ELEMENTS D'HISTOIRE AUTOUR DES FORGES DE RIAILLE (44440)

Présentation

par

Paul TESTARD

Docteur ès Sciences

Maître de Conférences HC-retraité

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Ce document est à usage privé

Il a été conçu pour informer les Riailléens d'une réalité historique les concernant… et qu'ils pourraient ignorer.

Il ne saurait donner lieu à une quelconque opération marchande.

Ce document est constitué pour une très grande part de l'agencement d'extraits de documents déjà publiés. Les principaux sont des ouvrages collectifs: le "Journal de la France" (Gallimard, 2001, 3.408p.) et "Les forges de Châteaubriant" dans les "Cahiers de l'Inventaire" (Ministère de la Culture, 1984, 294p.).

Pour de simples raisons techniques et de lisibilité, les références d'auteurs ne sont que rarement signalées en clair dans le texte, parfois même lors de la transcription directe de documents originaux.

Pour le moins, les documents exploités figurent en Bibliographie.

Notre reconnaissance va vers tous les auteurs qui nous fait découvrir notre propre histoire, spécialement: Madame C. Herbaut, Messieurs J.F Belhoste, N Bouvet, M Buffé, H. Maheux, J. Meyer et feu l'abbé Trochu.

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 Ce document est dédié à la mémoire de mes parents et plus spécialement à celle de mon père,

Polyte TESTARD.

 

1 - LE TEMPS DES ORIGINES : DES GALLO-ROMAINS AU MOYEN-ÂGE

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Le sous-sol ferrifère du Massif Armoricain forme un triangle s'étalant du centre du Finistère jusqu'aux aux confins de l' Anjou, en passant par le Sud à travers la Loire-Atlantique.

Les gisements de minerai de fer armoricain sont affleurants par suite de l'arasement de l'ancien Massif Hercynien. Ils sont nombreux, dispersés et furent exploitables directement avec des moyens techniques les plus simples.

Ce sont les deux conditions essentielles qui ont favorisé l'industrie du fer dans la région bretonne depuis des temps immémoriaux.

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Des observations archéologiques ont révélé qu'à l'époque de la Tène (2nd Âge du Fer, vers 450 av.J.C.), le fer (travaillé) était commun en Bretagne.

Cependant, on considère généralement que c'est à l'époque de l'invasion de la Bretagne par les Romains (vers 57 av.J.C.) que la production du fer s'y est fortement intensifiée.

CESAR lui-même ("La guerre des Gaules") et STRABON [-50 à 25 ap. JC.), le géographe gréco-romain ("Géographie descriptive de d'Empire romain") sont les meilleurs témoins du temps, pour ce qui est de l'existence d'une activité métallurgique bretonne, spécialement dans le pays des Vénètes (Morbihan actuel).

Cependant, ces éminents témoins n'ont pas tout vu. A l'époque celtique (vers le IIéme siècle av. J.C.), existait déjà une industrie du Fer et de l'Etain dans la région d' Abbaretz et de Nozay. Par ailleurs, aux époques gallo-romaine puis médiévale, des traces incontestables témoignent de cette activité dans les environs et à Riaillé même.

Ainsi:

- la présence de monnaies, bronzes ou céramiques gallo-romains dans divers sites miniers de Loire-Atlantique, soit au plus près de Riaillé : à Rougé, Moisdon, Abbaretz et en Forêt du Gâvre.
- la présence de scories gallo-romaines récupérées à la fin du XIXème et au début du XXème siècle, en raison de leur forte teneur résiduelle en Fer (environ 50%).
- la présence de céramiques d'époque mérovingienne dans des tas de scories (sorgnes) anciennes, à la Meillleraie et au Jeanneau (limite Riaillé/Saint-Sulpice des Landes).

Un débat pourrait être ouvert sur la datation de ces traces (hormis les monnaies), dès lors qu'au moment où elle a été faite (XIXème), on avait peu de moyens pour différencier le gallo-romain tardif du moyenâgeux ancien.

Quoi qu'il en soit, entre cette période ancienne que seuls peuvent déchiffrer les archéologues et l'époque d'une histoire écrite, existe un "blanc" documentaire d'environ cinq siècles.

L'absence de documents significatifs n'autorise pas à croire que la métallurgie ait cessé d'exister dans notre région pendant des siècles: globalement entre l'an mille et le 15éme siècle. C'est une période où la plupart des engagements et contrats réglant la vie courante se réglaient oralement. Par ailleurs, depuis des millénaires, la métallurgie du bronze et du fer a accompagné sans interruption le développement des sociétés humaines. Plus banalement, son utilité était quotidienne pour des usages domestiques, agricoles, voire pour la fabrication d'armes de défense.

Il reste cependant des traces infimes de la présence de forges actives dans notre région: l'une au 12éme l'autre au 13ème siècle.

Ainsi, un cartulaire (cartulaire : recueil d'actes, titres, ... d'un monastère, d'un chapitre ecclésiastique.) de Saint-Florent (Saumurois ?) datant de 1146, signale l'existence de forges (bas fourneaux), en différents endroits de notre région, notamment à la Poitevinière et à la Hunaudière (Sion les Mines).

De même, GEOFFROY III, baron de Châteaubriant, au retour de la bataille de Bouvines, [ (1214) PHILIPPE-AUGUSTE régnant) ], fait don d'une forge ambulante aux Bénédictines du couvent de Saint-Malo de Teillay (35). En 1224, le baron demande à la prieure du couvent de déplacer cette forge en forêt de Juigné, afin de protéger sa forêt de Teillay, en cours de déboisement. Les religieuses en reprennent possession l'année suivante "pour y demeurer à jamais pour l'usage d'icelles dames" (cf. M. BUFFE, 1984).

Ces deux documents témoignent aussi de l'esprit d'entreprise des communautés religieuses du temps. En d'autres lieux, les ateliers de forges étaient intégrés au monastère lui-même. On notera qu'en 1084, les Chartreux du Dauphiné utilisaient déjà dans leur forge, un marteau à bascule (ou martinet). Cet instrument de forgeage mécanique n'apparaîtra à Riaillé que quelques siècles plus tard.(Il est probable que l'abbaye de la Meilleraie (fondation vers 1100) ait disposé très tôt d'un fourneau. Le monastère disposait d'un gisement important de minerai sur ses terres et sa possession ultérieure de la forge de Pas-Chevreuil, semble témoigner du souci constant de l'abbaye de pouvoir subsister en totale autarcie.)

D'autre part, le document de 1224 représente probablement le premier cas d'un conflit d'usage entre les "forgerons" et les propriétaires forestiers, fournisseurs de combustible. On verra réapparaître à plusieurs reprises ce type de problème "écologique", entre le XVème et le XVIIIème siècle.

Au total, ces deux documents ne sont que des balises historiques pour d'éventuelles investigations sur le terrain, qui s'apparenteraient à des recherches archéologiques (Appel aux amateurs !).

Malheureusement, à Riaillé, la plupart des traces d'activités métallurgiques anciennes ont disparu, ou bien ont été dispersées ou sont devenues invisibles. Les sorgnes (scories et résidus de vitrification) ont été dispersées, enfouies ou utilisées pour la construction (parpaings),... voire très récemment, en 2000, pour l'empierrage d'un chemin forestier (chemin du Buisson-Robin allant de l'Enclose à l'étang, avec de magnifiques résidus de vitrification (silice) colorés et bigarrés par des oxydes métalliques.).

 Par ailleurs, les résidus des fonderies les plus anciennes (feuilletés) à forte charge ferreuse, ont probablement disparu, du fait de leur forte oxydabilité, dans nos sols forestiers acides. Les soles (bases) des bas fourneaux sont peut-être plus faciles à repérer, mais probablement enfouies sous d'épaisses couches d'humus forestiers.
 

A Ancenis-les-Bois, ne sont repérables à l'œil nu que les foyers récents à charbon (les fouées),. Ce sont des éminences de quelques dizaines de centimètres de haut, rigoureusement circulaires sur quelques mètres de diamètre et qui se signalent par un très faible boisement. Sans doute ces fouées ont-elles été stérilisées par la présence durable de résidus charbonneux.

 

2 - LE XIVème SIECLE : TOURMENTE EN FRANCE ET EN BRETAGNE

A l'heure actuelle, on ne dispose d'aucune documentation sur l'activité des forges au pays de la Mée au cours du XIVème siècle (globalement le Castelbriantais, mais Riaillé s’y rattache pour des raisons à la fois historiques et linguistiques.).

Il est possible d'expliquer ce silence historique par les troubles de toutes natures qui ont marqué ce siècle.

En effet, le XIVème siècle a été une période d'anarchie et de guerres dévastatrices qui ont ravagé une grande partie du Nord de la France, et particulièrement en Bretagne. Il s'agit de la Guerre de Cent Ans. Elle opposa d'une manière récurrente, les troupes royales à une coalition anglaise et bourguignonne. Elle s'est étendue sur les règnes de quatre rois de France, entre 1337 et 1453.

Ce long conflit s'est accompagné de destructions gratuites, d'incendies allumés par les troupes anglaises. La Bretagne était en outre parcourue par des éléments incontrôlés violents et pillards que furent les "Grandes Compagnies".

Ces désordres se sont accompagnés de disette et d'une surmortalité due à la fois à la guerre et au déficit alimentaire. Le pire survint avec une épidémie de peste noire qui s'installa dans le pays à partir de 1348.

Pour illustrer la situation dans notre région on livrera quelques extraits de l'ouvrage de M. BUFFE (pp. 108 & 109, 1984) sur la situation en pays de la Mée :

< < Les Anglais installés dans les places à quelques lieues seulement de Châteaubriant... se livraient dans les campagnes à des incursions accompagnées trop souvent de pillages, voire d'incendies. ... En ces temps troublés, la sécurité était évidemment très relative. Vagabonds de toute sorte, mendiants et estropiés, voleurs et tires-laine, truands et "coquillards" (?) sillonnaient la campagne, sans compter les bandes armées (Grandes Compagnies) que Du Guesclin (1315-1453) rassemblera plus tard (après 1364) pour les envoyer combattre en Espagne. La justice seigneuriale demeurait impuissante contre tous ces malfaiteurs dont souffrait la population. . . > >

Il semblerait que la région de Riaillé ait moins souffert de ces désordres que le district de Châteaubriant. Un semblant de retour à la normale apparaît dès la seconde décennie du XVème siècle, à travers les archives de la Châtellerie de la Poitevinière, telles que C. HERBAUT (1982) nous les a restituées.

 

3 - HISTOIRE DES FORGES DE LA POITEVINIERE AUX XVème ET XVIème SIECLES

D'après l'étude de Claudie HERBAUT (1982). L'activité métallurgique de la Châtellenie de la Poitevinière au XVème siècle. In : Les forges de Châteaubriant. Cahiers de l'Inventaire: Min. Culture: 41 - 53.

Au XVème siècle, la Poitevinière dépendait de la Baronnie d'Ancenis. Celle-ci appartenait à la famille de RlEUX, après le mariage de Jeanne d'Ancenis (1364-1417) avec un Maréchal de France, Jean de RlEUX, dont le fief se situait au Sud de Redon, au bord de la Vilaine.

Il ne subsiste pas de chronique continue de l'activité des forges de la Poitevinière au cours de cette période.

Cependant, les documents exhumés et exploités par C. HERBAUT n'en ont pas moins une valeur inestimable, dès lors qu'ils font entrer le hameau de la Poitevinière dans une histoire lointaine mais bien vivante. Probablement, la plupart des Riailléens n'en ont pas la moindre connaissance.

Les sources documentaires pour cette période sont essentiellement les aveux (Comptes-rendus du châtelain à la baronnie d'Ancenis sur l'état des des terres qu'il détenait l'elle.) et les comptes (Aveux des années 1423, 1452 & 1453. Comptes de 1463 à 1467.) de la Châtellenie.

A Riaillé, au cours du XVème siècle, n'existaient que des fours rustiques ou bas fourneaux. Ils étaient dispersés entre le massif forestier d'Ancenis et des "petits" bois ou taillis périphériques, comme ceux du Buisson Robin, du Bois-Laurent et à proximité de la Ferrière.

Dans le même temps, des moulins à blé et à drap fonctionnaient sur la chaussée de la Poitevinière. Ils exploitaient la force hydraulique des eaux de l'étang, nécessaire au mouvement de leurs instruments.

Les forgerons, eux, installés en forêt, d'une manière précaire au plus près de leurs sources de minerai et de charbon, ne savaient ni ne pouvaient utiliser cette force motrice. La totalité du travail se faisait manuellement, tant pour la collecte du minerai, l'abattage, le bûchage du bois, la fabrication du charbon, la marche des soufflets et le martelage de la fonte pour la transformer en fer.

Nul ne saura jamais par quel moyen ces forgerons avaient appris les propriétés du minerai (limonite) qui se trouvait à leur disposition.., au ras du sol !... ni comment ils étaient parvenus à s'installer dans un "trou" pareil !

On peut concevoir ces forges - dites forges à bras - comme de véritables ateliers, éventuellement mobiles se déplaçant à mesure que leurs ressources de matières premières s'appauvrissaient ou disparaissaient.

Dans l'intervalle 1462 - 1467, on observe une phase de prospérité des forges, dont le nombre passe d'une à quatre et une spécialisation dans leur production.

Leur savoir-faire était remarquable: il leur permettait de produire de la fonte, du fer travaillé (forgé) et des objets usuels, domestiques et agricoles.

Dans les comptes de la Châtellenie, apparaît alors (1462-1467) une spécialisation des fourneaux. Ces comptes recensent une production diversifiée: la forge paellière (poëlles), la sochière (socs de charrue), la paronnière (timons ou barres ?), la forge du maréchal (ferronnerie, serrurerie, fers à chevaux,.. .).

Malgré leur isolement, les forgerons étaient en contact direct et continu avec les receveurs des droits de la Châtellenie. En témoignent les archives de celle-ci.

Les forgerons étaient libres de monnayer leurs produits comme ils l'entendaient. Les ventes d'objets usuels, ferrures, outils,... aux laboureurs de la Châtellenie n'étaient pas comptabilisés et dès cette époque, l'extraction du minerai ne faisait pas l'objet de taxes particulières.

Au XXIème siècle, cette gratuité d'une matière première peut paraître singulière. Elle subsistera pourtant jusqu'à la fin du XIXème siècle!

Le bois utilisé pour la fabrication du charbon provenait de la Châtellenie. Selon les aveux de 1452, la forêt d'Ancenis occupait alors 1.600 ha, soit le double de sa surface actuelle.

Les redevances, en argent et en nature, étaient fixées annuellement et payées par trimestre. Selon les documents d'archives, le paiement du fermage des forges s'effectuait régulièrement ce qui témoigne de la prospérité retrouvée et d'une activité continue de ces forges.

Ces redevances d'affouage(redevance traditionnelle sur le bois prélevé en forêt pour se chauffer.) étaient calculées en fonction de la quantité de bois utilisé pour produire du charbon. Globalement, le prix du fermage était en relation avec le volume - et le poids - des pièces métalliques produites... et en fonction de la quantité du bois utilisé pour les produire.

A la Poitevinière, entre 1463 et 1467, la forge sochière était louée pour une trentaine de livres, la paëllière pour une dizaine de livres, les paronniers, de 75 à 100 sols (deux fois rien); celle du maréchal, pour encore moins: seulement 25 sols.

Enfin en 1465, les comptes font état de l'importation de fer espagnol, dans le droit fil des accords commerciaux du duché de Bretagne avec l'Espagne (traité de 1372). On échangeait des tissus bretons en lin et en laine, contre du vin (déjà!) et du fer espagnol ou basque, de qualité supérieure au fer breton.

Cette acquisition fut destinée au cerclage d'une meule de moulin, nécessitant d'être renforcée par un matériau de qualité, que les forges locales ne pouvaient produire.

Isolée au milieu des bois, on peut concevoir que cette métallurgie était destinée à pourvoir aux besoins de la population environnante et à la Châtellenie, sans ambition marchande au delà de cette Châtellenie. Ainsi, les frais de maréchalerie (barreaux, serrures, clefs, chaînes, clous, coins) destinés à la construction et à l'entretien des bâtiments, moulins, chapelle (Saint-Laurent) étaient soigneusement enregistrés.

Et pourtant. . .

La baronnie d'Ancenis utilisait les produits des forges de la Poitevinière. C'est à la Poitevinière que se fournissait le maître d'hôtel de la baronnie.

En 1465, un lot de 2 grandes poêles avec un trépied puis une paire de broches, ont été facturées à la baronne douairière Jeanne de ROHAN, respectivement pour des sommes de 23 sols 4 deniers et 23 deniers. En 1467, une poêle pour griller les châtaignes, lui sera facturée 6 sols. Dans le même temps, les courriers à son service se faisaient rembourser les fers de leurs chevaux, qui lui étaient facturés à raison de 6 ou 7 deniers la pièce.

Un retour au bonheur à vivre après la guerre de Cent Ans? En toute hypothèse, la multiplication des forges à la Poitevinière à cette époque semble correspondre aussi à un souci de confort domestique affiché par la baronnie.

Un peu plus tard, vers la fin du siècle (1479 et 1495) il est avéré que du fer ouvré fut exporté vers Ancenis: son prix a varié de 6 à 8 deniers bretons (un denier breton valait 0,83 denier tournois. . .. utilisé dans le royaume de France.) la livre. A titre de comparaison, une course à cheval à Ancenis valait environ 15 deniers.

 Les problèmes d'écologie apparaissent déjà. En 1466 et 1467, le châtelain Pierre FRESNAY explique le chômage des forges par l'épuisement des ressources de bois. En 1470, les 6 forges existantes sont mises à nouveau en chômage. Cet arrêt est dû à nouveau au manque de combustible. Cette situation a conduit à une réglementation de l'abattage des arbres en forêt de la Poitevinière.

A partir de 1470, le baron d'Ancenis soucieux de préserver sa forêt, interdit l'abattage des jeunes arbres et la baronne douairière Jeanne de ROHAN interdit au châtelain de vendre du bois sans sa permission. Cette crise se répétera entre 1495 et 1503 lors de la construction d'une maison pour le baron d'Ancenis et l'édification de la chapelle Saint-Laurent (1499-1501). C'est le second conflit d'usage qui nous soit connu, opposant propriétaire et exploitant des bois.

Par ailleurs, les troubles du temps en cette fin de XVème siècle ont perturbé la vie rurale. Ainsi, en 1490, Guillaume RAOUL rapporte la destruction pour fait de guerre, d'une forge de la Poitevinière, affermée à la famille BOULAY.

La fin du siècle est marquée par une guerre franco-bretonne initiée par le roi Charles VIII, tels l'entrée non protocolaire du roi à Nantes le 27 mars 1491, le siège de Rennes (14/11/1491), l'acceptation par les états de Bretagne du mariage de la jeune duchesse Anne avec le roi, ce mariage conclu aussitôt (le 5 décembre) et la mise sous la tutelle du roi du duché de Bretagne, en attendant son rattachement définitif à la couronne royale (en 1532).

Il y a-t-il un rapport entre ce conflit, et la situation précaire de la châtellenie de la Poitevinière en 1489 par suite de l'insuffisance des recettes sur les revenus des forges détruites par les armées royales et aussi par le manque de main d'œuvre qualifiée ?
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Plus précisément, que s'est-il passé en Bretagne à cette époque ?

 C'est la Période la plus tourmentée et la plus violente dans les relations entre le duché de Bretagne et le royaume de France, soucieux d'agrandir son domaine et de vassaliser les provinces jouissant d'un droit coutumier et d'une relative indépendance vis à vis du pouvoir royal.

Pendant près de 40 ans (1465-1532), le duc de Bretagne FRANCOIS II très soucieux de préserver l'indépendance de sa province, s'opposera à la prétention de 2 rois successifs [ LOUIS XI et CHARLES VIII] de rattacher la Bretagne au Royaume de France.

 Louis XI (1423-1483, régnant de 1461 à 1783) fit le premier acteur de cette guerre "civile': appelée parfois la "guerre de succession de Bretagne".

 C'est François II qui engage le premier les hostilités en avril 1465, en s'alliant aux pires ennemis de Louis Xl Ce sont deux prétendants au trône: le duc de Bourgogne, connu sous le nom de Charles le Téméraire et le propre frère du roi, Charles de France.

La meilleure défense étant d'attaque!; le duc tente d'envahir la Normandie (1467), François II subit les représailles de Louis Xl En 1468, la Bretagne est envahie par les armées royales.

Ce premier épisode de la guerre franco-bretonne se terminera par une paix (provisoire) signée à ANCENIS, le 20 septembre 1468.

Les hostilités reprennent le 25 octobre 1472 et François II doit conclure une nouvelle trêve avec Louis Xl

 Après la mort de Louis XI, en 1483, lui succède son fils Charles VIII âgé de 13 ans. La "guerre folle" va reprendre. Pendant la jeunesse de Charles VIII, François II entre à nouveau dans une conjuration antimonarchique

La guerre reprend et les Français s'emparent d'abord de la ville de Châteaubriant le 24 avril 1488, d'Ancenis le 20 mai suivant, puis de plusieurs villes du Nord de la Bretagne.

 Au final, le 20 juillet 1488, le roi Charles VIII déchoit le duc François II de ses prérogatives en l'accusant de lèse-majesté et proclame duc de Bretagne Louis II d'Orléans, le futur Louis XII

 Le 9 septembre 1488, le vieux duc meurt après 30 ans de règne.

 Sa fille Anne héritière du duché, sera sacrifiée (avec la complicité des Etats de Bretagne) à la raison d'Etat.

Le retour à la paix s'instaurera après le "démarriage" de la duchesse Anne d'avec le gendre de Charles le Téméraire puis ses "remariages" successif; avec deux rois de France: le 6 décembre 1491 avec Charles VIII, puis avec son successeur, Louis XII. Celui-ci la fera couronner reine de France le 18 novembre 1504. Il faudra toutefois attendre septembre 1532 pour que la Bretagne soit rattachée au royaume de France.
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 Marcel BUFFE (1984) (op. cil. pp. 175-190) a décrit en détail et d'une manière passionnante les péripéties de ce conflit (mais sans datation précise) tel qu'il s'est déroulé entre Châteaubriant et Ancenis.

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Ces deux cités représentent des positions stratégiques, aux confins du duché, pour le défendre contre les incursions du voisin, ... en l'occurrence, le royaume de France !

Le duc de Bretagne, François II en est tellement convaincu, qu'il accorde en 1464, puis en 1476 des subventions pour la fortification de la cité de Châteaubriant. En outre, lorsque son conflit avec Louis XI est engagé, le duc de Bretagne y concentre quelque temps jusqu'à 10.600 hommes de guerre et quelques pièces d'artillerie.

Lors de leur première incursion, les troupes royales s'emparent d'Ancenis, mais contournent prudemment Châteaubriant pour aller s'emparer de la Guercheen passant par Riaillé (?).

Après un semblant de soumission au roi, en signant le traité de Senlis (29 septembre 1475), François II voit surgir en1483, après la mort de Louis XI, une opposition bas-bretonne à sa politique, opposition largement minoritaire, mais conduite par le maréchal de Rieux, baron d'Ancenis et la baronne Françoise de Châteaubriant. Les opposants se réfugient à Ancenis, dans le ,fief du maréchal de Rieux.

François II lève une armée contre ses opposants. Elle se rend à leur rencontre à Ancenis où les ennemis se réconcilient. Ce n'est pas tout à fait la "Guerre des boutons': mais de Rieux et Françoise de Châteaubriant sont ainsi autorisés à faire n'importe quoi, selon leurs ambitions du moment.

D'un ralliement de façade à la cause bretonne (1486), ils reviennent à un soutien au pouvoir royal, par le traité de Châteaubriant, en échange de la paix dans leurs baronnies, tandis que François II reprend sa "croisade" antimonarchique. Dupés par le roi Charles VIII, les deux compères, assistent à une nouvelle offensive des troupes royales (1486) qui s'emparent de Vannes et de 3 villes du Nord de la Bretagne.

Après 6 semaines de combat, les troupes royales se retirent à Joué-sur-Erdre, où se retrouvent le 13 août 1486, la Régente Anne de Beaujeu, son frère et le duc de Bourbon. Venues du Nord, leurs troupes sont renvoyées vers le Nord pour s'emparer de Dol !

De Rieux et sa complice Françoise de Châteaubriant ont cru comprendre où se trouvait leur intérêt et se rallient à nouveau au duc de Bretagne et pendant ce temps là les hommes de guerre circulent à travers le pays !

François II a reconstitué ses forces. Charles VIII  perd Ancenis, Châteaubriant et Vannes repris par les Bretons.

Charles VIII inquiet, réunit à Tours en mars 1488 une troupe de 12.000 hommes de guerre et une artillerie importante.

Le siège de Châteaubriant commence à partir du 15 avril 1488. Il dure 9 jours et se termine par la reddition de 1.200 guerriers bretons et gascons au service du duc François II, puis par la destruction de toutes les constructions de défense de la cité et l'incendie de la cité. Le 20 mai 1488, les Français s'emparent d'Ancenis.

Après une seconde défaite à Saint-Aubin-du-Cormier (35), François II se soumet et s'engage par le traité du Verger (près de Sablé sur Sarthe) à ne plus accepter de concours étrangers et à ne plus chercher à marier ses deux .filles, sans le consentement du roi.

Dans son testament, le duc de .Bretagne désignera le maréchal de Rieux et sa complice en "magouilles': Françoise de Châteaubriant, respectivement comme gouverneur et gouvernante de sa .fille aînée, la jeune duchesse Anne. Comprenne qui peut ! Après la mort du duc (14 septembre 1488), de Rieux continuera son parcours de guerrier opportuniste, mais malfaisant en assiégeant Guérande puis Brest.

En ces temps là, les hommes de guerre voyageaient à pied ou à cheval. Ils étaient encadrés de manière laxiste et n'étaient pas indifférents aux tentations de rapine qui leur étaient offertes au cours de leurs pérégrinations. ... et le trajet le plus court entre Ancenis et Châteaubriant passe par Riaillé ! 

Et que pensaient de ces querelles seigneuriales, les paysans du pays de la Mée ?
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Et que sait-on de la vie des forgerons de la Poitevinière, vers le milieu de ce XVème siècle ?'

Peu de choses en réalité sinon quelques traces de leur existence et de leur façon de travailler.

Dans la période 1463-1467, on dénombre dans les comptes de la Châtellenie, la présence d'une dizaine de forgerons à la Poitevinière. Quelques noms apparaissent dans les textes: le maréchal Jehan Rouvillel (1465), les forgerons Olivier Mastilleul (1465), Guillaume Moreau (1465) et Jehan Segnin (1466).

Ces forgerons sont des fermiers de la Châtellenie et les interlocuteurs directs du receveur. Ils sont en même temps des "contremaîtres", responsables des équipes d'ouvriers, réunies sur les aires des forges. Il semble que ce personnel ait été permanent.

Par ailleurs, cette activité a pu être le fait d'une même famille. Pendant 25 ans, de 1466 et 1491, cinq membres de la famille Boulay sont forgerons. A la mort du dernier de la lignée en 1491, c'est sa veuve qui reprend la forge de la Ferrière.

Ces forgerons semblent avoir bénéficié de revenus convenables dans l'ensemble, sans doute supérieurs à ceux des paysans des alentours. Ils possédaient du bétail de trait pour le transport des matériaux et exploitaient le miel et la cire de leurs ruches.

Il est probable toutefois qu'ils aient connu des périodes difficiles, lorsque la Châtellenie prit des mesures restrictives concernant la fourniture du bois (mises en chômage de 1466, 1467, 1470.) et à la suite d'exactions commises lors d'opérations militaires (destruction d'une forge neuve à la Poitevinière, signalée en 1487 au cours de la guerre de Succession de Bretagne.)

 Quant au sort des ouvriers, on en sait encore moins. Dans un rapport de 1466, on apprend que le chômage d'une forge paellière pendant un an et demi, s'est accompagné de la mort et du départ d'ouvriers.
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Une fois terminée la calamiteuse guerre de "Succession de Bretagne", en 1488, d'importants travaux sont entrepris dans la Châtellenie de la Poitevinière (de 1494 à 1505).

Ainsi, les chaussées et étangs de la Poitevinière et de la Provostière sont réaménagées; les moulins sont modernisés, une cheminée est construite au moulin de la Poitevinière. Ces investissements annoncent une transformation radicale de l'activité métallurgique à la Poitevinière.

Malheureusement, les sources documentaires font défaut pour la décennie suivante: 1505-1515.

Néanmoins, c'est dans cette décennie: 1505 -1515, que l'on doit situer la construction d'un
haut-fourneau à la Poitevinière et celle d'une forge d'affinage (*) à la Provostière.

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(*) affinage =  transformation de la fonte en fer par martelage à chaud, à l'air libre.
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Ceci suppose la mise en place d'une technique en deux temps.

On passe par une seconde fusion de la fonte. Ceci nécessite de pouvoir atteindre une température plus élevée que dans les bas fourneaux pour atteindre le point de fusion de cette fonte. Cette élévation de la température est obtenue par une aération active et puissante (avec des soufflets mécaniques). Enfin, on mêle au minerai, en proportion fixe (3,5%) du carbonate de calcium provenant de la castine (de l'allemand Kalkstein , littéralement: pierre à chaux.) afin d'abaisser le point de fusion du minerai et d'obtenir une meilleure séparation entre le fer et la gangue siliceuse qui l'accompagne.  La fonte est un mélange de fer et de carbone, celui-ci y est inclus en proportion significative. Le carbone confère à ce matériau sa résistance à la compression, mais le rend cassant, .fragile et non ductile. La production du fer "métal" consiste à réduire au minimum (par oxydation), la teneur en carbone du matériau. Puis on le martèle à chaud et à l'air libre. Ce procédé rustique de décarburation de la fonte perdura jusqu'à la seconde moitié du XIXème siècle.

En témoigne un document de 1515 (FRANCOIS 1er régnant). Les moulins sont affermés pour 200 livres par an, à un "Maître de Grandes Forges" (Ce titre survivra jusqu'au début du XXème siècle.) et sont installées sur les chaussées. Ils utilisent la force hydraulique du réservoir de la Poitevinière pour actionner un martinet (marteau mécanique dont le mouvement est entretenu par un courant d'eau.) et sans doute des soufflets.

Ceci implique inévitablement le recrutement de techniciens accoutumés à la maîtrise des haut fourneaux, en provenance de régions voisines plus avancées, comme la Normandie. Parallèlement, on relève une augmentation considérable de combustible: celle-ci apparaît dans un bail de 1526.

Cet épisode "historique" du développement des forges de Riaillé se signale par une augmentation quantitative de la production de fer, sans doute aussi par une amélioration de la qualité des produits et leur diversification, en particulier avec la maîtrise du moulage de la fonte et pour ces diverses raisons un élargissement de leur marché, en particulier vers le commerce des engins de guerre. C'est ainsi qu'en 1529 est signalée pour la première fois une livraison de 260 boulets de canon à l'arsenal de Rochefort, par ailleurs lieu de résidence du baron d'Ancenis du moment.

Selon C. HERBAUT (op. cit.)...«cette évolution était en fait entièrement dépendante de la politique du baron d'Ancenis, véritable maître des lieux. Ce n'est que l'attraction d'une production militaire (artillerie) qui décida le baron à soutenir l'installation et le développement de nouvelles techniques de forge sur la Châtellenie, permettant de sauver l'activité métallurgique sur ses terres.»

Cependant, la modernisation des forges de Riaillé au début du XVIème siècle, se situait dans une phase d'évolution de la métallurgie européenne et française qui avait démarré au XIVème siècle. Les raisons en sont probablement multiples: peut être une évolution positive de la démographie et de l'économie générale ou bien la conséquence de la transmission de procédés plus avancés, venus de l'Est européen et l'industrialisation - fût-elle modeste - de la guerre, avec la participation accrue de l'artillerie aux combats et l'armement des marines marchande et royale.

Cet essor de la métallurgie française s'est accru au XVIème siècle. Vers 1540, on estime à 460 le nombre de forges du royaume, dont 400 avaient été construites dans les 50 ans précédant cette date.Pendant ce temps, en Bretagne au moins, des forges à bras continuaient de fonctionner.
 

Que représentent les forges de Riaillé dans cette évolution générale ?

Sûrement une réelle précocité en Bretagne, encore plus évidente dans le pays de la Mée. Les grandes forges de la Hunaudière de Pouancé , de Moisdon, Martigné et autres, n'ont été construites que dans la seconde moitié du XVIIème siècle (entre 1660 et 1670, probablement).

La position géographique de Riaillé inséré dans le bassin de la Loire, à proximité de l'embouchure du fleuve, accessible au plus près par le port (oublié) de Nort-sur-Erdre, a peut-être été l'un des facteurs déclencheurs de la décision de la part d'un baron d'Ancenis particulièrement entreprenant, mais réaliste, d'investir à Riaillé.

Imaginons ces convois de charrettes à boeufs se rendant de Riaillé à Nort sur Erdre, par les chemins, le chargement du fer sur des gabarres et leur dévalaison sur l'Erdre puis sur la Loire, en direction des barges royales de la Basse-Loire (Indret). Nous n'avons pas rêvé, il ne pouvait en être autrement. .. au XVIIème siècle !

Le XVIIème siècle recouvre le règne de 6 rois dont les plus entreprenants sont FRANCOIS 1er (1515-1547) et HENRY IV (1589-1610) et le plus fantaisiste, HENRI III (1574-1589). C'est une époque où les rois de France LOUIS XII et FRANCOIS 1er ont des vues territoriales sur l'Italie, loin de la Bretagne ! Le plus mégalomane sera FRANCOIS 1er. Il osera affronter l'empereur CHARLES-QUINT pendant une vingtaine d'années, del521 à 1544, au détriment des finances du pays.

FRANCOIS 1er fut le premier à utiliser l'artillerie dans les combats en rase campagne. Sa contribution à la bataille de Marignan (1515) fut décisive. Cependant, le roi n'y disposait que de canons, mais de ...fauconneaux mobiles, de petit calibre. Ce règne sera traversé par des catastrophes naturelles répétées; successivement, en 1521, avec une disette à Paris et dans la plupart des provinces; en 1524, avec une nouvelle disette due à la sécheresse, accompagnée de brigandage et en 1531, une véritable famine dans le royaume.

Faut-il voir une relation entre ce changement de stratégie militaire et la première commande de boulets de canon (260 exemplaires) adressée en 1529 à la Châtellenie et destinée au port de Rochefort ? Il est plus probable que cette livraison ait été destinée à la manne.

En France, la seconde moitié du XVIème siècle a été marquée par des guerres civiles que constituent la révolte des Princes contre les rois du moment, concrétisée par la Ligue et quatre guerres de Religion marquées par des violences extrêmes contre les protestants [(cf  le massacre de la Saint-Barthélémy (août 1572), le siège de la Rochelle (novembre 1572 - juillet 1573)], enfin, par l'accès tourmenté du roi de Navarre au trône de France sous le nom d'Henri IV.

En vertu d'accords croisés entre les diverses factions et les pays voisins, des troupes hollandaises et espagnoles interviendront dans ces conflits. Ce double conflit, de nature à la fois dynastique et religieux, se déroulera partiellement à Paris et autour de places fortes protestantes, dont la plus proche de nous est La Rochelle.

Dans un premier temps, la Bretagne restée fidèle à la monarchie en place, échappe à ces tourmentes, mais le 28 octobre 1590 des troupes espagnoles appelées en renfort par le gouverneur de la Bretagne, un ligueur obstiné, le duc de MERCOEUR (Philippe Emmanuel de Lorraine, duc de MERCOEUR, ligueur, issu de la branche cadette des Lorraine, prétendant au trône, et titulaire de la baronnie d'Ancenis.) débarquent dans le Nord de la Bretagne et s'y installent. En 1593, les Etats de Bretagne lèvent des troupes aux Pays-Bas pour résister au duc de Mercoeur.

Le Maréchal de COSSE-BRISSAC, nommé gouverneur de la province par les Etats de Bretagne en 1596 à la place de Mercoeur, aura un rôle décisif dans sa soumission. Elle interviendra le 20 mars 1598 avec le traité d'Angers. Mercoeur renonce au gouvernement de Bretagne, s'engage à remettre au roi HENRI IV moyennant une prime de ralliement considérable, la ville de Nantes et son château, en échange du mariage de la fille du duc, Françoise de LORRAINE,  alors âgée d'à peine 6 ans, avec l'aîné des bâtards du roi, César de VENDÔME qui devient à son tour gouverneur de Bretagne.

Le duc de MERCOEUR était titulaire de la baronnie d'Ancenis: son gendre César de VENDÔME, lui succédera à sa mort en 1602 et deviendra le "patron" des forges de Riaillé, en copropriété avec son épouse. Au début du XVIIème siècle, on retrouvera ces deux personnages et Marie de LUXEMBOURG, la veuve de Mercoeur, dans la chronique des baillages des forges de Riaillé,.

La publication de l'Edit de Nantes, le 30 avril 1598 en accordant des droits aux protestants, met fin provisoirement aux conflits religieux qui avaient assombri tout le cours du XVIème siècle. Enfin, par la paix de Vervins (2 mai 1598), l'Espagne restitue les villes dont elle s'était emparée dans le Nord de la Bretagne.

 

4 - LA SIDERURGIE RURALE EN LOIRE- INFERIEURE, AUX XVIIème ET XVIIIème SIECLE

 

4.1 - Considérations sur les Forges de Riaillé dans la première moitié du XVIIème siècle (*)

Les sources documentaires qui accompagnent l'histoire de la gestion des Forges de Riaillé depuis le début du XVIIème siècle jusqu'à leur fermeture sont assez nombreuses.

Le "pas de temps" moyen qui les sépare au cours des XVIIème et XVIIlème siècle est de d'ordre de 8 ans. Ce sont des contrats de nature diverse où dominent très largement les contrats notariés d'affermage; les noms et fonctions des contractants et le montant des redevances y figurent. Il s'y ajoute ici et là, des informations sur des projets d'acquisition foncière ou immobilière, ou des comptes-rendus de difficultés financières et matérielles imprévues.

De toute évidence "on a changé de siècle" : un réel formalisme administratif s'est instauré! Par ailleurs, la relative abondance des informations autorise une assez bonne reconstitution de l'histoire administrative et financière des Forges. Cependant, il ne faut pas se bercer d'illusions, aucun intervenant n'a laissé de "Mémoires".

On ne peut attendre de ces actes notariés que quelques éléments de sociologie concernant les fermiers. A quelques exceptions près, ils ne nous apprennent rien sur la vie personnelle des intervenants encore moins sur la vie quotidienne sur place. De ce fait, on regrettera que les archives des Forges de Riaillé soient disparues. On espère pouvoir les exhumer un jour.

Voici un résumé de l'article de Jean MEYER, in : Les Forges du pays de Châteaubriant (op. cit.) : 61 -71.

< <... La série de contrats d'affermage qui débute en 1609 (N.D.L.R., en 1600), fait apparaître une remarquable stabilité sur plus d'un demi-siècle des contractants en présence. Les propriétaires restent les mêmes.

D'abord Marie de LUXEMBOURG, veuve en 1602 de Philippe de LORRAINE, duc de MERCOEUR. Elle était célèbre par son immense richesse, sa beauté et son intelligence. Elle était propriétaire en titre de la baronnie d'Ancenis (et des Forges), après l'avoir achetée à Charles de LORRAINE, duc d'Elbeuf (+ 1605).

Sa fille Françoise de LORRAINE (1592-1669), épouse (à 6 ans) sur ordre royal, un fils adultérin d' HENRI IV : un battant: César de VENDÔME. Ce mariage concrétisé en 1609 (à 17 ans), fut marqué par de profonds désaccords.

Elle intentera un procès à son époux en 1649. Louis XIII (ami d'enfance de César de Vendôme, v..) l'exila quelques temps. Dévote, Taillement des REAUX et le cardinal de RETZ la décrivent comme très sotte, mais très soucieuse de ses droits de propriété. Elle refusa d'avaliser la vente de la baronnie d'Ancenis, engagée en son absence par son mari impécunieux (sous l'Ancien Régime un contrat notarial, était nul en l'absence de la signature de l'épouse ou du dépôt à terme échu (8 jours) de sa procuration.). Par ailleurs, les LORRAINE-MERCOEUR-VENDÔME, étroitement liés à la famille royale seront pourtant opposés à la politique absolutiste du royaume, pendant toute la première moitié du XVIIème siècle (v…).

Jacques BELOT, marchand à Ancenis a des liens familiaux avec Pierre PARIS et avec les frères MONTULLE. D'après l'acte du 03/01/1639, l'un des deux frères Montullé est sieur de la Fenderie, tandis que l'autre frère François Montullé, sieur de Mellevile, habite quai de la Fosse à Nantes. Quand P. PARIS meurt sans descendance légitime, les Montullé font partie du grand négoce nantais. Plus intéressant, les Montullé sont apparentés à la famille DES CAZAUX dont proviendra le célèbre armateur DESCAZAUXdu HALLAY.

Ainsi, les forges de Riaillé se retrouvent étroitement mêlées à la montée en puissance d'une des plus grandes familles du grand négoce nantais.

Dans ce contexte visiblement, certains se sont évertués pour s'enrichir.

La première moitié du XVIIème siècle passe pour avoir été une époque de médiocre développement économique. On oublie un peu vite que les guerres qui ruinent les uns, enrichissent les autres. Encore faut-il relativiser les choses.

L'armée de terre n'offre pas la grosse clientèle que l'on croit. L'artillerie engagée dans les batailles du temps reste très médiocre: par exemple, à Rocroi (1643) n'étaient engagées que 24 pièces d'artillerie. Sous RICHELIEU (min. de LXIII/ 1624 -1642), les vaisseaux royaux n'ont au total que 1.000 canons de toutes espèces.

Le gros client potentiel est la Marine et Riaillé est bien placé par sa proximité avec Nantes. La marine marchande constitue le client le plus intéressant: les navires d'un tonnage supérieur à 50 tonneaux (un tonneau = 2, 83 m3) emportent des canons.

Il est évident... que les commandes militaires ont leur part dans l'essor des forges de la baronnie d'Ancenis. Pierre PARIS semble avoir été d'un des munitionnaires de Richelieu. (boulets pour d'armée l'Allemagne, par exemple)... Que représentent les commandes (au début du XVII ème siècle) dans le développement de la métallurgie locale?.. Le 22 décembre 1637, les associés PARIS, MONTULLE et Galais BELOT afferment auprès de l'abbaye de la Meilleraie, un lieu pour y faire construire des forges. Un fourneau sera construit au Pas-Chevreuil. En 1639, ces 3 associés décident de convertir en forge un moulin à tan (participation au tannage du cuir) qu'ils viennent d'acheter à la Vallée.

En tout cas, les événements politiques (Guerre de Religion violente dans la décennie 1620-1630, en particulier le siège de la Rochelle (1627-1628) n'ont pas influencé l'activité des forges. Les fermiers achètent, terres, portions de forêts, prés et emplacements de moulins....

Ceci prouve que la fonction de maître de forges était rentable, sans que l’on puisse relier leur enrichissement à des commandes militaires, d'autant que les produits issus des forges de Riaillé étaient de qualité ordinaire, ... en principe voués principalement à usage domestique... Entre les dernières décennies du XVIème et la première moitié du XVIIème siècle, le nombre des objets usuels en fer augmente significativement chez les paysans. Ils sont considérés comme des objets précieux, au point que menacés d'être pillés par la soldatesque, ils emportent ces objets en fer, lorsqu'ils se réfugient dans les forêts...

Quant aux propriétaires, les VENDÔME, la location des forges est intéressante, mais non primordiale. Par exemple, en 1609, la location des forges de la Poitevinière constitue un revenu annuel de 2.400 livres pour un revenu total de la baronnie de 12.000livres. Cependant, un tel montant était insignifiant en regard des revenus de Madame de VENDÔME, soit entre 1 et 2% au plus, des revenus de la duchesse,...

La situation des fermiers locataires) et de leurs associés, est plus complexe et faute de documents, échappe à l'analyse. Il convient de distinguer nettement les deux cas: celle du maître de forges qui s'occupe presque exclusivement des forges (et n'a pas d'autres revenus ?) et celui de ses associés. Ainsi, les MONTULLE comme les DES CAZAUX  (associés à P.PARlS, cf....) sont d'abord des négociants dont la participation à la production métallurgique, est une activité parmi d'autres....

L'activité de maître de forges enrichit quelques individus, mais elle n'est que l'un des éléments de l'enrichissement et de l'ascension sociale d'un groupe restreint de parents très étroitement liés entre eux. A la vérité, la forge exige des disponibilités financières importantes, d'autant plus que l'attitude des VENDÔME, comme celle de toute la haute aristocratie française (entre les mains de laquelle se trouvera l'essentiel de la propriété de la métallurgie, jusqu'en 1789) est celle de seigneurs haut-justiciers, peu soucieux de s'engager eux-mêmes dans le "détail" de l'économie... Ils profitent d'un capital investi de longue date, qu'en fin de compte ils n'ont pas besoin d'entretenir, puisqu'une très large part de cet entretien revient aux fermiers. Mieux, les forges situées aux limites septentrionales de la baronnie d'Ancenis, - (très isolée, d'accès difficile et dénuée de toute autre activité économique) - constituent le seul moyen de valoriser des propriétés de valeur assez médiocre.

Cela ne va pas sans problèmes pour les exploitants. Le bois est une denrée (sic !) qui se raréfie, la mine se trouve parfois dans des endroits disputés entre des forges concurrentes, voire la délimitation des propriétés fait d'objet de contestations... C'est donc le capital de négociants qui vient suppléer à l'insuffisance de l'investissement des propriétaires. Ce capital provient - sans doute - en partie des bénéfices de la vente des fers, mais plus sûrement des activités non métallurgiques.

Au plan sociologique, se font face: d'un côté, une haute aristocratie, proche de la famille royale (mais politiquement engagée contre elle), riche à millions ; de l'autre, une bourgeoisie d'affaires, en cours d'ascension sociale, mais dont la richesse se situe en dessous d'un seuil de 100.000 livres.

Enfin, l'industrie métallurgique est étroitement imbriquée dans le monde du terroir, alors que socialement ses moteurs appartiennent à des mondes très différents. Elle apporte au monde paysan un complément de travail et de ressources, particulièrement bienvenu en période de "chômage" (! ) paysan.

Au final, la documentation notariale est nécessairement le reflet de ce qu'elle même a de très partiel. Elle s'avère extrêmement intéressante en matière sociale, mais reste comme le plus souvent, très décevante en matière de technique et de commercialisation des produits. ».

4.2 - Le support logistique et économique: la forêt.

«Au temps de la sidérurgie au bois, d'un strict point de vue économique, la fonte était un produit dérivé, beaucoup plus de la production forestière que du minerai proprement dit (J.F.B. et H.M).».

Ce dernier était considéré comme dépourvu de valeur marchande. L'achat du bois sur pied surtout et toutes les opérations conduisant à la production de charbon, représentaient presque toujours plus de la moitié du prix de la fonte. La présence de forges dans un domaine entraîna une utilisation nouvelle de la production sylvicole et souvent une valorisation des patrimoines forestiers.

Par ailleurs, lorsque la part de l'affouage est connue, celle-ci représente souvent plus des deux tiers du montant total du loyer. Ainsi, en 1614, le bail de la Poitevinière compte 1.200 livres pour l'usage des installations contre 2.400 pour la livraison de 4.000 cordes (1 corde = 3,7 stères à cette époque) de bois. Autre exemple: à Moisdon en 1689, le loyer de 4.500 livres de la coupe d'une quarantaine d'hectares de futaie représente plus de la moitié de l'affermage total qui est de 8.000 livres. Un peu plus tard, en 1774, à la Hunaudière (Sion-les-Mines), on relève une plus grande disproportion entre ces deux éléments: 18.910 livres pour l'affouage contre 5.090 livres pour les installations.

A Riaillé, ce bail de 1614 concédé à L. Duchenay, prévoit la fourniture sur 7 ans, de 4.000 cordes de bois, tirées d'un massif forestier estimé à 860 ha (forêt d'Ancenis).

Que représente ce contrat pour ce qui est de l'impact de ce prélèvement sur le domaine boisé ?

Pour en savoir un peu plus, on a utilisé les données de base fournies par Belhoste et Maheux (1984, op. cit. p.98) en les adaptant à la situation de Riaillé en ce début du 17ème siècle.

De toute évidence les calculs qui en résultent n'ont qu'une valeur indicative.

Compte tenu d'un volume de 150 stères de bois exploitables par hectare (20-22 cordes par journal, 1 journal = 0.48 ha), la forge de Riaillé était autorisée à exploiter chaque année environ 14 ha de forêt, ou encore 96 ha durant les sept années de durée du bail.

Il nous semble qu'un prélèvement de cette importance (plus de 10% par an sans contrainte d'exploitation), ne pouvait que perturber l'évolution naturelle du système forestier et remettre en cause à long terme sa régénération. En s'en tenant à ce scénario, il y avait dès cette époque, un risque à long terme de contre performance économique, sans compter une perte patrimoniale significative.

Et tout cela, pour quoi faire ?

On s'est livré à un calcul - tout théorique - permettant d'établir un rapport entre la surface déboisée et la quantité de fonte qu'elle permettait de produire.

Dans le déroulement du processus de fabrication de la fonte, selon Belhoste & Maheux (op. cit.), le rendement de carbonisation du bois est de 4,7 hl de charbon par stère de bois et la production d'une tonne de fonte requiert 38,5 m3 de charbon. Au total, en ce début du XVIIème siècle, un hectare de forêt riailléenne aurait permis à la forge de la Poitevinière de fabriquer chaque année 20,5 tonnes de fonte ! ..et le lot de 14 hectares, en 7 ans: 287 tonnes.
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Piètre résultat ou erreur de calcul ?

Combien de poêles, de boulets de canons, de socs de charrue, de serrures, de fers à chevaux. A vous de deviner !
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Cette tension entre propriétaires et exploitants est apparue maintes fois dans les textes. Peut-être était-ce un phénomène général à travers la France où la métallurgie de base était éparpillée sur tout le territoire ? On ne saurait dire si la situation que nous venons d'évoquer a des rapports directs avec la prise en main par COLBERT, en octobre 1661, du "Département des Bois" et la détérioration du patrimoine forestier du pays par les forgerons.

Une meilleure raison est le souci de ce "premier" ministre de LOUIS XIV, de doter le royaume d'une vraie marine de guerre.

Plus concrètement, COLBERT confronté à une coalition anglaise et hollandaise, crée une marine de guerre. Il fera construire de 1661 à 1675, 133 navires de haut bord, de 300 à 2.400 tonneaux (1 tonneau = 2,83m3). En 1671, les navires de haut bord portent de 28 à 120 canons en fer ou en fonte. Ce sont les frégates, les plus rapides qui sont les moins armées avec 28 canons. En parallèle, COLBERT créera des arsenaux royaux et de nouvelles infrastructures portuaires, à Lorient et à Rochefort, en complément de celles existantes, à Brest, le Havre et Dunkerque.

Cet effort de guerre considérable a engendré une demande accrue et simultanée à la fois de bois et de produits ferreux de diverses natures (La nouvelle Forge de Moisdon alimentera Lorient, tandis que les produits des Forges de Riaillé seront acheminés vers Rochefort.).

COLBERT crée immédiatement un "Service des Eaux et Forêts" qui rationalisera l'exploitation de toutes les ressources forestières nationales, en privilégiant les essences utiles à la marine (chêne et hêtre). La réglementation la plus sévère s'appliquait aux régions proches de la mer et des rivières où les troncs pouvaient être acheminés par flottage vers les chantiers navals littoraux. Une ordonnance d'août 1669 renforcera et précisera les dispositions, y compris répressives, de 1661.

Cette politique volontariste a eu pour effet immédiat la pratique de l'arpentage des massifs forestiers, avec une évaluation simultanée du potentiel de production sylvicole des différentes parcelles ainsi délimitées.

A la mort de Colbert, en 1683, la forêt d'Ancenis était partagée en deux portions égales d'environ 370 ha. Chacune d'entre elles était divisée en 9 parcelles - ou coupes - exploitables successivement lors du renouvellement des baux.

Aujourd'hui, en forêt d'Ancenis - les - Bois, la situation est-elle très différente ?

Lors de la création en 1668 de la Forge-Neuve de Moisdon (elle fut sans doute à cette époque l'une des plus grandes Forges du royaume), un siècle et demi après celles de Riaillé, son propriétaire, le Prince de CONDE, conscient du délai de reconstitution des stocks de bois, imposera un mode d'exploitation permettant de maintenir ses forêts à l'état de taillis sous futaie (en 2003, cette pratique perdure), condition optimale pour leur conservation.

On était sorti du défrichage anarchique, pratiqué depuis le Moyen Âge, en période de surabondance de bois par rapport aux besoins de la métallurgie du temps.

Pour conclure, selon Belhoste et Maheux (op. cit.) il fallait 150 ha environ (300 arpents) pour approvisionner pendant un an, un fourneau comme celui de Moisdon. Sous la condition d'effectuer une rotation de 20 ans entre les coupes, l'équilibre entre la régénération et la consommation du bois impliquait de disposer d'une réserve de 3.000 ha. Le domaine forestier des Condé autour de cette forge était de 8.000 ha, suffisant en principe pour assurer une fourniture continue de combustible.

A Riaillé, ces conditions n'étaient pas réunies puisque l'ensemble forestier le plus proche (Ancenis + Saint­Mars) ne rassemblait que 1.600 ha de bois.(Avant 1668, la baronnie de Châteaubriant vendait du bois de la forêt de Vioreau, aux forges de la Provostière).

Enfin, Belhoste et Maheux nous fournissent une autre estimation: à partir du milieu du XVIIème siècle, une grande forge (comme Moisdon), dans la situation de fonctionnement habituel, consommait en charbon l'équivalent de 9.000 à 10.000 cordes de bois (chêne et hêtre) , provenant de la coupe de 450 à 500 journaux (= de 220 à 240ha). Il s'y ajoutait une moindre quantité de bûches (hanoche) de 1.300 à 1.400 cordes par an, généralement de bois blanc (bouleau ?), à moindre pouvoir calorifique, utilisé dans les fours de fenderie,.

Des conflits d'usage sont apparues régulièrement entre propriétaires et exploitants des forges. La sanction était radicale: le chômage des forges. Une autre raison de l'arrêt des forges était le manque d'eau.

 

4.3. Le problème de l'approvisionnement en énergie hydraulique.

Les Forges étaient alimentées en énergie mécanique par les cours d'eau locaux: le Don à  Moisdon, la Chère à la Hunaudière, et le ruisseau du Jeanneau à Riaillé.

Qui connaît ce ru et l'a découvert par hasard en période d'étiage, pourra douter de sa capacité à entretenir les roues à godets faisant tourner à la fois la meule du moulin et le martinet de la forge.

La solution à ce problème avait été la création de réservoirs, (étangs vidangeables crées par les moines) où l'eau s'accumule derrière des barrages au cours des saisons pluvieuses et dans les meilleures conditions permettait une alimentation en eau des moulins, au cours de la saison sèche.

La difficulté était de réunir suffisamment d'eau pour faire face à des épisodes de forte sécheresse. Le problème de fond des forges était le dimensionnement du réservoir. Celui de la Forge-Neuve était largement insuffisant pour alimenter un "complexe" aussi important (fourneau + forge  +  fenderie), rassemblé au pied du barrage.

A Moisdon, le volume de stockage, sans renouvellement, permettait de fonctionner pendant 4 à 5 semaines seulement: des arrêts de 4 à 7 mois pour manque d'eau y furent fréquents. A l'opposé, les étangs de Riaillé étaient les plus anciens et les plus vastes de la région (75 et 73 ha) auquel s'ajoutait l'étang de la Vallée (19 ha, à partir de 1717, sur la commune de Joué sur Erdre, actuellement asséché). En outre, les forges étaient disposées en cascade : le fourneau à la Poitevinière, la forge en aval à la Provostière, et une fenderie (atelier produisant des fers plats par laminage) en fin de parcours à la Vallée. La contrepartie de cet échelonnement était une utilisation optimale de l'énergie mécanique portée par le cours d'eau commun, au détriment peut-être de la rentabilité des forges. Des épisodes d'arrêt des forges pour manque d'eau ont été signalées à Riaillé, mais sans atteindre des durées comparables à celles de Moisdon.

Ce schéma d'installation de la forgerie riailléenne, s'inspirait encore de procédés médiévaux (monastiques), très attachés aux contraintes du terrain. Celui de la Forge-Neuve beaucoup plus tardif, répondait davantage à un souci de rentabilité immédiate, suivant une conception comparable à celle des ateliers royaux.

 

4.3 . L'approvisionnement en minerai et en castine.

Alors que les bas fourneaux moyenâgeux se fournissaient sur place, la Forge-Neuve de Moisdon, le fourneau de la Poitevinière puis celui de Pas-Chevreuil; "importaient" du minerai de gisements un peu éloignés. Ces forges se fournissaient auprès de minières situées autour de la forêt de l'Arche, aux alentours des communes d'Abbaretz et de la Meilleraie. (cf: rapport de Huet (1794), in : David, 1983).

L'adjuvant de fonderie: la castine (de l'allemand kalkstein , littéralement pierre à chaux) riche en carbonate de calcium dite encore "pierre à chaux" provenait de la carrière d'Erbray située aux alentours de la Ridelais.

 

4.4 - L'organisation administrative des Forges.

On formulera deux réserves préalables concernant les informations qui vont suivre :

a) : nos sources s'appuient quelque peu sur l'organisation administrative de la Forge-Neuve de Moisdon, au plus tôt à la fin du XVIIème siècle.

b) : rien ne nous indique que la situation ait été similaire ou différente à Riaillé dans le siècle précédent et au cours du XVIIlème.

Quoi qu'il en soit, de notre point de vue, ces informations présentent au moins un double avantage: celui de définir les diverses fonctions des intervenants et de préciser le sens de certains éléments de vocabulaire.

Elles permettront en outre une lecture avisée de la chronique des baux, entre le XVIIème et le XIXème siècle.

Au sommet de la hiérarchie, se situe le Maître de Forges, signataire du bail d'affermage, le plus souvent homme de loi ou marchand, dont les revenus dépendent de la bonne gestion de l'entreprise. Ils sont souvent associés à des financiers ou riches marchands qui leur apportent les fonds de départ pour leur entreprise. Rares sont les Maîtres de Forges qui habitent sur place. Ce furent des parisiens, nantais, normands, mayennais, ...Ils sont assistés sur place par un régisseur - ou par un Directeur- chargé au quotidien de la logistique et du bon fonctionnement de l'établissement. Son recrutement s'effectuait au plus près, dans le milieu des administrateurs seigneuriaux.

Viennent ensuite les Commis qui sont essentiellement des comptables. A Moisdon, le Commis aux forges est toujours cité avant les autres : il est chargé d'assurer l'intendance générale de l'établissement. Le Commis aux comptes est chargé surtout de la partie commerciale. Le Commis aux fourneaux tient les états des produits de fabrication et des stocks de fonte. Le Commis aux bois est le dernier dans la hiérarchie des commis, il est compétent pour l'exploitation des forêts, éventuellement chargé de l'extraction du minerai.

Et qui fait fonctionner les Forges ?

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<SUITE>

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