, fièrement campée sur une crète au bord droit de la route de Joué à La Meilleraye, avec une coquette futaie sur son aile ouest, c'est l'un (les plus beaux spécimens du style XVII° avec ses pavillons carrés et son fronton en demi-cercle. La vue sur l'Erdre est splendide, mais c'est de la route de Trans que le château apparait sous le jour le plus avantageux.

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Le château de la Chauvelière en Joué-sur-Erdre

Evoquons les principaux titulaires : les Crapado, amis des barons de Châteaubriant; Angier de Lohéac alliés aux ducs de Retz: Goyon-Matianon de Marcé marquis de La Chauvelière et du Ponthus, cousins des Fourché de Quéhillac. Perrin de La Courbejolière de Monaco, Richard de La Rivière d'Abbaretz, de Charette.

Deux lignes de douves précèdent l'entrée et les deux grilles en fer forgé XVIII° qui ferment les sauts de loups, ont de beaux frontons qui portent comme armes : un lion, des merlettes et des étoiles.

De chaque côté, des charmilles et la futaie précitée. L'ensemble plait à l'oeil et tente les chasseurs d'images.

Dans la chapelle, nous avions vu, jadis, avec Joseph Chapron, un gisant ou statue représentant la Viorelle déjà évoquée, morte après un bal nocturne à Vioreau, à la suite dune chasse royale.

A l'intérieur du château - ainsi qu'au Ponthus - sont conservés des portraits : dame de Crapado, un de Goyon maréchal de camp, une de Saint-Julien (épouse de Goyon) dont le pastel est ravissant et digne de figurer dans une exposition.

Il faudrait des sommes considérables pour entretenir une telle demeure et cependant elle le mérite grandement. Sa chute causerait un préjudice artistique notable à toute la région. 

La Chauvelière avait son moulin à eau, puis son moulin à vent à La Mouzinière.

L a Chauvelière avec La Baguais et La Malorais (le Mouzeil formaient une haute ,juridiction. Les fonctionnaires seigneuriaux : sénéchal, procureur fiscal, notaires, greffier furent : les Mazureau de L'Auvinière, - les Leconte alliés aux Sagory négociants nantais, - les Lhotellier, Roussel, Guibourd, notaires.

La Chauvelière fut sauvegardée par la diplomatie des précités et par la châtelaine Augustine Angier de Lohéac, femme de tête veuve d'un général mort en 1783 et belle-soeur d'un de Goyon. Par contre le château du Ponthus fut incendié lors de l'attaque de Nantes en juin 93, alors que la belle défense de Meuris au pont de Nort avec sa Légion nantaise et les troupes d'Ille-et-Vilaine accourues à son secours, empêcha l'aile droite de l'armée royaliste de contourner Nantes et de s'en emparer.

Dans les années qui suivirent, Nort-les-Touches et Joué eurent sans cesse des troupes en cantonnement, ce qui explique la mentalité < patriote » qui y domina.

Les négociants nantais Le Roux, Sagory, Thélot, Jean-Claude... firent protéger leurs propriétés contre les attaques des Chouans. Cependant en 1799 une troupe de 300 cavaliers commandés par Palierne de La Haudussais se rendit maîtresse de Joué, et imposa lourdement la population, sous menace de mettre le bourg à feu et à sang si dans les 24 heures : argent, victuailles, sacs de grain... n'étaient pas rassemblés sur la place publique.

Si en 1800, le calme fut rétabli, ce fut dû en grand, partie à l'influence des citoyens : André Mazureau, Charles Leconte son beau-frère, Lecudon notaire, Tardiveau, Galpin médecin, Hilaire Forget greffier, qui par tactique, habileté, autorité, sûrent calmer les esprits, préconiser la tolérance et la paix, afin de hâter le retour à l'ordre. Ils furent écoutés et leur rôle fut bénéfique.

On raconte que Mazureau de L'Auvinière (logis du bourg), lors de la réquisition du bronze pour faire des canons aux forges voisines, sut faire valoir que la grosse cloche de l'église était nécessaire pour rassembler les citoyens; il y tenait d'autant plus que lors de la fonte, sa famille alliée aux Pichelin du Cléray, Leconte de La Favrie, avait versé dans le fourneau, de nombreux écus pour que le son fût plus cristallin. Cette cloche tinte toujours plus délicatement que les autres et pour les natures sensibles la reconnaissance monte naturellement vers les bienfaiteurs.

Les de Goyon se sont perpétués à La Chauvelière. Leurs armes sont : « d'argent au lion de gueules, couronné d'or » et la devise : « château redoutable, mais châtelains secourables ».

Ils élevèrent au nord-ouest du château une chapelle à Saints Donatien et Rogatien au bord d'une fontaine miraculeuse dont l'eau guérit de la « râche », croûtes jaunâtres sur la tête des enfants. La chapelle tombée en ruines a été remplacée par la croix de Choizeau, et un massif d'arbres entoure encore la fontaine.

Au début du XIX°, les Leconte, avocats, se perpétuent par les Sagory, capitaines de navire, dont une branche résidait à New-York.

Un de leurs héritiers, Pierre Calice, époux de Osmane Carvin, résida longtemps à L'Auvinière, puis peu à peu cette famille vendit.

La Guinaudière, bien perchée sur la rive droite de l'Erdre; manoir avec pavillon, chapelle détruite, a connu comme titulaires : les Macé de La Guinaudière, les Lelardic de La Ganrie, les de Kerneuf et Poulpiquel du Hulgouet. C'est un site remarquable et les occupants sont très accueillants. Retenons la belle devise des premiers seigneurs : « Doux, au milieu des choses dures ».

Quant à La Roineraie qui domine l'étang de Vioreau, elle fut acquise nationalement par Crucy et le logis actuel construit par l'ingénieur des Ponts et Chaussées, Leroy des Plantes.


Les Langueurs :

Parmi les chapelles de Joué : Notre-Dame-des-Langueurs ou de la Pitié, achevée en 1630. Son grand pardon a lieu le troisième dimanche de septembre. C'est en 1900 que fut construite l'église actuelle qui remplace l'ancien sanctuaire, contenant les trois statues, miraculeusement retrouvées dans un souterrain.

Voici la légende telle qu'elle nous a été contée :

La Pierre révélatrice, au temps de Louis XIII, la paroisse de Joué souffrit de la peste. Le cimetière n'étant plus assez grand, on décida de mettre les morts dans une lande isolée où l'on éleva « La croix du désert ».

Deux sueurs bonnes et dévouées n'ayant pas peur de la maladie firent les infirmières, et elles promirent de faire bâtir une chapelle si l'épidémie cessait ! Elle cessa. Mais où bâtir ce temple ?  C'est un boeuf qui indiqua l'emplacement.

Chaque jour au pâturage, il s'en allait derrière un buisson de houx, et là il léchait copieusement les alentours d'une grosse dalle de schiste, ce qui le rendait, disait-on, gras et le poil luisant.

On souleva la pierre merveilleuse qui fermait l'entrée d'un souterrain où l'on trouva la Piéta en bois et 2 saints de pierre qui avaient dû être cachés là durant la lutte sourde entre protestants de Saffré et papistes de Riaillé.

Sur le lieu de la découverte, on érigea donc une chapelle d'abord, puis plus tard le sanctuaire actuel.

La Piéta a gardé tout son pouvoir magique et les pèlerins affluent. Voici quelques passages du cantique qui se chante au pèlerinage :

C'était ici grande misère

Lorsque la peste y sévissait. 

Contre elle, on vit Vierge Marie 

Agir comme elle l'avait promis. 

L'heure sonne quand, dans la Lande 

Un boeuf se nourrit d'un rocher; 

Il le caresse de sa langue 

<< Miracle ! » s'écrie le berger !

Et c'est alors que la Madone fut découverte, tenant Jésus assis près d'elle. La coutume, hélas déplorable, voulait que chaque conscrit, avant de partir, découpât avec un couteau un petit éclat du bois de ses cuisses, comme porte-bonheur. Le curé de la nouvelle église fit couler du plâtre dans les trous et cesser le massacre.

La Vierge des Langueurs, fut dès lors, heureusement respectée.

Puis voici cet autre récit.

En continuant la route de N.-D. des Langueurs vers Franchaud et la Marchanderie, on se retrouve en bordure de l'Erdre et de la rigole d'alimentation. A différentes reprises les points de vue sont magnifiques et l'on découvre la belle façade de Luciniére avec son fronton semi-circulaire; mais une haute futaie nous en sépare.

Une légende se rapporte à ce joli paysage c'est « le saut de la fille ».

C'était à l'époque de Barbebleue, et donc bien avant la venue des Cornulier à Lucinière.

Un méchant seigneur se promenant dans une avenue montante de la futaie, aperçut une ravissante jeune fille qui parachevait sa toilette en attendant son fiancé.

Le haut et puissant châtelain interprétant mal les droits de chevalerie, crut que ce « morceau de roi » lui était destiné.

La fiancée s'enfuit à toute allure vers le sommet du coteau et se jeta résolument dans le vide. Les ,jupes empesées firent parachute et elle tomba miraculeusement sur l'autre rive de l'Erdre où passait le chemin de halage.

Le lourd seigneur lui, glissa sur la pente et tomba dans une vasière surnommée depuis lors <<baigne cul >>, ainsi fut puni le mal et récompensée la vertu.

La tradition colporte avec plaisir ce récit, car elle a reconnu dans ce miracle, une faveur accordée à la pudeur tremblante de la pure ,jeune fille.

Aujourd'hui encore, lorsque l'on arrive aux Friches et que l'on descend à la Rivière aux Simon, les paysans vous montrent « baigne-cul » en souriant.

Le saut de la fille à baigne-cul

Tout à côté, un peu au-delà de la Marchanderie se voit au bord du canal et de l'Erdre, le merveilleux site de Quiquengroqne, ancien moulin, bien aménagé avec des jardins de toute beauté. Très souvent des peintres y posent leur chevalet.

Clergé : Parmi les recteurs, nous remarquons les noms de : Thomas Guibourd dont la famille était de Moisdon.

Joseph Tiger, né à Trans en 1722 et nommé à .Joué en 1753. C'est lui qui fit construire dans le style Louis XVI le beau presbytère qui existe toujours.

Joseph Tiger et Mathurin Thélot, vicaire, refusèrent de prêter serment. Le premier est porté noyé à Nantes le 16 novembre 1793.

Maires : François Lecudon, notaire, Aimé Anneau, notaire, François Priou, arpenteur, Pierre Calice, châtelain de l'Auvinière, Nouais Jean-Baptiste en 1848, Goyon de Marcé, Nouais, Doulin, Le Gualès de Mézaubran, Priou, Belloeil, Yves Le Gualès de Mézaubran, maire et conseiller général.

En suivant l'ordre chronologique, rappelons la vente de la Forêt de Vioreau en 1852. On sait que les Bourbon-Condé, avaient récupéré toutes les forêts entourant Châteaubriant et que le duc d'Aumale leur héritier avait songé faire du château de Françoise de Foix et de celui de Tressé en forêt de Juigné, des rendez-vous de chasse.

Napoléon 111 ayant exilé Louis-Philippe et ses fils, ceux-ci vendirent. Vioreau et la forêt de l'Arche, furent cédés 520.000 francs par le duc d'Aumale à l'un de ses amis, officiers de la campagne d'Algérie. Louis Patas d'Illiers époux de Laurence Juchault de Lamoricière.

Ceux-ci la revendirent plus tard aux Poydras de La Lande (de la Gascherie en la Chapelle-surErdre, qui l'ont transmise à leurs héritiers, Hersart de La Villemarqué.

En relisant les matrices cadastrales de 1852, on retrouve les Poydras, de Goyon, de Cornulier, Durfort duc de Lorge, Lelardic de La Ganry, mais à côté apparaissent les Lelubois Lefoulon, Nouais, Leroi des Plantes, Calice, Prion, Bongérard et toute une série de petits propriétaires qui peu à peu arrondissent leurs domaines; la propriété se trouve ainsi plus morcelée.

Le Remembrement : En traversant la commune, le touriste est surpris de voir l'amorce de nombreuses routes très droites desservant tous les villages.

Les talus sont abattus, les arbres déracinés et les anciens chemins labourés et mis à l'état de culture.

Quelle différence entre l'ancien cadastre de 1815 et celui de 1965 ! On a remis de l'ordre et de la logique en tout ce bric-à-brac. La carte récente ne ressemble plus à l'ancienne. Les propriétés sont bien groupées, bien desservies; le travail de mécano-culture sera facile et moins onéreux. On ne peut qu'être conquis par cette modernisation. Ce qui n'avait pas été compris à Fégréac a été accepté à Joué.

Des clôtures sont mises le long des nouvelles routes, sous la direction du Génie Rural.

Toute l'opération à laquelle l'Etat participe à 80 %, a été réalisée en peu de temps.

Les contributions des particuliers s'échelonneront en plusieurs années. Sous peu, tout sera achevé à la satisfaction générale.

Des maires et des délégués de différentes communes viennent en visite, et s'assurent de la réussite. Ainsi Joué est devenue commune-pilote et elle le mérite.

Elle le méritera doublement en achevant son aspect touristique. L'Erdre passe au bas du bourg, et tout autour de la Mairie actuelle près du barrage et des ponts, avec le miroir, d'eau existant, il serait facile à un paysagiste de tracer et de créer une petite merveille artistique qui compenserait de la perte des beautés de l'ancienne église.

Il y existait -disent les grimoires- deux bancs clos tout sculptés et bien armoriés réservés aux familles Crapado et Cornulier.

Sur les anciens piliers étaient gravées les armoiries des Condé, trois fleurs de lys avec une brisure au centre.

Enfin près de l'autel de la vierge, un tombeau avec une statue rappelant celle d'Anne de Bretagne au monument de François II et de Marguerite de Foix, elle symbolisait la grâce féminine; c'était le souvenir matérialisé de Viorelle de La Chauvelière, mariée trop peu de temps, avec le seigneur de Vioreau. Elle avait été dame d'honneur de Françoise de Foix, comtesse de Châteaubriant. On remarquait sur son mausolée : un coeur accompagné de quatre mains ouvertes disposées en corolle.

A. GERNOUX.

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VIOREAU

 

Gtalé sous le ciel comme un beau lac tranquille, 

Vioreau cerne d'argent ses prés et ses roseaux

Quelques voiles, au loin, comme de blancs oiseaux 

Révèlent des pêcheurs, la nantaise flotille.

Choisissant un bosquet à l'ombreuse charmille, 

On s'évade, joyeux, sur le bord de ces eaux;

Lui va tendre sa ligne, Elle prend ses fuseaux

Leurs enfants, vont, sans bruit, s'amuser en famille.

C'est Mai, tous les buissons resplendissent de fleurs, 

Puis, voici les coucous et les merles siffleurs

Dont les chants sont redits par l'écho des bois calmes !

Après le pique-nique ô combien succulent !

Parmi les beaux genêts, Jean cueille l'or en palmes 

Puis en fait le bouquet d'un rendez-vous galant !

 

Ch.-Frédéric AUDUREAU.

 

Deux articles : Notice sur Louis Cadoret et Géologie du canton de Riaillé, par Paul Testard, sont arrivés trop tard.

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