LA TOMBE DES AVIATEURS CANADIENS

EXTRAITS DES REGISTRES DU V.A.C.-A.C.C. (Anciens Combattants du Canada)

http://www.vac-acc.gc.ca/remembers_f/sub.cfm?source=collections/virtualmem/Detail&casualty=2391884

 
À la mémoire de
Capitaine d'aviation
 RAYMOND RICHARD BURGESS
décédé le 25 juillet 1944.
 
Service militaire :
Numéro matricule : J/7612
Âge : 27
Force : Aviation militaire
Régiment : Aviation royale du Canada
Unité : 406 Sqdn.
Renseignements supplémentaires :
Fils de Richard et Sadie Burgess, de Biggar, Saskatchewan, Canada.

 

Informations sur le lieu d'inhumation :
CIMETIÈRE COMMUNAL DE RIAILLE France
 
 
À la mémoire de
Capitaine d'aviation, navigateur
 WILLIAM NEIL MACPHERSON
décédé le 25 juillet 1944.
 
Service militaire :
Numéro matricule : J/9133
Âge : 27
Force : Aviation militaire
Régiment : Aviation royale du Canada
Unité : 406 Sqdn.
Renseignements supplémentaires :

Fils de Duncan et Kathy MacPherson, de Wallenstein, Ontario, Canada

Informations sur le lieu d'inhumation :
CIMETIÈRE COMMUNAL DE RIAILLE France
 

 

William Mac Pherson & Raymond Burgess

 

CIRCONSTANCES  DE  L'ENTERREMENT

 
La tombe le 11 décembre 2004 Un Mosquito  
   

"Couchez-vous ! Couchez-vous Monsieur Huard !" s'écria Madame Bainvel, qui faisait sa marche quotidienne dans un chemin près de l'étang de la Forge à la Provostière de Riaillé le 25 juillet 1944. Empêtré par ses rênes entourées autour de la prothèse de son bras, M. Eugène Huard père ne put que se baisser et entendre l'avion en flammes s'écraser à 150 mètres de l'endroit où il conduisait sa moissonneuse-lieuse. Après un combat aérien de quelques minutes contre deux chasseurs allemands basés près de Varades, un chasseur-bombardier "Mosquito" venait de s'abattre (1).

La mort de Raymond Richard Burgess, survenue à 15:15 heures, fut déclarée à la Mairie par M. Eugène Huard père (46 ans) et celle de William Neil Mac Pherson le fut par M. Amand Brunet père (65 ans) de La Forge de la Provostière à la même heure. Les circonstances sont bien mémorisées, mais les témoignages divergent sur le nombre de riailléens présents à leur enterrement, de 100 à 400 personnes (2), et les causes de la présence d'un détachement allemand à celui-ci : surveillance et inspection du défilé ou honneurs militaires à rendre ? Vous trouverez ci-dessous celui recueilli auprès de plusieurs témoins dont  M. Eugène Huard fils et Madame Marie-Thérèse Knittel, plus connue à Riaillé par son nom de jeune fille : Marie-Thérèse Brunet.  Ils habitaient, à La Forge de la Provostière, lieu tout proche de l’écrasement de l’avion.

« L'avion s'écrasa près du champ où moissonnait la famille Huard. Il ne fut pas possible dans un premier temps de s'approcher de l'avion à cause des flammes et des explosions de munitions. M. Eugène Huard père resta sur place. Son fils Eugène âgé alors de 20 ans, s'en alla mettre à l'abri les chevaux à l'écurie. Il aperçut M. Berthelot du Bourg-Chevreuil et Mlle Marie-Thérèse Brunet qui arrivaient, le premier à vélo et la seconde en courrant.  Quand M. Eugène Huard fils revint, il remarqua que des scouts qui campaient à proximité éteignait le feu qui commençait à se propager dans un champ de blé appartenant à M. Amand Brunet et la présence de sa famille, de celle des Brunet, ainsi que M. Georges Bouriaud qui se cachait chez cette dernière pour échapper au S.T.O. en Allemagne.

Quand enfin les explosions et les flammes cessèrent, ils découvrirent, tous, les corps des malheureux aviateurs calcinés et mutilés. Les restes de chacun d'entre eux furent ramassés et déposés séparément dans deux draps.

Une heure et demie environ après la chute de l’avion, les deux pilotes allemands (3) qui avaient abattu le "Mosquito" surgirent du chemin de Sorgne en compagnie d'un interprète, ils ne saluèrent pas les dépouilles, les retournèrent avec les pieds et firent les poches des vêtements pour confisquer les papiers et l'argent. Les papiers permirent d'identifier le pilote : Raymond Richard Burgess et le navigateur : William Neil Mac Pherson. Un peu plus tard, un officier allemand de la "Kommandatur" arriva, il salua militairement et ordonna que la municipalité procède à l'enterrement sans manifestation.

 Les restes des aviateurs furent transportés par M. Eugène Huard fils à l'aide d'une bétaillère et déposés dans une grange de son père, près de la chaussée, elle est actuellement la propriété de M. & Mme Jean Cottineau. Les corps furent veillés par les habitants de la Forge de la Provostière comme c'était alors la coutume jusqu'au lendemain 26 juillet. Trois gendarmes arrivèrent d'Ancenis vers 3 heures du matin pour garder les débris de l'avion, ils contactèrent Mme Brunet et sa fille Marie-Thérèse qui veillaient les corps à la Grange et allèrent chez elles boirent un café sans sucre à cause des restrictions...

Le lendemain, mercredi 26 juillet, M. Eugène Huard fils, avec la jument noire "Fanny", alla au bourg de Riaillé chercher le corbillard. M. Pierre Boucherie procéda alors à la mise en bière (4). Ce furent Madame Brunet et sa fille Marie-Thérèse qui soulevèrent les draps contenant les restes des aviateurs et les déposèrent dans les cercueils.

Le corbillard, conduit par M. Eugène Huard fils, partit de La Forge de la Provostière distante de 4,5 km du bourg de Riaillé. Il fut suivi à pied par les familles Huard et Brunet et deux à trois autres personnes de Bourg-Chevreuil. Comme c’était l’usage, le corbillard s’arrêta à la hauteur de la maison du hongreur M. Biard (près de l’actuel Hôtel de Ville) pour attendre l'heure de l'office.

Le curé dans un premier temps avait refusé le service religieux prétextant que les défunts devaient être protestants. Ce ne fut que grâce à l’opiniâtreté de M. Pierre Gauthier, alors premier adjoint au Maire, qu’il accepta finalement de bénir les corps.

Contrairement à ce qui a été dit dans d’autres témoignages, les cercueils n’avaient pas été recouverts du drapeau tricolore et, bien qu’il y ait eu beaucoup de fleurs, aucune gerbe en Croix de Lorraine ne figurait. Mademoiselle Marie-Thérèse Brunet et son frère Amand prirent à nouveau place juste derrière les cercueils sur la route qui menait de l’église au cimetière. Elle ne vit pas les allemands rendre les honneurs militaires au passage du convoi funèbre mais remarqua, tout comme M. Joseph Muloise, leur va-et-vient le long du cortège. Elle ne se souvient plus du nombre de personnes présentes, mais d'après plusieurs autres témoignages fiables, il semblerait que l'église était pleine (environ 400 personnes) et que le convoi mortuaire comprenait plus de 200 personnes.

Dix jours plus tard le 6 août, elle vint au cimetière en compagnie de son frère M. Amand Brunet, de M. Noël Bouvet garagiste à Riaillé, de la fille de ce dernier alors âgée de 14 ans et d’un couple de Saint-Sulpice-des-Landes déposer une gerbe de sa confection en forme de Croix de Lorraine . Les mêmes personnes, à une exception près, étaient allées à vélo un mois plus tôt aux Touches pour la cérémonie d’enterrement des 27 fusillés du maquis de Saffré. Mlle Brunet était également à la Meilleraye-de-Bretagne le 4 août à l'office religieux célébré en mémoire des frères Templé, maquisards à Saffré et fusillés par les allemands."

Madame Marie-Thérèse Knittel, âgée actuellement de 86 ans, fleurit la tombe des aviateurs canadiens depuis 60 ans. Elle n’a pas oublié le sacrifice de leur vie pour délivrer notre pays de l’occupation national-socialiste allemande !

(1) D'après Mme Pauline Boote/Mac Pherson un second "Mosquito" s'échappa du combat... 

(2) Arthur Nerriec chef de la brigade de gendarmerie de Riaillé écrivit le 27 novembre 1945 en réponse à une demande d'information de Mme Pauline Mac Pherson : ... numerous crowd..., c'est à dire une foule nombreuse

(3) Ce furent eux qui apprirent à Mlle Marie-Thérèse Brunet, qui posa la question via l'interprète, que le combat n'avait duré que 3 minutes et qu'ils étaient basés près de Varades dans la grande prairie de Meauves

(4) D’après un témoignage de M. Joseph Muloise, les cercueils furent assemblés par M.M. Pierre Boucherie, Joseph Muloise et Raymond Gasnier

 

DOSSIER DE Mme Pauline BOOTE (Veuve de W N MACPHERSON) transmis par Mlle Sophie BORCOMAN

Le 1er novembre 2004, je fus abordé par Mlle Sophie Borcoman et M. Douglas Kirk alors que je venais m'incliner sur la tombe des aviateurs canadiens. Sophie m'apprit qu'elle était une amie de Mme Pauline Boote, veuve de Bill Mac Pherson, qui la considère comme sa petite-fille.  Résidant près d'Ottawa et ne pouvant se permettre le voyage, elle lui avait demandé d'aller se recueillir à sa place sur la tombe de son premier mari et de vérifier l'état du monument.

Sophie me montra le dossier constitué par Madame Boote (Veuve de Mac Pherson) âgée actuellement de 82 ans et me donna son accord pour le publier sur mon site Internet de Riaillé. Vous trouverez donc ci-dessous quelques photographies. Mme Pauline Mac Pherson espéra le retour de son mari jusqu'au 6 avril 1945 alors qu'il était décédé le 25 juillet 1944 !  Ils n'avaient été mariés que quelques mois !...

Madame Pauline Boote (Mac Pherson), Mademoiselle Sophie Borcoman espéraient qu'une association prendrait le relais  de Madame Marie-Thérèse Knittel pour fleurir la tombe des aviateurs canadiens MORTS POUR LA FRANCE.

Le Maire de Riaillé, en 1944, avait cru bon de ne pas faire porter cette mention sur le registre des décès. Il n'y avait pourtant pas de risque puisque la commune fut délivrée une dizaine de jours plus tard par l'armée américaine et que la loi du 2 juillet 1915 l'y autorisait. La Municipalité précédente a oublié de faire figurer leurs noms sur le récent monument aux morts, alors qu'ils sont morts et enterrés sur le sol riailléen depuis 1944 !

La Municipalité actuelle, sur proposition du Maire M. Patrice Chevallier, vient de confier le fleurissement de leur tombe à l'Association des Anciens Combattants de Riaillé.

MERCI, de tout coeur, à cette Municipalité et à l'Association des Anciens Combattants au nom des personnes qui n'ont pas oublié nos morts et ceux de nos alliés !

 

N. Bouvet le 23 décembre 2004

 

 

Ferme familiale en 1918 Bill enfant à la ferme familiale Les Cousins : Ron, Ross, Harvey, and Bill (William Neil) MacPherson
en 1919
     
Bill Mac Pherson, William Hargrour, Chris Eynofson Bill Mac Pherson & Raymond Burgess Bill, Pauline, leur logeuse
ou leur dernier thé ensemble
     
Visite de Pauline à la base de Winkleigh Devon

Le monument original lors de sa visite

Les Parents de Bill en 1946
     

 

Pauline Mac Pherson en 1946
lorsqu'elle vint à Riaillé

 

Monument définitif
Photographie envoyée à la famille

 

Le monument original lors de sa visite

 

 

 

 

 
Adjonction officielle de croix séparées
Photographie envoyée à la famille
Inscription au Canada sur la
tombe de M. & Mme Mac Pherson

 

Les Tombes le 29 septembre 2006

     
 

Pauline Boote à 20 ans

 

Ferme familiale en 2006 et  (Bill) William Duncan MacPherson
Il est le neveu de (Bill) William Neil MacPherson

 

Pauline Boote à 82 ans

     

 

CADEAUX  D'AMITIÉ  EN SOIE  FABRIQUÉS AVEC LES  PARACHUTES DES AVIATEURS CANADIENS

 

Pochette avec Croix de Lorraine Gants fabriqués au crochet

 

La famille Brunet cacha successivement durant la guerre une vingtaine de jeunes gens refusant le S.T.O. en Allemagne ou fuyant la police allemande pour des actions de résistance. Ce fut le cas pour le docteur Henri Mainguy, sa mère et sa soeur qui se réfugièrent ensuite dans une maison dépendant de la famille Huard. Peu de temps après avoir quitté sa cache à la Forge de la Provostière, il fut arrêté le 19/12/1943 par la S.D. (Sichersdienst = Service de Sécurité de la S.S.) à Plerguer (Ille-et-Vilaine) et fut déporté successivement à Buchenwald, Dora, Laura, Buchenwald, Nixei, Weida, Dora, Bergen-Belsen. Il revint fort heureusement de ce périple ! Après la guerre, il ouvrit un cabinet de chirurgien-dentiste à Riaillé puis à Saint-Mars-la-Jaille.

Sa mère, Madame Mainguy, confectionna avec un morceau de soie de parachute et des bouts de cordons sauvés des flammes une pochette et des gants. A l'époque les parachutes étaient en soie naturelle ! Par reconnaissance pour la famille Brunet qui les avait abrité, elle offrit ces objets à Mlle Marie-Thérèse Brunet.

Mme Marie-Thérèse Knittel, qui les gardait précieusement, vient à son tour de les donner à Mlle Sophie Borcoman pour qu'elle les remette à Mme Pauline Boote qui fut l'épouse de Bill Mac Pherson le navigateur du "Mosquito" abattu le 25 juillet 1944 à la Provostière.

 

ARTICLE  DE  STANISLAS  HARDY PARU EN AOÛT 2004
(Presse-Océan, L'Éclaireur de Châteaubriant, L'Écho d'Ancenis)
 

Eté 1944 ... Deux lieutenants canadiens abattus le 25 juillet

 

Soixante ans après, les Riailléens se souviennent... et spécialement Joseph Muloise qui ce jour-là, trouva une oreille et une jambe non loin du Mosquito canadien abattu par deux chasseurs allemands

Quelques secondes de combat

C’était le 25 juillet 44. Au cours de ce bel après-midi de juillet, un avion de type Mosquito (bi-moteur léger et rapide) surgit au-dessus du bourg... Pour ceux qui le découvrent en premiers, il semble venir de la direction de Varades. Dix secondes s’écoulent, et deux avions de chasse allemands se profilent dans son sillage. Arrivé au niveau de l’étang de La Poitevinière, au-dessus du village de l’Enclose, un des chasseurs prend de l’altitude et pique tout à coup sur l’avion canadien, le criblant de balles.

Après avoir amorcé une courbe, au-dessus du village de la Meilleraie, le Mosquito déjà en feu vient accrocher les cimes des chênes de la forêt voisine, avant de s’écraser dans une gerbe de feu et un vacarme épouvantable, tout près de la Provostière.

On découvrira des débris sur une cinquantaine de mètres aux alentours...

Tout proche, dans un champ de blé, Eugène Huard et ses enfants sont à moissonner. Un groupe de scouts qui campent, se précipite, ainsi que Marie-Thérèse Brunet qui habite dans une ferme voisine. Joseph et quelques autres jeunes du bourg foncent à vélo, avec leurs brassards de la Croix Rouge...

Hélas, toute intervention est impossible. La colonne de feu qui s’élève dans les airs est visible de loin, et les munitions qui explosent sans arrêt font s’éloigner les nombreuses personnes accourues sur les lieux.

Quand tout est consumé, on découvre les deux corps calcinés. Les habitants du village apportent des draps pour ensevelir les deux aviateurs. Les scouts commencent même à creuser les tombes.

Une cérémonie officielle

Une heure s’est écoulée et voilà que se pointent les pilotes des avions allemands qui avaient décollé de la grande prairie de Varades, transformée en base aérienne. Après discussion, le maire est autorisé à faire inhumer les deux corps dans le cimetière du pays, «mais sans cérémonie officielle» précisent toutefois les Allemands. Pendant ce temps, les deux corps sont déposés dans le hangar de Eugène Cottineau et, la menuiserie Muloise est chargée des cercueils.

L’exigence allemande ne sera pas respectée. Le lendemain après-midi, une cérémonie religieuse en l’église paroissiale rassemble un grand nombre de riailléens. Une douzaine de gerbes recouvrent les cercueils. Parmi celles-ci, l’une d’elles est confectionnée par Marie-Thérèse Brunet, en forme de Croix de Lorraine. Elle est formée uniquement de fleurs des champs.

Dans le cortège qui prend la direction du cimetière, la présence, à l’arrière, de trois Allemands, ne passe pas inaperçue. Mais tout se passe dans le calme!...

Depuis 60 ans, les corps des Lieutenants Burgess et Mc Pherson reposent côte à côte dans le cimetière de Riaillé. C’est devant cette stèle que Marie-Thérèse Brunet (aujourd’hui Mme Knittel) entretient et fleurit régulièrement la tombe et que les différentes associations patriotiques se recueillent pour certaines cérémonies.

Stan. (article publié dans la Presse en août 2004)

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