MES SOUVENIRS DE CAPTIVITÉ

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 3ème PARTIE:

  

MES KOMMANDOS

 

 

  

CHAPITRE I

  

~ LAURA ~

 

  

Créé en septembre 1943, ce commando extérieur de Buchenwald fut établi sur la commune de Schmiedebach dans la "Vallée Joyeuse" (Frohliches Tal). Dans cette ancienne mine d'ardoise, tout un complexe souterrain produira de l'oxygène liquide en partie pour les essais sur place de quelques 3000 tuyères de propulseurs de V2. Les détenus y étaient employés dans six commandos: les trois "Schacht" dans la mine pour creuser des salles souterraines, le "Danny" occupé aux terrassements extérieurs et le "Walbrecht" pour construire et bétonner. En dix neuf mois d'existence avec un effectif moyen de 714 détenus, 602 y moururent (plus d'un par jours).(65)

 

(65) "A propos de Laura", par Paul ADGÉ, in "Le Serment, n° 123, p.l0 à 12 et n° 124 p.10 à 13.

 

 

LE TRAJET et L'ARRIVÉE

 

Les camions munis de chaînes roulent sur la neige durcie. À une allure modérée, ils gravissent un grand nombre de côtes dans une région de plus en plus accidentée au fur et à mesure de leur progression. Nous traversons Weimar. Par les fentes des bâches, nous nous rendons compte des dégâts causés à la ville, et notamment à sa gare, par le bombardement de la nuit précédente dont nous avons perçu les échos à Buchenwald. La gare fume encore et le trafic est interrompu. Nous comprenons alors pourquoi on nous emmène en camion.

 

Situation de Laura

Situation locale de Laura

 

Nous traversons une plus petite ville où notre convoi s'arrête assez longtemps, ce qui me permet de voir circuler un peu de monde. Quelle sensation étrange, cette fois encore, d'être ainsi tout proche de la vie civile et peu gardé, car les S.S. du convoi se sont presque tous absentés!... Mais, quel espoir aurais-je de m'évader au cœur d'une ville allemande, ainsi vêtu, tondu et dépouillé de tout?

 

Alors que mon esprit flâne, soudain un camarade, à la curiosité éveillée, se lève. Son crâne fait saillie sous la bâche. Il reçoit aussitôt un sérieux coup de crosse qui nous prouve ainsi la vigilance et surtout l'amabilité de nos gardiens!

Dans la soirée, le paysage devient magnifique, mais triste. Sous un ciel gris de neige, notre convoi roule lentement dans ce pays montagneux, couvert de sapins. La neige glissante ne permettant pas l'ascension des véhicules trop lourdement chargés, on laisse toutes nos provisions de bouche au bas de la côte qui monte au camp. Je sens que nous approchons. J'ai hâte d'arriver, car je n'ai rien mangé, ni bu depuis ce matin. A l'arrivée, rien n'est prévu pour nous sustenter. Il fait nuit et nos portions sont en bas, dans les camions: je suis très déçu !

 

L'intendant français du camp nous accueille.

 

- Sommes-nous à Dora? lui demande un camarade avec anxiété.

- Non!

 

Sa réponse négative nous soulage...

 

- Le camp est-il dur? demande un autre.

- Quel genre de travail on fait ici et est-ce qu'on mange bien? reprend le premier.

- Installez-vous... Vous verrez bien... répond l'intendant

 

Ses réponses réticentes et évasives sont moins rassurantes.

 

Le Docteur CLIQUET, un Français (66) médecin du camp, nous accompagne dans nos baraques. Les même questions fusent à nouveau et le docteur répond :

 

(66) Il est le seul véritable docteur en médecine. Les autres, en particulier le premier médecin et le chirurgien allemands, ne sont qu'étudiants ou infirmiers (comme les deux tchèques). Hélas, se sont eux qui font la loi et les opérations!... Cela, CLIQUET ne nous le dit pas, mais nous auront bien des occasions de nous en apercevoir.

 

- Hélas, les gars, la vie ici n'est pas rose. Au début, c'était même affreux, maintenant une certaine détente commence à se faire sentir. Gardez espoir! ...

- Et le travail?

- Quant au travail, il est variable suivant les affectations, mais ne vous attendez tout de même pas à être affecté selon nos capacités.

 

Le Docteur CLIQUET

Le Bloc 1 de Laura

 

 

Avec Ernest ROJAS et Roger GUILLOTIN, je suis affecté au bloc lA. ROJAS se trouve avec moi au rez-de-chaussée, mais Roger habite le premier étage et nous n'avons pas de vie commune. Les bâtiments sont différents de ceux de Buchenwald, car le camp a été, en grande partie, aménagé dans des sortes de grandes fermes préexistantes.

 

Les bloc 1 et lA constituent le bâtiment principal. Il est nanti d'une cloche et d'une horloge. Dans les bâtiments secondaires se trouvent le bloc 2 et l'Intendance d'une part, et le bloc 3 dit "bloc des italiens" d'autre part.

 

 Une seule baraque en bois, constituant le bloc 4, termine le camp. Tout de suite, je vois la différence d'importance entre un petit commando comme Laura et un camp de concentration comprenant une centaine de baraquements et bâtiments divers comme Buchenwald.

 

 

L'ARDOISE

 

Nous sommes arrivés le samedi 25 mars. Dès, le lendemain, bien que se soit un dimanche, nous devrions aller au travail, mais comme nous ne sommes pas encore affectés à nos commandos, nous n'y allons pas. Pour la première fois depuis sa création, il n'y aura pas de travaille dimanche au camp de Laura et j'en suis ravi. Quelques équipes seulement descendent quand même au chantier et mon groupe est employé à porter un câble dans l'usine souterraine.

 

La note dominante de Laura et de ses environs est l'ardoise. Ce sol ardoisier, sans la moindre couche d'humus, nourrit une faible végétation avec quelques arbres. Au loin, des bois de sapins, quelques arbustes et peu d'herbe donnent une impression d'aridité. Les maisons et les bâtiments sont évidemment tous recouverts d'ardoises. Sur la hauteur, le camp domine l'immense carrière d'ardoise du chantier cachée par les bâtiments. Le tunnel et ses galeries d'exploitation prolongées, agrandies, aménagées, toujours d'ardoise, suintent l'humidité.

 

Carrière d'ardoise de Laura

 

De l'autre côté, les bâtiments de la direction de l'usine sont aussi sombres et aussi tristes, quoique d'une architecture plus riche. La route et la voie ferrée parallèle sont les seules voies d'accès et donc les seuls liens avec le reste du monde. Par cette route, je suis arrivé et grâce à elle, j'irai quelquefois au travail à Lehesten, le village le plus proche, voire même au-delà. Par cette voie ferrée arriveront, j'espère, les colis et le courrier tant attendus. Chaque jour, une machine à crémaillère, à cause de la rampe très dure, fait la navette entre la gare de Lehesten et l'usine amenant tout au plus deux ou trois wagons.

 

 

FRANÇOIS BUREAU

 

Un jour, en revenant au camp de bonne heure, l'appel nous rassemble tous sous l'horloge. On nous répartit par commando, ce qui demande un certain temps. Une fois affecté au "Kommando Dany", j'ai assez de temps pour regarder autour de moi. A ma grande stupéfaction, presque en face de moi, dans le groupe de six à sept détenus d'un autre "Kommando" je crois reconnaître un visage connu. Je regarde mieux et reconnaît François BUREAU. J'essaie d'attirer son attention quand, soudain, il m'aperçoit à son tour. Il répond à mon signe de reconnaissance, car mon visage lui dit quelque chose, mais il ne m'identifie pas tout de suite.

  

François BUREAU

 

À la débandade de fin d'appel, nous nous précipitons l'un vers l'autre pour échanger quelques paroles à la hâte, car il faut rentrer tout de suite au bloc pour la soupe. Ni lui épuisé par de longs mois de misère, ni moi à jeun depuis deux jours, ne voulons la louper. Il me dit:

 

- J'ai mis quelque temps à te reconnaître, car je ne m'attendais absolument pas à te voir là...

- Moi, je te savais prisonnier bien avant mon arrestation et j'ai vite fait de t'identifier...1ui réponds-je.

 

Je crois lui apporter des nouvelles fraîches de sa famille alors qu'il vient juste d'apprendre la mort de son grand-père. En effet, depuis mon départ, le Docteur BUREAU est décédé au château de la Meilleraie de Riaillé devant l'étang de la Provostière d'où je suis parti il y a maintenant près de quatre mois. Sitôt la soupe avalée, nous profitons du répit d'un dimanche après-midi pour bavarder du pays, de la famille, de nos propres aventures, de la vie du camp et de nos espoirs.

 

La dernière fois que j'ai vu sa mère, elle n'avait pas reçu de ses nouvelles depuis son internement à Compiègne. Depuis lors, il a écrit à sa famille et reçu des colis. Par lui, j'apprends que nous sommes sensés être toujours à Buchenwald dans le bloc 17 correspondant à celui des "Kommandos" détachés. Ainsi, nous ne pouvons faire savoir à quiconque notre position en Allemagne. Tout de suite, je comprends que, si par malheur, nous sommes sacrifiés ici avant d'être libérés, personne ne viendra y chercher nos restes et que les derniers mois de notre vie seront comme "volés" à nos familles (67)... Malgré tout, nous retrouver est une joie profonde et un grand réconfort. Malheureusement, nous allons être vite séparés.

 

(67) C'est ce qui s'est produit pour tant de camarades partis en commando à Buchenwald, Neuengamme, Dachau, etc. où ils sont morts sans qu'on puisse savoir ni où, ni comment.

 

 

 

MON CHEF DE BLOC

 

"Citron", mon "chef de bloc", est le type parfait de la fripouille brutale transformée en garde-chiourme. À Buchenwald les triangles rouges politiques dominants ont évacué le plus possible les "têtes vertes" des droits communs vers les "Kommandos". Du coup, en outre de leur installation sommaire, les commandos reflètent le caractère odieux de la soumission des gens honnêtes à la fripouille "verte".

 

"Citron", ce gros musclé "vert", à la figure poupine et cependant brutale, a la peau couverte de tatouages, le verbe haut et le poing leste. Il est, tour à tour, cauteleux voire serviable, pour obtenir des avantages en matériel ou en nature, puis d'une brutalité sauvage pour nous exploiter. Avec la même brutalité, il sait faire respecter l'ordre, la juste répartition et l'illusion d'un semblant de propriété dans la garde de nos colis et du linge, mais aussi imposer le pillage et la domination du fort sur le faible.(68)

 

LE BLOC 1 ET LE CAMP

 

Le Bloc 1 a deux entrées à chaque extrémité. Près de chacune, un escalier monte à l'étage. À droite en entrant, se trouve la chambre du chef de bloc (Stube) et de ses acolytes, les "Stubendienst". L'entrée donne directement dans le réfectoire muni de tables et de bancs. Dans le fond, à droite, une porte donne accès au dortoir et aux toilettes. Celles-ci situées entre les deux logements leurs sont donc communes. En principe, il est interdit de passer dans l'aile (Flugel) qu'on n'habite pas et il en est ainsi dans tous les camps. Parfois, notre présence est tolérée lorsque nous conversons entre camarades, mais certains "Stubendienst", notamment des Polonais qui ne nous aiment pas, arrivent à repérer un intrus et l'expulsent avec pertes et fracas.

 

Le camp de Laura, d'une superficie d'environ trois mille mètres carrés, est entouré d'une seule ceinture de barbelés électriques comme à Buchenwald, sous la surveillance des miradors. Un simple chemin sans issue sépare le camp de l'habitat des S.S.. Il dessert les bâtiments industriels en contrebas du camp et part de la route et du chemin de fer. Le tout se prolonge vers les carrières d'ardoise où se situe l'usine souterraine.

 

 

LA BÊTE FÉROCE DE LAURA

 

La section des quatre-vingt S.S. qui nous garde, est commandée par un adjudant, "l'Oberscharführer" SCHMIDT secondant le chef du camp (Oberstrumführer) le lieutenant PLAUL. Celui-ci, célèbre pour sa brutalité, sa fourberie et son sadisme, est redouté presque autant de ses hommes que de ses prisonniers et sa triste personnalité marque fortement le camp de Laura.

 

Lieutenant S.S. PLAUL

 

Un jour, dans un mirador, la sentinelle s'est endormie. Voyant arriver PLAUL au loin, quelques détenus essayent par des sifflets de réveiller la sentinelle, mais sans succès. PLAUL s'approche du mirador et y monte comme un chat qui guette une souris. Il réveille la sentinelle en l'engueulant, puis la fait redescendre immédiatement. Quelques jours plus tard, nous apprenons qu'il a fait expédier son compatriote sur le front russe.

 

 Un autre jour, une autre sentinelle "Posten" nous ramène de l'usine. Croyant son service terminé, il tient son arme avec négligence. Je vois, alors PLAUL lui fondre dessus et l'incendier de bêtises, comme tous les juteux du monde. (69)

 

(68) Ici, s'arrêtait la rédaction de mes souvenirs entreprise en 1948/1949. Grâce au plan général établi à cette époque, et aux dates que j'avais notées, je reprends leur récit en cette année 1988. Tant d'années et d'évènements survenus depuis ne me permettent pas de poursuivre une narration aussi détaillée que la précédente.

Par contre, je ne puis éviter de faire référence aux récits nombreux qui sont parus depuis cette époque ainsi qu'aux faits qui sont parvenus à ma connaissance. Malheureusement, de nombreux camarades ont disparus depuis et ma mémoire a laissé échapper bien des détails que je ne retrouverai pas.

69) Ces "hors d'œuvre" peuvent vous donner une idée du type de personnages auxquels nous étions confrontés et vous aider à comprendre des faits beaucoup plus sérieux que je vais relater au cours de mes souvenirs. Des détenus en furent alors victimes. Ces faits douloureux jouèrent un rôle très important dans ma vie concentrationnaire et notamment lors de mes déplacements.

 

 

UNE PREMIÈRE

 

Sous le camp, l'usine souterraine et ses galeries sont creusées dans une ancienne carrière ardoisière. Des chambres y sont aménagées pour y loger du matériel et, plus spécialement, des compresseurs pour l'air liquide, du type inventé par le savant français Georges CLAUDE. Les Allemands y fabriquent de l'oxygène liquide qui, mélangé, à la sortie des tubulures au moment de l'allumage, avec des vapeurs d'alcool sert de carburant aux premiers turboréacteurs des fusées V2.

 

Le lendemain de mon arrivée, je me trouve, pour la seconde fois, dans cette carrière entrevue la veille. Un essai du réacteur de la V2 s'y déroule et j'y assiste (70) :

 

Après une sonnerie d'alarme, au cœur de la carrière, un cône de feu s'allume (71), un vent chaud souffle jusqu'à moi, accompagné de débris d'ardoises qui s'envolent du fond de la carrière et me retombent dessus. Surpris et décontenancé, je m'aplatis par terre, comme pendant le bombardement à Nantes de septembre 43. Ensuite, je me relève, stupéfait par cette démonstration inattendue. Je comprends alors que les Allemands essaient de nouveaux engins de guerre. Sans en connaître l'utilisation, j'imagine qu'ils vont donner du fil à retordre à nos Alliés et retarder la fin de la guerre que j'espère proche.

 

(70) J'ai appris depuis peu que j'avais assisté, ce jour-là, à un des tous premiers essais de ces moteurs.

(71) Comme tout le monde en connaît maintenant.

 

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CHAPITRE II

 

~ MA VIE EN KOMMANDOS

 

MON TRAVAIL

 

Étant étudiant," l' Arbeitsstatistik" me considère comme un travailleur sans spécialité (72). Il m'affecte donc à des travaux lourds, comme au terrassement, auxquels je ne suis évidemment pas préparé. Charger ou décharger du sable, du gravier, du charbon à la pelle, n'est peut-être pas trop dur en soi quand on sait s'y prendre. Comme ce n'est pas mon cas, je trouve ces travaux particulièrement pénibles jusqu'à ce qu'un camarade me montre comment faire. Je manie la pelle et la pioche dans le commando Dany, puis pousse des wagonnets au "Dany Ben Bao". Je décharge aussi des briques et du ciment. On me refile un sac de cinquante kilos sur les épaules et en avant!

 

 Les "Kapos" et "Vorarbeiters" sont sur notre dos tout le temps et crient avec encore plus d'acharnement lorsqu'ils voient poindre un S.S. :

 

- Schnell, schnell!... Vite, vite!...

 

 Par faiblesse, je refile des cigarettes à mon "Vorarbeiter" qui, du coup, me fout la paix. Hélas, ensuite, il ne cesse de me harceler pour en obtenir d'autres alors que je n'en ai plus. Par la suite, je n'échange plus mes « sèches » (73) que contre du pain. Je m'en garde quand même quelques unes pour les fumer avec les copains.

 

Lorsque je pose des câbles pour l'entreprise SIEMENS à proximité des logements du personnel dirigeant de l'usine, je suis alors loin des S.S. Ceci ajouté à la chance de creuser une terre meuble rend ce travail moins pénible. Dans la carrière, le travail dans les schistes ardoisiers est beaucoup plus dur.

 

Monnaies papier de camp

 

 Un jour, l'ingénieur de la Siemens content de notre travail nous fait distribuer quelques marks de camp. Cela représente peu de chose, mais va nous permettre d'acheter de temps en temps une bière ou des betteraves rouges à la cantine. Quand on n'a presque rien à manger, tout est bon!

 

(72) Je l'apprendrai plus tard

(73) cigarettes

 

 

 

LE COURRIER

 

Environ tous les quinze jours, je peux écrire une lettre en allemand à ma famille. Ce n'est pas le cas des N.N. (Nacht und Nebel = Nuit et Brouillard) (74) toujours tenus au secret pendant l'instruction de leur dossier et qui peuvent à tout moment être interrogés à nouveau. À Buchenwald, j'ai eu le droit d'écrire une première carte le 26 février, puis une lettre le 24 mars (75).

 

A Laura, j'ai à nouveau la possibilité d'écrire. Comme pour tous les commandos, mon courrier doit m'être adressé au "Bloc 17 Dora, Arzeingen, etc." ce qui ne permet aucune localisation.

 

Cette lettre que ma famille va recevoir me permet de réclamer des colis et d'espérer en recevoir en retour avec des nouvelles des miens. Ce m'est un grand réconfort moral. Ainsi, j'écris les 3 et 16 avril, les 1er, 14 et 28 mai, le 11 juin, puis le 26 juillet (76). De son côté, à cause de la censure, ma famille doit également avoir recours à un traducteur pour traduire mes lettres et écrire celles qu'elle m'envoie obligatoirement en allemand.

 

Du 2 au 7 mai 1944, je fais un premier passage à Dora, puis repars à Laura où je suis privé de lettres et de colis ( comme je l'apprendrai plus tard, ils sont restés à Dora et n'ont sûrement pas été perdus pour tout le monde). Ma grand-mère et ma tante m'en ont expédié également mais, pour cette même raison, je n'en recevrai qu'un seul.

 

Lorsque je reviendrai en juillet à Buchenwald, je retrouverai mon courrier et mes colis, mais pour une courte durée, car, après, la Libération de la France a tout interrompu. (Par exemple, la Croix Rouge expédia des lettres et des cartes en août, septembre et octobre 44, puis en mars 45 qui ne furent jamais acheminées. Celle du 17 août 1944 me fut retournée à Dora seulement en février 1945.)

 

Lettre à ma mère du 3 avril 1944

Lettre à ma mère du 16 avril 1944

 

Lettre à ma mère du 28 mai 1944

 

Ces relations épistolaires, quoique difficiles me sont très précieuses et lorsque j'en suis privé, et j'en fais la pénible expérience pendant deux mois, j'ai bien du mérite à tenir le coup. À ce sujet, il est important de signaler que cet avantage épistolaire a une contrepartie regrettable, car les Russes, Italiens, Juifs ou Tziganes en sont totalement privés. Dans nos camps, cette inégalité de traitement crée évidemment des rivalités, voire même des haines, ce qui, je crois, n'est pas pour déplaire aux nazis qui nous gardent.

   

(74) Nom donné par les S.S. aux internés dont le procès et les interrogatoires étaient en cours et qui devaient de toute façon disparaître anonymement quelque en soit l'issue.

(75) En faite, celle-ci ne fut jamais expédiée. En conséquence, ma chère Maman ne comprenait pas mon silence: voir les courriers échangés à cette époque avec Mme DEPRIECK., page 56.

(76) Toutes ces lettres parvinrent à ma famille (voir le courrier conservé par Maman).

  

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CHAPITRE III

 

~ UN VOYAGE D'AGRÉMENT~

LAURA - DORA du 2 au 4 mai 1944

NOUVEAU TRANSPORT 

 

Le 2 mai, après l'appel, le tristement célèbre adjudant SCHMIDT nous passe tous en revue et fait son choix pour un transport. Je fais, hélas, partie de la cinquantaine d'hommes choisis.

 

Descendus à l'usine, nous embarquons heureusement à raison de seulement cinquante gars par wagon qu'accompagnent deux "Posten" S.S. Un peu de paille jonche le sol pour nous permettre de nous coucher. Nous n'avons rien à manger ce qui n'empêche nullement les S.S. de casser la croûte sous notre nez. La nuit, il faut rester assis par terre, car nous avons interdiction de bouger ou de nous lever. À cinquante par wagon (au lieu de cent comme dans le voyage de Compiègne à Weimar), je ne manque pas d'air d'autant que la porte reste ouverte presque tout le temps. Par cette porte, j'entrevois les villes traversées comme Leipzig et Halle. Notre transport n'est pas prioritaire puisque nous sommes du bétail humain, c'est à dire moins que rien, seulement du "Mensch-Material". Il en résulte de longues attentes dans les petites gares ou les triages. Nos sentinelles en profitent pour descendre et se dégourdir les jambes, mais nous n'y avons pas droit. Le voyage dure ainsi deux j ours pour atterrir à Dora, près de Nordhausen (77)

  

(77) Par la suite, j'ai pu me rendre compte que, probablement à cause des massifs orientés est-ouest, les communications sud nord n'étaient pas directes.

 

Situation de Dora

 

 

LE CAMP DE DORA

 

Notre convoi s'arrête en pleine campagne. Devant moi, s'étend le fameux massif boisé du "Hartz", vers lequel on nous dirige à pied. Après avoir gravi la colline, dans les bois, nous découvrons une ceinture de barbelés, comme à Buchenwald, des miradors et des pancartes portant la tête de mort indiquant:

 

- gefahren zone - zone interdite, c'est à dire "défense absolue d'approcher sous peine de mort".

 

Après avoir contourné le camp, on nous fait stationner un long moment devant la porte d'entrée, très près des logements S.S. Après cette porte, s'étend une grande place d'appel. À droite, sur la hauteur, j'aperçois les bâtiments administratifs de "l'Arbeitsstatistic", du "Revier", de la douche, de la désinfection, puis, plus haut, dans les arbres, le crématoire.

 

De la place d'appel jusqu'au bout du camp, des blocs en bois sont alignés comme à Buchenwald. À la gauche du camp, toujours comme à Buchenwald, quelques blocs sont construits en dur, notamment la "Effektenkammer" (78). Comme on nous dirige vers la désinfection, de nombreux internés du camp nous demandent de leur confier notre tabac, notre argent et nos objets, car nous assurent-ils: "On va tout vous prendre...". C'est en effet le cas… Après être passé à la douche, on me donne de nouveaux "habits rayés" à peine secs et un nouveau matricule imprimé par un "Stubendienst" sur du tissus portant ma lettre nationale en rouge. Le camp de Dora n'a pas, à cette époque, d'immatriculation propre, car il est rattaché à Buchenwald (79).

 

ACCUEIL

 

Le soir, on me sert une soupe sans pain, puis on me fait coucher à même le sol, sans bat-flanc ni paille, dans un bloc en béton à peine terminé. Certains copains d'infortune n'arrivent pas à dormir. Mon excellent sommeil, entrecoupé toutefois de quelques retournements, me permet une fois de plus, de ne pas trouver cette nuit trop longue.

Le matin, nous sommes ramenés dans la salle de douche et remis à poil pendant presque deux heures. Nous restons debout, attendant la décision des officiers S.S. qui nous examinent à plusieurs reprises. Le fameux SCHMIDT a fait exprès de choisir des hommes peu costauds ou dont l'état de santé ne permet pas un travail très efficace. Les Allemands nous appellent d'ailleurs, avec mépris: des "musulmans" dénotant ainsi leur esprit raciste.

 

Ne nous trouvant pas à son goût, le Commandant de Dora nous réexpédie à Laura. Avec juste une portion de pain et un jus dans le ventre, on nous rembarque dans notre train, pour deux jours de voyage en sens inverse. Le 7 mai, nous revoilà devant SCHMIDT à Laura. Je revois mes camarades avec plaisir. François BUREAU vient le premier me voir au bloc 4 où on m'a momentanément parqué, puis c'est le tour de ROJAS, de Roger GUILLOTIN et des autres...

 

 

NOUVELLE SÉLECTION et ENTRAIDE

 

Jacques THOUVENOT

Jean-Paul GARIN

 

Cet épisode de Dora n'est évidemment pas terminé, car le Commandant PLAUL a ordonné à SCHMIDT de faire une nouvelle sélection. Cinquante nouveaux camarades sont alors expédiés à Dora à notre place. Le malheureux François BUREAU que j'ai été si content de retrouver, l'ami Jacques TOUVENOT (80) et Roger GUILLOTIN sont du transport (81).

 

(78) Le magasin d'habillement

(79) et ce sera le cas jusqu'au début de 1945.

(80) qui se dévoue maintenant autant qu'il peut pour retrouver les anciens de Laura

  

Heureusement pour moi, à Laura, il me reste l'ami ROJAS, Jean-Paul GARIN, le Pasteur BONIFACE, le bon Docteur CLIQUET, Jean ROGER (82), Roger CHAMBON, qui on fait le voyage à Dora avec moi, et Joseph FISCHER (83), mon brave Luxembourgeois dont l'amitié m'est si précieuse.

  

(81) Comme me le dira plus tard Jacques TOUVENOT, les Français y étaient peu nombreux, noyés dans une masse de Russes et de Polonais. Comme René MAHEUX, ils furent dirigés sur le camp particulièrement dur d'Elrich où ils ont beaucoup souffert.

(82) que je n'ai, hélas, jamais revu.

(83) J'ignore à cette date que l'instituteur parfaitement germanophone Joseph FISCHER qui me traduit mes lettres, a tenté d'expliquer au Commandant de Dora, les motifs du choix de SCHMIDT. Comme on le verra plus loin, les Boches ne lui pardonneront pas cette intervention à son retour à Laura.

 

Roger CHAMBON ne reçoit jamais rien, car il n'a pas de famille à qui demander des colis. Dans mes lettres, je demande aux miens de trouver, parmi les amis, quelqu'un qui veuille bien faire des colis pour ce garçon dont je donne le numéro matricule. À cette époque, le ravitaillement est déjà un gros problème en France occupée, faire en plus des colis pour les prisonniers, malgré l'aide de la Croix-Rouge, est un exploit. J'en ai bien conscience. Pourtant ma famille arrive non seulement à m'en envoyer, mais réussit même à répondre à mes demandes pour ce copain (84).

 

Pour toutes ces raisons, je suis en admiration devant les nombreux et abondants colis que reçoit mon camarade Pierre EG0 (85), de Lille (86).

  

(84) Ma famille Lilloise aide beaucoup ma chère Maman, à cette époque. Elle reçoit aussi une aide très efficace de Thérèse CORNOUAILLE. Cette fille très gentille et dévouée du buraliste de Riaillé a gardé mon inscription de tabac (faite quand j'étais a Riaillé) et continue d'expédier mes gauloises à Lille à Maman. Elle y ajoute le ravitaillement trouvé grâce aux amis de Riaillé comme les BRUNET de la Forge. Elle est fiancée à Arsène HARDOU de la Benate, alors prisonnier de guerre, à qui elle fait également des envois. Avant ma captivité, la Benate était un de mes points de ravitaillement en farine et en pain pour la famille. Toute cette solidarité très efficace m'a aidé à survivre. Même si les Boches ont mis main basse sur une partie de ces colis, je rends ici hommage à tous ces amis désintéressés et patriotes.

(85) Et toujours cher ami.

(86) Il devra, malheureusement, lui aussi, tirer durement la langue dans nos derniers mois de captivité lorsque nous fûmes coupés de toute communication avec la France.

 

Pasteur Aimé BONIFACE en 1990

 

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CHAPITRE IV

 

~ SECOND SÉJOUR A LAURA ~

mai - juin 1944

 

COMMANDO WALBRECHT (87)

 

Je retrouve ma place au bloc lA, mais au travail, je suis maintenant affecté au commando "Walbrecht". J'y décharge des briques et du ciment et j'aide souvent les ouvriers maçons allemands qu'on appelle les "Meister". Le plus souvent avec les Polonais, ils travaillent à l'extérieur du tunnel à des constructions de bâtiments secondaires. A cette date, l'activité de l'usine bat son plein. Des wagons arrivent constamment de Breslau88 contenant les tuyères89, que l'on essaie au-dessus de la carrière, et des citernes d'alcool "Brandevine". Bien que ces alcools industriels soient probablement impropres à la consommation, quelques internés allemands ou polonais essayent d'en récupérer pour leur usage personnel.

 

Les arrivages sont de plus en plus nombreux, car il faut construire une troisième plate­forme d'essais. Ces essais sont d'autant plus nécessaires que certaines tuyères sont savamment sabotées et leur démarrage ne se fait pas. Pour construire cette nouvelle plate-forme, nous déchargeons moult wagons de sacs de ciment de cinquante kilos. Une fois, un imbécile de Polonais m'en met deux à la fois sur les épaules, soit cent kilos. Cette charge est évidemment beaucoup trop lourde pour moi et je m'écroule avec mes sacs dont l'un se crève. Je ramasse l'autre et me sauve bien vite.

  

Tuyères de propulsion de V2

Carrière de Laura

 

Le magnifique coffrage de cette troisième plate- forme a des avatars. Pour ne pas interrompre trop longtemps leurs essais de fusée malgré les travaux, les Allemands les réalisent quand même, sur les deux autres plates-formes, en branchant des lances d'arrosage sur les échafaudages de la troisième pour la protéger. Cela ne suffit évidemment pas et le bois de la troisième prend feu. Ceci entraîne un retard de plusieurs jours et l'arrêt des essais. Ce net ralentissement du travail est tout bénéfice pour nous.

  

(87) Responsable des constructions et bétonnage.

(88) Cette ville est maintenant polonaise.

(89) Conduit d'une turbine à gaz dans lequel se produit la détente de propulsion d'une fusée.

 

 

LES SACS DE CIMENT

 

Le plus pénible consiste à décharger des briques en faisant la chaîne à mains nues. Les briques en terre cuite me font déjà mal aux mains, mais les briques en ciment m'arrachent carrément la peau. J'essaye de me protéger les mains avec des chiffons ou des morceaux de sacs de ciment.

 

Une fois vides, ces sacs de ciment me rendent bien des services. L'hiver, j'en garnis mes galoches à semelles de bois quand mes chaussettes de laine, reçues dans les paquets, ou les chaussettes russes, sortes de chiffons triangulaires fournies par le magasin d'habillement, sont si usées qu'elles ne me protégent plus du tout. Je les mets sous ma veste rayée après avoir fait un trou dans leur fond pour passer la tête et les avoir ouverts sur les côtés, pour passer les bras. Comme à mes camarades, ils me font une garniture très protectrice contre le froid.

 

D'autres petites astuces m'aident à vivre, comme ces bouts de fil électrique qui me servent de ceinture pour retenir mon pantalon, à recoudre mes boutons et faire mes lacets, etc.. .(90)

  

(90) Je précise qu'en 1944-1945, les allemands toléraient plus ou moins ces choses, absolument interdites à la création des camps, pour conserver les travailleurs très avantageux dont ils avait réellement besoin.

 

 

LE PETIT MEISTER

 

Le ciment arrive en abondance et remplit les bétonneuses qui travaillent à plein régime. Ce béton est ensuite déversé dans des coffrages construits par le commando de menuisiers charpentiers où dominent des Polonais. Il ne fait pas bon s'en approcher, car ces derniers sont jaloux de leur atelier où ils jouissent d'une certaine tranquillité. Ils s'entendent bien avec leurs "Meisters" et font du trafic de tabac, de margarine et, même, d'argent. Ils ne nous aiment pas à cause de notre défaite de 1940 qui ne nous a pas permis de les sauver des Schleus (91) malgré nos traités d'alliance. Un jour cependant, ils réussissent un coup qui nous fait plaisir.

 

Un "Meister" que tout le monde déteste, arrive chaque jour, en faisant le salut hitlérien et en portant ostensiblement son insigne du parti. Les Polonais le compromettent dans un trafic de margarine et d'argent dont ils informent les S.S. Pris sur le fait, le petit "Meister" nazi est aussitôt arrêté, tondu et habillé en "Haefling, (92), comme nous. Il est bientôt affecté au petit commando, presque exclusivement composé de Français, où Jean-Paul GARIN qui parle couramment l'allemand, fait fonction de "Vorarbeiter". Mes compatriotes lui rendent la monnaie de sa pièce en vociférant continuellement contre lui comme il l'a fait lui-même auparavant.

 

L'ÉVÈNEMENT

 

Cette période est très dure pour moi, car je suis toujours privé de colis et de courrier restés à Dora, mais elle s'éclaire par l'évènement que nous attendons tous.

 

Ceux qui connaissent bien l'Allemand lisent les journaux allemands et conversent aussi avec les contremaîtres "Meisters" qui ne sont pas tous des brutes ( comme celui qu'on appelle "tête de veau" ). Dès le 7 ou 8 Juin, ils nous apprennent le débarquement allié du 6 en Normandie. C'est alors le retour de l'espoir, parfois excessif, car ceux qui croient être chez eux à Noël seront cruellement déçus par la suite (93).

 

LES RUSSES

 

Un soir, après l'appel, SCHMIDT fait rassembler tous les Russes et les oblige à rester au garde à vous, derrière les baraques car certains auraient, paraît-il, chanté le chant des Partisans. Ce sale S. S. les fait arroser à la lance à incendie en les laissant au garde à vous. Pas un ne bronche. Ils font bloc avec une passivité remarquable.

 

            Cette passivité se manifeste en bien des occasions. Elle est, à la fois, un refus de travailler pour l'ennemi et le fruit d'un esprit de solidarité systématique.

 

Lorsqu’une corvée est confiée à un commando où les Russes dominent, le travail n’avance pas. Pour transporter un rail de chemin de fer, un poteau de ciment ou un tronc d’arbre, les « Vorarbeiter » nous répartissent le long de l’objet. Au signal, chacun doit se baisser pour lever la charge. Alors que la répartition est faite en mettant les plus petits en tête et les plus grands derrière, les Russes s'arrangent toujours pour modifier l'ordre établi, de sorte que les plus grands rouspètent, insultent les plus petits, surtout s'ils ne sont pas Russes. Finalement, ils lâchent tout et tant pis pour les pieds de celui qui n'a pas compris la manœuvre assez tôt. Après plusieurs essais de ce genre, le groupe démarre enfin, mais il n'a pas fait dix mètres que l'incident recommence. Comme sabotage du travail, on ne fait pas mieux!

 

Ce comportement, moyen de défense des faibles, est tellement automatique que je l'attribue au fatalisme des Soviétiques autant qu'à leur patriotisme (94), néanmoins je vais en subir les conséquences.

 

 

(91) Nom populaire et péjoratif désignant les Allemands

(92) interné

(93) Je suis parfois surpris quand on évoque cette guerre, par l'opinion de nombreux Français qui n'ont jamais quitté le pays pendant cette période. Pour eux, en effet, la guerre s'est terminée en... 1944!!!!

 

 

LA GIFLE

 

Vers la mi-mai, nous revenons d'une corvée de bois que les Russes ont sabotée comme d'habitude. Le S.S. responsable de la corvée gueule parce que le travail n'est pas à son goût et de rage envoie une gifle à l'interné le plus proche de lui. Mes lunettes volent par terre. Bien que sonné et désarçonné, je reste au garde à vous comme il est de mise en toute circonstance devant un S.S.

 

Il me fait signe de les ramasser et de les lui donner. Voyant qu'elles sont cassées, il les garde et relève mon numéro matricule (95)…

 

Non seulement j'ai été injustement frappé, mais je reste sans lunette avec ma myopie.

 

Merci les Russes!

 

PRISONNIERS DE GUERRE ITALIENS

 

Je ne connais pas beaucoup de prisonniers civils italiens, mais par contre je côtoie des prisonniers de guerre qui, à la suite de la capitulation du Maréchal Badoglio et du Roi, se retrouvent dans le camp avec les Alliés. Les Nazis ne leur pardonnent pas cette trahison en rompant le pacte de l'Axe italiano germano japonais. Aussi, tout prisonniers de guerre qu'ils soient, ils les internent avec nous dans les camps. J'ai déjà vu, à Buchenwald, aux limites du camp, une baraque occupée par les K.G. soviétiques prisonniers de guerre (KriegsGefangenen). Là, ce sont des Italiens ayant gardé cheveux et uniforme qui font piètre figure. Les Allemands les appellent: " italianos macaronis" ou « Badoglio » Ils sont encore plus mal traités que nous et bons pour toutes les corvées et humiliations.

 

Un jour, SCHMIDT en matraque un, puis nous oblige à défiler, au départ du travail, en lui marchant dessus. Tout en restant au pas, j'arrive à passer par-dessus lui sans le toucher. La plupart des camarades réussissent à ne pas lui faire de mal et pourtant le S.S. veille à ce qu'on passe sur lui.

 

En repassant à Buchenwald en juin, je découvre que ces malheureux Italiens sont à leur tour, tondus et revêtus de tenues rayées. Comme cela, il n'y a pas de jaloux! Ce comportement vis-à-vis des prisonniers soviétiques, nombreux à Dora, et italiens, donne une idée du peu de respect des Nazis pour les Conventions Internationales sur les prisonniers de guerre.

  

(94) Depuis la guerre, j'ai pu me rendre compte qu'il avait perduré et fait tache d'huile. En mettant en difficulté l'économie soviétique et celle de ses satellites, il a même débordé dans certains organismes des démocraties dites libérales. Mais, peut-être, suis-je influencé par ces souvenirs?

(95) Sans que je le sache, le S.S. les a envoyées à réparer à Iéna. Je les recevrai fin juillet à mon retour à Laura.

 

 

 

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